MADAME D’ORA

Une bien étrange exposition…

Le Pavillon Populaire de Montpellier présente jusqu’au 16 avril l’exposition:
« La surface et la Chair/ Madame d’Ora / Vienne-Paris 1907-1957 »

Dès l’entrée de cette exposition, on pénètre dans le monde clinquant et soyeux de la photographie de mode: mannequins filiformes, artistes connues, danseuses… Posent avec affectation devant l’appareil de Dora Kallmus, dite « Madame d’Ora ».
Première femme à ouvrir son studio de portraits à Vienne, issue d’une famille juive de la bourgeoisie autrichienne, elle sera vite reconnue par des artistes ou des personnalité comme le peintre Gustav Klimt ou l’empereur Charles 1°…

Auto-portrait 1930

Paris…

Après l’effondrement de la monarchie autrichienne et le début de la première guerre mondiale, Dora Kallmus ouvre, en 1924, un nouveau studio à Paris, et rapidement des artistes se pressent pour devenir ses client.e.s: Joséphine Baker, Coco Chanel et beaucoup d’autres, peintres ou écrivains célèbres…
Bien vite, elle est repérée par les revues de mode comme « L’officiel »:
« De la même manière que le magazine de mode a commencé par être technique, il en est de même pour la photographie de mode elle-même. La première photographie était rigide, sobre ; elle était à l’origine destinée à capturer la simple ressemblance de son sujet, avec peu d’expression créative. Cependant, avec l’essor de la scène artistique au début des années 1900, des créateurs cultivés comme d’Ora ont apporté de nouvelles approches à la pratique, invitant l’esthétique dans les pages des magazines. Alors que les dessins de mode remplissaient leur fonction pour une publication axée sur l’industrie, la directrice photo emblématique a contribué à transformer L’Officiel en un magazine visuel destiné à un public de masse assoiffé de la fantaisie de la couture. »
Piper McDonald et Tori Nergaard in #LOFFICIEL100.

Ses client.e.s admirent son talent de prises de vues mais également ses discrètes compétences en matière de retouches. Grâce à ses poses, son style, ses éclairages et ses retouches subtiles, Madame d’Ora se fait connaître comme « le miroir embellissant »!

Joséphine Baker.
La modiste Mme Agnès avec l’une de ses créations 1933
La compositrice Alma Mahler 1916
Edward Gordon Craig 1941

Dans sa biographie, Madame d’Ora parle de ces deux portraits du metteur en scène britannique
E.G Graig, comme ses premières expériences avec un appareil « Rolleiflex ». Ce petit appareil photo portatif permet plus de liberté et de souplesse dans la prise de vues et rapproche la photographe de son modèle. (Jusque là, le matériel photographique était composé d’une « chambre » montée sur un trépied et d’éclairages sur pieds.)
Cette série marque le début d’une nouvelle époque pour Dora Kallmus et annonce ses thèmes sombres d’après 1945.

Chambre photographique
Appareil « Rolleiflex »

LA GUERRE… LA PRISE DE CONSCIENCE…

Avec la prise de pouvoir des nazis, « les interdictions d’exercer une profession pour les juifs et les opposants politiques » (les « Berufsverbote ») entraînent une réduction des commandes pour d’Ora, tant dans les pays germanophones qu’en France. Ses photos disparaissent petit à petit des magazines et, suite à l’Occupation, elle est contrainte de vendre son studio en 1940.
Sa soeur Anna est déportée en 1941 et mourra en 1942. Cette même année, après la rafle du Vel’d’hiv, Madame D’ora s’enfuit en Ardèche…
Elle reviendra à Paris après la guerre.. Elle a 65 ans et plus un sou…
Elle part en voyage en Autriche en 1948, et se retrouve confrontée à un pays en ruines, ravagé par la guerre. Elle prend ses distances avec le monde du glamour et réalise une série de clichés sur les camps de réfugié.es.
Remarquables d’émotion et de sensibilité!

Photos prises dans des camps de réfugié.es à Salzbourg en 1948

LE RETOUR AU TRAVAIL

« S’il n’y avait pas le problème de l’argent, je me demande jusqu’à quel point je pourrais travailler pour mon propre plaisir. Mais j’ai dépensé trop d’argent, j’ai trop investi dans mes idées et j’ai donc dû revenir aux portraits, au moins en partie, juste pour l’argent » D’ora 1954.

Dora Kallmus, « Madame d’Ora »

Faute de moyens, elle ne peut s’offrir un studio et photographie ses clients dans leur propre lieu de vie.
À la fin de sa carrière, la mort devient un sujet régulier dans son oeuvre.
Plus sombres, ces portraits sont aussi plus sensibles. Elle semble vouloir capter ce petit quelque chose fugitif de la réalité de ses clients…
Ces photos contrastent rudement avec celles du début de l’exposition et rendent ce parcours dans la vie d’une femme réellement passionnant!

Jacques Tati 1953
Marc Chagall 1955
Le clown François Fratellini 1950
L’écrivain Somerset Maugham 1955
L’écrivaine Colette.
Dernière photo de l’exposition en très grand format

LE PAVILLON POPULAIRE SE SITUE SUR L’ESPLANADE CHARLES DE GAULLE à MONTPELLIER
L’exposition sur Madame d’Ora est ouverte du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h.
ENTRÉE LIBRE

Des visites guidées (« macro », « déclic » « grand angle » « focus »)
sont proposées tout au long de la semaine.
Renseignements au 0467661346

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