UN ÉTÉ AVEC AGNÈS

« Le Paris d’Agnès Varda de-ci, de-là » au musée Carnavalet à Paris
Jusqu’au 24 Août 2025.

« Je suis curieuse. Point. » au musée Soulages à Rodez
Jusqu’au 4 janvier 2026.


Peut-être pensez-vous connaître Agnès Varda ? Peut-être ne la connaissez-vous pas ?
Ces deux expositions, d’un bout à l’autre de la France, vous feront découvrir le génie inventif de cette grande artiste
!

« Née le 30 mai 1928 à Bruxelles, Agnès Varda passe son enfance à Sète dans l’Hérault, puis étudie la photographie et l’histoire de l’art à Paris. Amie d’enfance de l’épouse de Jean Vilar, elle devient photographe du TNP (Théâtre National Populaire à Paris), enregistrant tout, des maquettes audio aux répétitions et aux spectacles, de 1951 à 1961. Ses photos de Gérard Philipe feront le tour du monde et fourniront la matière d’une magnifique exposition au festival d’Avignon de 2007. Mais, voulant se mesurer au mouvement et à la parole, elle conçoit toute seule à vingt-cinq ans et réalise, sans expérience cinématographique, un long-métrage, « La Pointe courte ». Remarqué en marge du festival de Cannes 1955, le film fait de cette jeune femme cinéaste une pionnière bientôt internationalement reconnue et lui permet de réaliser trois courts-métrages. Elle se retrouve bientôt plongée dans le bouillonnement créatif et critique qui annonce la « nouvelle vague » et rencontre Jacques Demy, son futur époux.

Agnès Varda - crédits : Micheline Pelletier/ Gamma-Rapho/ Getty Images
Agnès Varda Micheline Pelletier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

(…) À partir de là, Agnès Varda va édifier une œuvre inclassable et abondante dont la singularité réside dans l’exercice d’une marginalité assumée, indissociable de son existence même. Sa création s’investit d’abord dans la photographie, puis des films et enfin des installations d’artiste.
Mais c’est l’intelligente complexité de son cinéma qui fonde la cohérence de son triptyque de vie, articulant sa curiosité et sa passion tant pour les arts (classiques et contre-culture) que pour les gens. »

Extrait de l’Encyclopédia Universalis.

Lors du vernissage de l’exposition « Je suis curieuse. Point. » au musée Soulages, Rosalie Varda, la fille d’Agnès Varda, nous parle de sa mère…

Rosalie Varda devant une photo de sa mère
au musée Soulages à Rodez.
interview de Rosalie Varda

LE PARIS D’AGNÈS VARDA. DE-CI, DE-LÀ » au musée Carnavalet à Paris

« Il m’est naturel d’aller de-ci, de-là, de dire quelque chose puis le contraire, et de me sentir moins piégée parce que je ne choisis pas une seule version des choses. » Agnès Varda

L’exposition met en valeur l’œuvre photographique encore méconnue de l’artiste et révèle la place primordiale de la cour-atelier de la rue Daguerre (Du nom d’un photographe!) à Paris, lieu de vie et de création, de 1951 à 2019. Elle montre l’importance de Paris dans une œuvre libre et foisonnante qui ne cède jamais à la facilité et fait merveilleusement dialoguer documentaire et fiction.

L’exposition s’appuie essentiellement sur le fonds photographique d’Agnès Varda et met en regard l’œuvre de Varda photographe avec celle de Varda cinéaste à travers un ensemble de 130 tirages, dont de nombreux inédits, et des extraits de films entièrement ou en partie tournés à Paris.
Elle présente également des publications, des documents, des objets ayant appartenu à l’artiste, des affiches, des photographies de tournage ainsi qu’une sculpture de sa chatte Nini.

« Nini »

Après avoir révélé les premiers pas d’Agnès Varda comme photographe, le parcours propose une première immersion dans la cour-atelier, à l’époque où elle est à la fois un studio de prise de vue, un laboratoire de développement et de tirages et le lieu de sa première exposition personnelle en 1954.

« Le photographe photographié ». Une facétie d’Agnès Varda :

Scène 1 : Agnès Varda sort de son atelier rue Daguerre à Paris…

Scène 2 : Elle installe son appareil photo dans la rue…

Scène 3 : puis son modèle… Le photographe Brassaï !

Plaque à l’effigie d’A.Varda installée ds la cour de l’atelier. 1952
L’atelier de la rue Daguerre. Reconstitution pour l’exposition.

Vient ensuite un ensemble de photographies qui soulignent le regard décalé, teinté d’humour et d’étrangeté que l’artiste porte sur les gens et les rues de la capitale. Agnès Varda a en effet répondu à de nombreuses commandes, notamment de portraits mais aussi de reportages, traités à sa façon, avec originalité.
De son passage au Théâtre National Populaire (TNP) on admirera de très beaux portraits de comédiennes, comédiens, metteurs en scène…
On découvre aussi les photos « de commande » pour des journaux, pubs etc.

Gerard Philipe ( « Le Cid ») Ascenseur du TNP . 1952
Jean Vilar, directeur du TNP. 1952
Giuletta Masina en 1956. (Interprête du film de Fellini : « La strada » dans le rôle de Gelsomina)
Federico Fellini Porte de Vanves à Paris en 1956
Une salle de l’exposition.
« Le dépôt de Paris-Ivry » pour « La vie du Rail » .1951.

Le regard de la cinéaste sur Paris est évoqué dans un parcours chrono- thématique mettant en valeur les films tournés entièrement à Paris à commencer par Cléo de 5 à 7 (1962). un extrait du court-métrage Les fiancés du pont MacDonald (1962) et des photographies de tournage de Loin du Vietnam (1967). À travers une sélection d’extraits de longs et courts métrages, certains inédits ou inachevés, l’exposition interroge également la façon dont la caméra d’Agnès Varda explore la ville et montre sa passion pour les détails urbains, invisibles pour des yeux pressés.

« Cléo de 5 à 7 » (Séquence des fiancés du pont Mc Donald) A.Varda 1961.
Photographies du tournage de « Cléo de 5 à 7 »
Photos de Liliane de Kermadec
Spot d’information sur la contraception et l’avortement.
Commande du Ministère de la Santé. 1981.
Agnès Varda et Gisèle Halimi. 1981.

L’exposition se poursuit avec des thématiques chères à l’artiste comme son attention aux gens et plus particulièrement aux femmes et à ceux qui vivent en marge en tissant à chaque fois des liens entre l’œuvre de la photographe et de la cinéaste. Pour le film L’une chante l’autre pas (1977), qui raconte l’émancipation de deux femmes qui gagnent en liberté et vérité, Agnès Varda a reconstitué la boutique d’un photographe parisien. Pour ce faire, elle a réalisé une série de portraits féminins dont 12 seront exceptionnellement remis en scène dans le parcours. Elle présente également des extraits de Daguerréotypes (1975), documentaire tourné rue Daguerre dans lequel Agnès Varda réalise un ensemble de portraits de ses voisins commerçants.

L’exposition s’achève autour de portraits de l’artiste photographiée et filmée dans sa cour-atelier devenue cour-jardin, à partir de laquelle elle a fait rayonner son œuvre tout en cultivant un personnage haut en couleur.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est IMG_2280.jpg.

– « AGNÈS VARDA JE SUIS CURIEUSE. POINT. » AU MUSÉE SOULAGES à RODEZ

Après la densité créatrice d’Agnès Varda au musée Carnavalet, le musée Soulages à Rodez propose une exposition lumineuse sur la période méditerranéenne de l’artiste.
Pierre Soulages et Agnès Varda se connaissaient et partageaient cet amour de la région sétoise.
Photos, installations, films … Témoignent de son – de leur – attachement à Sète et à toute la côte !

Deux tableaux de Pierre Soulages en regard de photos d’Agnès Varda ouvrent l’exposition

Le titre « JE SUIS CURIEUSE. POINT » prend ici tout son sens, tant on sent l’artiste portée par sa curiosité des gens, des lieux, des savoir-faire, des effets de lumière sur les pellicules…
Elle capte méticuleusement les moments de vie, les sourires ou la gravité d’un regard.
Un grand espace est consacré au film « La pointe courte » (du nom d’un quartier de pêcheurs de Sète) : photos, installations, vidéos…
On y découvre aussi le film « Le Bonheur » réalisé en 1965,
Un hommage au sculpteur Calder,
Les cabanes de l’île de Noirmoutier :
La mer bien sûr… Changeante et généreuse comme elle,

Agnès Varda : « Autoportrait sur un bateau » 1950.
« La mer, la mer, toujours recommencée »….. d’A.Varda

A.Varda : Marins du quartier de la pointe courte,
futurs « acteurs » du film.
A.Varda : « Nature morte à la pointe courte » .1953.
A.Varda : vues du quartier de la pointe courte.
A.Varda : « Bois. La pointe courte » 1952.
Sylvia Montfort et Philippe Noiret sur le tournage du film
« La Pointe Courte »
© Photo T Estadieu

Les cabanes….
De Noirmoutier. 2005/2006.
Affiche du film « Le bonheur » d’A.Varda
« La cabane du bonheur » reconstitution pour l’exposition
© Photo T Estadieu
© Photo T Estadieu
A.Varda : « Calder sur la plage » 1953.
Extrait de « When Sandy dreams » de A.Varda  » 2017.

Agnès Varda est décédée le 29 mars 2019.
Ces deux expositions lui sont un hommage magnifique !

23 rue Mme de Sévigné
75003 PARIS
Établissement Public de Coopération Culturelle
Jardin du Foirail . AvenueV.Hugo
12000 RODEZ

LE MUR DE BERLIN… UN MONDE DIVISÉ

La Cité de l’Architecture et du Patrimoine nous propose une exposition époustouflante sur le mur de Berlin, jusqu’au 28 septembre.

LE PLUS GRAND SYMBOLE DE DIVISION DE L’HISTOIRE

Dès que l’on pénètre dans l’exposition, on est littéralement happé par l’Histoire.
La scénographie nous emmène à travers les méandres d’un après-guerre où les tensions entre les différents protagonistes sont attisées par des intérêts économiques, stratégiques et par les ambitions personnelles de dirigeants qui, au lendemain d’une guerre effroyable qui a vu l’extermination de dizaines de millions de personnes derrière des camps cernés de barbelés, ressortent ces mêmes barbelés pour couper une ville – et ses habitant.es – en deux !

« Il est impossible de comprendre l’histoire du XXe siècle sans la confrontation philosophique, idéologique et géopolitique symbolisée par le Mur de Berlin. Racontée dans toute sa complexité, l’exposition montre l’histoire de la répression exercée par le régime communiste de l’ancienne République Démocratique Allemande( RDA), mais aussi des exemples inspirants de citoyens ordinaires dans leur lutte pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme.
Plus de 30 ans après sa chute, son histoire nous rappelle avec force la nécessité de protéger et de préserver, face aux défis nouveaux et anciens, nos démocraties, qui constituent la meilleure voie vers une coexistence pacifique. »

Luis Ferrero ( Directeur de la société espagnole Musealia co-auteure de l’exposition)


L’exposition « Le mur de Berlin Un monde divisé » raconte l’histoire du Mur de Berlin dans le contexte de la guerre froide et décrypte deux visions radicalement différentes de l’organisation de la société, dans un contexte de menace constante de guerre nucléaire.
Elle vise à encourager l’esprit critique de ses visiteurs : à quoi ressemblait la vie dans ces régimes très différents ? Pourquoi tant de gens ont-ils tenté de fuir le régime communiste de l’Allemagne de l’Est, ce qui a conduit à la construction d’un mur ? Pourquoi les promesses de l’Allemagne de l’Ouest étaient- elles si attrayantes que les citoyens étaient prêts à risquer leur vie pour franchir cette barrière ?


Divisée en quatre zones, l’exposition a été conçue pour être visitée avec un audioguide individuel, qui fournit des informations supplémentaires grâce à une narration soigneusement élaborée.
Une expérience complète qui offre un regard global sur les faits historiques. Des documents simples de compréhension : cartes de répartition, films et objets … Même un fragment original du Mur, long de 10 mêtres, retracent la naissance de cette aberration que fut la construction du Mur de Berlin.

  • UN MONDE DIVISÉ

Plongée dans le contexte de l’Europe de l’après-Seconde Guerre mondiale : comment les pays les plus puissants du moment, les États-Unis et l’Union Soviétique, ont conduit à la guerre froide en s’affrontant sur l’organisation de la réalité économique et sociale.

  • AVANT LE MUR

Cet espace explique la concurrence et les tensions politiques croissantes à Berlin. Dans une ville dont les frontières étaient ouvertes entre les deux systèmes hostiles, cela a créé un état de crise permanent et une expérience d’insécurité qui a abouti à la construction du Mur en 1961.

Fin symbolique de l’ère nazie.
  • DIVISER ET VIVRE AVEC LE MUR

Le Mur a causé de terribles souffrances aux Berlinois en détruisant brutalement les liens sociaux avec l’autre moitié de la ville.
Cette zone aborde les histoires les plus personnelles des personnes qui ont affronté le Mur et montre également le contexte mondial dans lequel s’est déroulée la guerre froide.

  • LA TRANSFORMATION MONDIALE ET LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

Cette section présente le dénouement de la guerre froide, dont le Mur de Berlin est la représentation symbolique.
Tandis que les Berlinois s’habituent à la division et au Mur, le monde se transforme et les attitudes à l’égard de la culture et de la politique ont changé dans le monde entier.
L’agitation populaire et les révolutions ont finalement fait tomber les dictats socialistes et, avec eux, le Mur.

Salle de l’exposition sur : « Le monde en mutation« 
Carousel des « révolutions » qui secouèrent l’Europe de l’Est.
Banderole de « Solidarnosc » (« solidarités »), fédération de syndicats polonais (1980)
Mur d’écriture en fin d’exposition.

Comment ne pas voir dans ces pages d’histoire
une nauséeuse ressemblance avec les tensions actuelles ?

La chute….
La chute du mur… Film diffusé dans l’exposition.

Au lendemain de la chute du mur, le violoncelliste Mstislav Rostropovich
est venu jouer devant les ruines :

L’exposition : « Le mur de Berlin Un monde divisé »
est présentée à la Cité de L’Architecture et du Patrimoine
1 Place du Trocadéro à Paris.

HISTOIRES MÊLÉES …

… D’un côté, l’histoire de l’industrialisation, qui engendre celle de l’éxode rural qui ouvre sur l’histoire de l’urbanisation, et qui voit l’émergence d’une classe bourgeoise qui fournit le matériel pour produire et d’une classe ouvrière qui fournit le travail. 
… De l’autre, des histoires de vie. Celles de la population venue pour travailler dans les usines et qui va être déplacée dans les banlieues, ces lieux tant décriés ! 

« BANLIEUES CHÉRIES, L’EXPO QUI RECADRE LES CLICHÉS« 
proposée par le Musée de l’Histoire de l’Immigration – Palais de la Porte Dorée

Une exposition singulière en forme d’œil creusé dans le béton. Au visiteur maintenant d’y plonger le sien ».  (Dossier de presse – Extraits de l’éditorial de la Directrice générale du Palais de la Porte Dorée). 

Si l’idée de l’exposition est née du constat que les banlieues, malgré leur poids dans la société française, restent trop souvent sous-représentées et mal comprises, son objectif est d’aller au-delà des stéréotypes, des perceptions négatives et réductrices, en revisitant l’histoire et l’actualité sous un prisme à la fois social, culturel et artistique. Insaisissable, le terme « banlieue » désigne une réalité toujours mouvante, en construction et en rénovation permanentes depuis le XIXe siècle. 

ÉCOUTONS CHLOÉ DUPONT,
Chargée des expositions au Musée National de l’immigration :

L’exposition nous invite à déconstruire les idées reçues, les préjugés, pour porter le regard sur celles et ceux qui ont vécu, qui vivent et qui vivront dans les banlieues en allant au delà de ce qui nous est donné à voir.

  • Banlieues douces pour quelques un.es : 
    La banlieue, un patrimoine naturel ou boisé qui attira les peintres impressionnistes, les guinguettes dans lesquelles dans les urbains venaient se prélasser.
Claude Monet : « Le bassin d’Argenteuil » 1872
Théophile Alexandre Steinlen : « Bal de barrière » 1898. 
  • Banlieues amères pour beaucoup d’autres :

Le mot « banlieue », installé depuis le Moyen Âge dans la langue française, ne prend véritablement son sens géographique de périphérie urbaine qu’au XVIIIe siècle. À partir de là, ce mot se charge progressivement de toutes sortes de connotations sociopolitiques. 
La banlieue est l’espace situé à une lieue du centre ville (4km environ) où se trouvent les gens mis au ban de la société !
Au XIX° siècle, les banlieues vont se développer. Avec la « loi sur l’extension des limites de Paris » votée sous le second empire, en 1859, la capitale passe de 12 à 20 arrondissements.

Charles Vernier : « La ville de Paris cherchant à englober la banlieue »
Charles Vernier : « La bonne ville de Paris et ses nouveaux enfants »

Les banlieues d’aujourd’hui naissent de l’expansion des grandes villes comme Paris et les métropoles françaises. À la fin du XIXe siècle, le modèle urbain d’Haussmann considère la banlieue comme un espace à « coloniser », selon les journaux de l’époque. Ces espaces libres étaient destinés à accueillir ce dont la ville ne voulait pas : entrepôts, grandes usines, cimetières, hôpitaux, prisons, terres d’épandage, logements sociaux. 

  • Des lieux  de relégation : la zone, les bidonvilles, les cités de transits…

La « Zone » est un espace qui ceinture Paris, « cette zone sinistre et boueuse qui se situe entre les rues qui finissent et l’herbe qui commence (Émile Zola)». La Zone tient son nom de la zone de tir de canon, bande de terre située au-devant des fortifications de Paris construites au début des années 1840.
Il était alors interdit de construire sur cet espace, appelé « glacis militaire », même après l’abandon de son usage militaire en 1871. Peu à peu, une population urbaine pauvre, délogée de Paris par la hausse des loyers sous le Second Empire, y rejoint des paysans chassés par l’exode rural. Ils y construisent des habitats de fortune. Ces habitants surnommés « zoniers », puis « zonards » de façon péjorative, deviennent pour beaucoup le symbole de la pauvreté et de la précarité urbaine. Malgré de nombreux projets visant à transformer cet espace en « ceinture verte », les deux guerres mondiales empêchent leur réalisation. La Zone a fini par disparaître pour faire place à une nouvelle séparation entre Paris et ses banlieues : le boulevard périphérique. 


 « Zoniers, Porte d’Italie » – Eugène Atget
  • Des bidonvilles aux « Grands ensembles » en passant par les cités de transit :

Les banlieues françaises et les logements collectifs qui y fleurissent à partir de la première moitié du XXe siècle ont d’abord accueilli le prolétariat urbain, puis l’exode rural, la main-d’œuvre issue des colonies françaises, appelée par des patrons pour venir travailler dans les usines et, l’immigration internationale. La très grande majorité d’entre eux sont sans qualification. Ils occupent des postes de manœuvres et d’ouvriers « non qualifiés » et, mal payés, ils vont vivre près de leur travail, certains en famille avec femmes et enfants, dans des conditions d’hébergements indignes.

Les bidonvilles : des abris de fortune. Au sens strict, le bidonville est fait de matériaux récupérés : bidons, tôles, caisses, planches, cartons goudronnés et vieilles bâches en plastique. Dans de nombreux cas, les bidonvilles se sont développés sans plan et sans aucune infrastructure, mais il arrive néanmoins qu’il y ait un plan régulier et que les autorités locales aient installé quelques points d’eau et quelques lampadaires. Faute d’égouts, l’hygiène est partout un problème sérieux. 
À Nanterre, dans l’ouest parisien, plus de 10 000 habitants ont vécu dans des bidonvilles construits à la hâte à partir des années 1950. 
Les bidonvilles en France ont été progressivement supprimés dans la deuxième moitié des années 1970. Jusqu’à cette date, les bidonvilles restent  le symbole  de la relégation des étrangers dans ces ghettos insalubres.

Paul Almasy : « Bidonville de Champigny s/Marne » 1963.
  • Les cités de transit : 

Au départ les cités de transit sont des expériences dispersées. Ce n’est qu’après plusieurs années qu’elles ont fini par former une politique à peu près cohérente dont le but était, à la fin des années 60, de mettre un terme au « scandale des bidonvilles ».
La genèse des cités de transit renvoie à la volonté de transformation sociale par l’habitat.
Dans le contexte de profonde crise du logement des années 1950, les cités de transit furent adoptées comme solution au relogement notamment des familles algériennes qui vivaient dans des bidonvilles.
La genèse de ce dispositif, à la croisée d’un héritage colonial, d’une histoire longue de l’éducation par le logement et de la guerre d’Algérie, explique sa stigmatisation durable.

« Groupe de rééducation sociale », « logement tiroir », « cités de relogement », « habitat-prison », « dispositif d’assistance », « habitat-dépotoir », « cités promotionnelles » sont autant de termes utilisés pour désigner les cités de transit. Ces qualificatifs contradictoires sont révélateurs de l’ambiguïté des objectifs de ce dispositif.
L’idée d’action socio-éducative, son caractère temporaire et les normes réduites du bâti donnent à la formule des cités de transit une cohérence toute relative. Celle-ci est encore soulignée par l’absence d’unité architecturale des constructions : immeubles « en dur » de trois ou quatre étages, « cités mobiles » faites de baraquements individuels, ou encore « cités provisoires » en matériaux préfabriqués
C’est au début des années 1970, alors que le dispositif connaissait sa phase de diffusion la plus forte, que l’administration l’a défini comme « ensembles d’habitations affectées au logement provisoire des familles, occupantes à titre précaire, dont l’accès en habitat définitif ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion sociale et leur promotion » .

Mehdi Charef écrivain, dramaturge, scénariste et réalisateur français.

Cité de transit du Port de Gennevilliers – Monique Hervo – 1973

Cité de transit du Port de Gennevilliers – Antar Nebchi – 1986
  • Banlieues populairesPlanifications et rénovations urbaines
Maquette de représentation des grands ensembles

La scénographie mise en œuvre dans cette partie de l’exposition nous transporte au plus près des habitants et au cœur de leur intimité de vie.
La question du patrimoine est au centre de nombreux projets de réaménagement urbain. Au fur et à mesure de la démolition des grands ensembles construits dans les années 1950 et 1970, remplacées par de nouveaux types  d’habitations, des constructions avant-gardistes qui relèvent, des années plus tard, d’espaces relégués de la région parisienne. Avec l’extension des métropoles du pays, se pose la question : que faut-il remplacer et que faut-il conserver ? 

Après avoir construit « les grands ensembles » pour reloger les habitants des bidonvilles (peut-être un peu dans la précipitation et à moindre coût ?), les locataires des cités de transit ou de logements HBM (Habitations Bon Marché), mal conçus, vont assister à la destruction de leurs logements. « Tout bascule et disparaît dans cette destruction brutale qui pulvérise la mémoire, le quartier… »

Un spectacle cruel pour celles et ceux, femmes, hommes, enfants, qui ont vécu là.

Les implosions d’immeubles, photographiées en noir et blanc, accentuent le caractère dramatique de cette technique de démolition, aujourd’hui abandonnée tant elle était violente pour les habitants, qui voyaient leurs souvenirs partir en poussière avec les lieux. 


Les implosions – Meaux 24 avril 2004 – Mathieu Pernot
Cette implosion d’une barre d’immeuble à Meaux en 2004 ne sera ni la première, ni la dernière.

L’installation « déménagements » d’Anne-Laure Boyer invite les visiteurs et les visiteuses à s’installer dans un appartement composé de meubles et objets recueillis auprès de 17 familles pendant leur déménagement, avant la démolition de leurs immeubles puis leur emménagement dans un autre lieu d’habitation. Les meubles et les objets présentés recréent un espace intime et sensible. Et les photographies de ces appartements désormais disparus et ici accrochés au mur donnent corps à ces histoires personnelles.


Déménagements – Anne Laure Boyer – 2008 – 2012 Scènes de vie
  • Banlieues engagées : des luttes en héritage

« Les grands ensembles, qui devaient faire entrer la France dans la modernité, ont permis de résoudre en partie la crise du logement. Cependant, ces quartiers souvent vétustes, mal desservis par les transports publics, peu connectés au reste du tissu urbain et aux structures municipales, ont progressivement vu se cristalliser des situations de relégation territoriale et de ghettoïsation sociale, alimentant des revendications citoyennes mêlant aspiration à la dignité des conditions de vie et à l’égalité des droits, et demande de justice liée à un sentiment de révolte contre les discriminations et le racisme. 
Des années 1970 et 1980 jusqu’à l’été 2024 s’écrit dans ces espaces en marge une histoire des luttes et des contestations symbolisées par des lieux comme les Minguettes ou Clichy-Montfermeil, et par des morts tragiques comme celles de Zyed Benna et Bouna Traoré, Amine Bentounsi, Adama Traoré, Cédric Chouviat ou Nahel Merzouk. 
Ce sont dans les espaces associatifs et médiatiques mais également dans les champs artistiques et culturels que se formulent les luttes et les mobilisations, à la croisée de l’histoire sociale, ouvrière et migratoire. (Extraits du Dossier de Presse )

Certain.es se révoltent contre la pauvreté, le racisme ou le mépris qui frappent ces territoires. D’autres montrent qu’il y a beaucoup de solidarité et de créativité dans les quartiers.
En 1981, ce mal-être atteint un point critique quand le quartier des Minguettes, à Vénissieux s’embrase. En 1983, face à un racisme croissant faisant de nombreux morts dont des enfants, la jeunesse s’organise et imagine une réponse forte : une marche pacifique à travers la France pour défendre les droits des enfants de l’immigration.

« Cette dernière section présente autant de manières d’habiter le monde, d’exprimer une nécessité intérieure et artistique et de lutter contre des clichés trop largement implantés dans l’inconscient collectif. En brisant les frontières traditionnelles entre centre et périphérie, ces nouvelles images ne demandent qu’à circuler plus encore. » (Extraits du Dossier de Presse.)

La jeunesse s’organise :

Et des œuvres d’artistes : 

« Depuis les années 1980, des émissions comme « Enquête d’action » ou « Zone interdite », ainsi que des films comme « La Haine » ou « Athéna » ont souvent dépeint les « banlieues » comme des lieux dangereux, associés à la violence et à la révolte.
Ces territoires ont été réduits à des clichés, qualifiés de zones à « nettoyer au karcher » par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy en 2005, ou de « no go zones » dangereuses à pénétrer, invisibilisant de ce fait les habitants de ces quartiers. Disparaissent ainsi dans le fracas médiatique des vies quotidiennes joliment banales, faites d’anecdotes personnelles et familiales autant que d’histoire collective et de logiques systémiques. De multiples voix s’attachent aujourd’hui à les raconter artistiquement. 

Nombreux sont les artistes et les initiatives culturelles qui viennent proposer des images de fierté et de réussite en réponse aux archétypes réducteurs et aux raccourcis. Que ces images prennent la forme de récits, de reportages photographiques ou de peintures, de lieux ou de manifestations festives et culturelles, elles s’attachent à montrer des visages et des trajectoires intimes bien éloignées des clichés. 

Ces propositions vont au-delà des contre-récits – qui seraient pensés en opposition avec les grands discours ayant fondé des stéréotypes vivaces : elles révèlent des aspects de la vie ordinaire qui se déploie dans ces lieux pluriels que cache le singulier de la notion de « banlieue ». Elles sont une ode à la banalité de quotidiens souvent bien moins sensationnalistes que certaines voix voudraient le faire croire. » (Extraits du dossier de Presse.)

Cindy Banani : »Massacre du 17 octobre 1961″ ( broderies)
Cindy Banani :  » 1983, meutre de Toufik Ouanes, 9 ans »
Dans le salon de la grand-mere – Neila Czermak Ichti 2019
Ibrahim Meite-Sikely : « Super banlieusard »
ÉCOUTONS DE NOUVEAU
CHLOÉ DUPONT :

Dans la dernière salle de l’exposition les visiteurs et les visiteuses sont mis.es à contribution.
Des petites fiches les engagent à laisser « une trace », à partir de la consigne d’écriture :
…. « Dans ma banlieue rêvée, je peux…. »

Espace d’écriture: « Banlieue rêvée » : écrire pour laisser une trace.

La playlist de l’exposition « Banlieues Chéries » du Palais de la Porte Dorée, en partenariat avec le CNM. Une immersion dans l’univers musical des banlieues.


Visite de l’exposition « Banlieues Chérie avec Sélim Krouchi journaliste au Bondy Blog,
l’occasion de discuter avec Horya Makhlouf, co-commissaire de l’exposition. 

On peut regretter qu’aucune part n’ait été faite dans l’exposition à « Banlieue 89 », association créée par Roland Castro et Michel Cantal-Dupart ( deux architectes ayant participé aux mouvements de Mai 68 et se révoltant contre la logique des grands ensembles )qui avait pour objectif de « faire une révolution en banlieue » tant architecturale que culturelle.
En 1983, les animateurs de l’association organisent une visite de la banlieue parisienne pour François Mitterand, le faisant passer par la Cité des 4000 à La Courneuve et à la /Cité jardin de la Butte Rouge de Chatenay-Malabry. À la suite de cette visite, une mission interministérielle est créée reprenant le nom de l’association « Banlieue 89 » et dirigée par ses animateurs.
En 1991, la mission fusionne avec la Délégation Interministérielle à la Ville et 116 projets sont engagés…

Pour faire suite à votre visite vous pouvez lire ce récit de François Maspéro de 1990:
« Les passagers du Roissy-Express »
Un journaliste et une photographe décident de « faire » la ligne B du RER comme une croisière… Déroutant…


Musée de l’Histoire de l’Immigration

Palais de la Porte Dorée
293 avenue Daumesnil 75012 Paris

MATISSE ET MARGUERITE…

… LE REGARD D’UN PÈRE.

Jusqu’au 24 Aout, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris ( le MAM) nous fait (re)découvrir le peintre Henri MATISSE à travers une centaine de portraits de sa fille Marguerite, son modèle favori.

  • HENRI MATISSE

Henri Matisse est né en 1869 dans le Nord de la France. Il choisit d’abord de faire des études de droit. Après une grave opération, sa convalescence lui fait découvrir la peinture et il abandonnera le droit pour suivre des cours de dessin.
« Avant, rien ne m’intéressait. Depuis lors, je n’ai plus eu que la peinture en tête » (Henri Matisse.1891)
Tout d’abord fasciné par le mouvement Impressionniste, il se détachera vite de ce style pour orienter ses recherches picturales vers le néo-impressionnisme. ( Recherche d’une approche plus « scientifique » de l’Art.)
Il découvre ensuite – comme beaucoup de peintres de sa génération – la luminosité et les couleurs du Sud de la France.
À Collioure puis à Nice, il remarque ce qu’il appelle « La négation de l’ombre et le pouvoir d’exalter toutes les couleurs ensemble, sans en sacrifier aucune. » Ce sera la ligne forte de son style: « Le Fauvisme ».
« Matisse le fauve fait chanter les couleurs ! »
(Laurence Millet: « ABCdaire de Matisse » éditions Flammarion)

H.Matisse, sa femme et Marguerite à Collioure

Le peintre va beaucoup voyager : Italie, Algérie, Allemagne, Maroc, Tahiti … De ces voyages il ramènera dans ses pinceaux des effluves de couleurs et de lumière que l’on retrouvera dans ses tableaux.

H.Matisse : « Les marocains ». 1915
H.Matisse : « Zorah sur la terrasse ». 1912.

De ses études de dessin il va garder le goût des esquisses et des portraits. Il trouvera en sa fille Marguerite un modèle fidèle et complice dont la confiance lui permit de lâcher prise et de s’aventurer en territoires inconnus.
Cette osmose entre le peintre et son modèle fera naître des toiles parmi ses plus belles et de nombreux dessins dont certains sont montrés au public pour la première fois dans cette exposition.

  • MARGUERITE

Marguerite est née en 1894 à Paris. Son père Henri Matisse et sa mère se séparent en 1897.
Le peintre se remariera en 1898. Marguerite viendra vivre chez eux et le couple aura deux garçons.
En 1901, Marguerite, atteinte de diphtérie, doit subir une trachéotomie. Elle dissimulera sa cicatrice sous des cols montants puis un ruban noir – comme on le voit sur les tableaux de son père – jusqu’en 1920 où une seconde opération lui permettra de ne plus cacher son cou.
Immergée dans la création artistique dès l’enfance, elle s’essayera à la peinture ( elle exposera en 1925 au Salon d’Automne) puis à la création de mode, sans succès…
Elle deviendra alors l’agente de son père.
En 1943 elle s’implique dans la Résistance et sera arrêtée puis déportée en Aout 44. Elle sera miraculeusement libérée fin Aout 44.
Après le décès de son père en 1954 elle ne s’occupera plus que de la préservation et de la diffusion de ses oeuvres jusqu’à sa propre mort en 1982 à Paris.

Marguerite Matisse : « Auto-portrait » 1915
Modèles de vêtements haute couture de Marguerite Matisse.
H.Matisse : « Marguerite »
Henri Matisse : Portraits de Marguerite.
Henri Matisse : « Marguerite lisant  » 1906.
Henri Matisse : Esquisse de « Marguerite cousant » 1906.
H.Matisse : « Marguerite » 1916
H.Matisse : « Marguerite » 1916
Une salle de l’exposition, sur le thème du séjour des Matisse à Étretat, en Normandie.
H.Matisse : « Marguerite » 1918
H.Matisse : « Marguerite au ruban de velours noir » 1916
H.Matisse : « Le boudoir » Nice 1921
Marguerite ne porte plus de ruban…
Carnets de croquis d’Henri Matisse.

Avant de quitter cette superbe exposition, il ne faut pas hésiter à faire un tour à « L’Espace Famille » où – quel que soit votre âge, avec ou sans famille – vous pourrez vous amuser à vous photographier dans un tableau, dessiner des portraits « à la manière de Matisse.. », jouer aux cubes ou aux puzzles…

MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS :
11 avenue du Président Wilson
75116 PARIS
www.mam.paris.fr

UNE EXPOSITION… DEUX AFFICHES…

Fernand Léger – Visage à la main sur fond rouge Vers 1954
Martial Raysse – Nissa Bella 1964

… POUR UN DIALOGUE ARTISTIQUE HAUT EN COULEUR !

Le Musée du Luxembourg présente jusqu’au 20 juillet un hommage à Fernand Léger mais aussi une célébration pour Niki de Saint Phalle, la seule figure féminine dans le groupe des « Nouveaux Réalistes »: 

« TOUS LÉGER ! AVEC NIKI DE SAINT PHALLE, YVES KLEIN, MARTIAL RAYSSE, KEITH HARING »

« Imaginée essentiellement à partir des collections du musée national Fernand Léger à Biot et de celles du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice (MAMAC), l’exposition fait dialoguer les œuvres de Fernand Léger (1881-1955), pionnier de l’art moderne, avec la génération qui lui a immédiatement succédé, les « Nouveaux Réalistes » qu’il n’a jamais rencontrée. Tous ont, à leur manière, prolongé et réinterprété son regard sur la société contemporaine, la ville, l’industrie et la culture populaire.  

Lancé en 1960 par le critique d’art Pierre Restany, le mouvement des « Nouveaux Réalistes » réunit des artistes tels que Arman (1928-2005), César (1921- 1998), Raymond Hains (1926-2005), Yves Klein (1928-1962), Martial Raysse (1936), Daniel Spoerri (1930-2024), Niki de Saint Phalle (1930-2002).
Ces artistes s’emparent des objets du quotidien de la société de consommation et de l’esthétique de la rue. Leur démarche ne vise pas la représentation du réel mais son appropriation poétique. »
(Dossier de presse)

« Artistes du mouvement des Nouveaux réalistes »

La scénographie met en valeur les œuvres : les murs blancs sont ponctués de teintes vives et vibrantes qui soulignent l’architecture et répondent aux sculptures, peintures et installations, et le parcours de l’exposition aborde différentes thématiques.
Dans la première salle, on trouve les « cinq » éléments : l’air, le feu, la terre, l’eau – qui sont les quatre éléments qui composent l’univers – auxquels s’ajoute la couleur.
La seconde salle  est consacrée à « la vie des objets », la troisième à la représentation du corps et des loisirs car : « L’art c’est la vie » et la dernière  évoque la place de l’art dans l’espace public : « le beau est partout ».

« Fernand LEGER dans ses oeuvres » photo Robert DOISNEAU.

L’art de Fernand Léger n’a jamais cessé d’inspirer. Précurseur visionnaire, il a su capter l’énergie du monde moderne et transformer les objets du quotidien en œuvre d’art en insufflant un nouvel élan à la couleur et à la forme. Dès les années 1920 il définit sa démarche artistique de « Nouveau réalisme »,
« une terrible invention à faire du vrai ». 

  • LA SALLE DES CINQ ÉLÉMENTS 

« Faisons entrer la couleur, nécessité vitale comme l’eau et le feu, dosons-la savamment. »
 Fernand Léger (1924) 

En entrant dans cette première salle, nul besoin de chercher le dialogue artistique entre le pionnier de l’art moderne et les Nouveaux Réalistes. Les cinq éléments sont devant nous.

Salle 1.

L’AIR :

Nous découvrons deux tableaux qui se donnent la réplique. Sur notre gauche, un tableau en trois dimensions  « The birds 11 » (Les oiseaux 11) réalisé par Arman avec des pinces autobloquantes métalliques et, en angle, un tableau de Fernand Léger : « Composition aux deux oiseaux sur fond jaune » 1955. 

« The birds 11 » de Arman et « Composition aux deux oiseaux sur fond jaune » de F.Léger.

LA COULEUR :

Un tableau de Fernand Léger, « La danseuse bleue » (1930) et un moulage d’Yves Klein, « Vénus bleue » (La Vénus d’Alexandrie) vers 1962. En 1960, Le peintre Yves Klein fait breveter la formule d’un bleu outremer intense qu’il baptise « International Klein Blue ». L’IKB deviendra la marque de fabrique de l’artiste en même temps qu’un symbole d’immatérialité et d’infini.

La « Vénus bleue » d’Yves Klein et  » La danseuse bleue » de Fernand Léger.

LE FEU:

Fernand Léger, deux dessins préparatoires pour la décoration de l’usine de Gaz de France à Alforville (1955) et Yves Klein  « Peinture de feu sans titre « (1961).
Yves Klein commence à travailler dès 1957 sur le feu avec la flamme d’un bruleur qui donne naissance à des empreintes sur papier. En 1961, le Centre d’essais de Gaz de France lui permet de perfectionner sa technique, tout comme ils l’avaient proposé à Fernand Léger.
C’est sur un mur de l’exposition « Tous Léger » que les deux artistes vont se rencontrer !

« Peinture de feu » Yves Klein et dessins préparatoires de l’Usine Gaz de France de Fernand Léger.

LA TERRE ET L’EAU :

De gauche à droite:

  • Yves Klein : « arbre ».
  • Fernand Léger: « La Forêt » (1942)  peinture réalisée pendant l’exil à New-York.
    Le tableau est dominé par une sorte de croix bleue, élément récurrent dans l’œuvre de F. Léger représentant une barrière et symbolisant l’intervention humaine dans le paysage… 
  • Fernand Léger: « La Baigneuse » (1932). Fernand Léger évoque dans ce tableau le mouvement du bras nu d’Ingres. Un corps déstructuré répond aux formes humanisées d’un tronc d’arbre.
    Une draperie bleue se fond avec la chevelure féminine qui évoque les remous d’une cascade. 
  • Alain Jacquet: « La Source ». Dans la mouvance du « Pop Art », (Le pop art est un art qui –dans les années 60représente la société de consommation) Alain Jacquet détourne dès 1964 les icônes de l’histoire de l’art en les juxtaposant avec des images populaires. Ici, une allégorie moderne de « La Source » d’Ingres.
« La Source » JAD Ingres
« La Source » Jacquet
  • LA VIE DES OBJETS 

« L’objet […] devait devenir personnage principal et détrôner le sujet. »
Fernand Léger (1945) 

L’objet, symbole de la société moderne :

« La Joconde aux clefs » F.Léger
« SEITA » Raymond Hains

Avec son tableau « La Joconde aux clés » (1930), Fernand Léger tourne en dérision une image iconique de la Renaissance en attirant l’attention du spectateur-trice sur des objets ordinaires, en l’occurrence un trousseau de clés qu’il grossit et isole au centre du tableau.
De son côté, Raymond Hains réalise, en 1964 sa première pochette d’allumettes géantes, copie fidèle d’un modèle courant.

DÉTRUIRE POUR RECONSTRUIRE, MONTRER DES OBJETS USUELS SOUS DE NOUVEAUX ANGLES, À LA MANIÈRE DES NATURES MORTES CUBISTES :

« Colère » Arman. (meuble de style Henri II) 1961
Daniel Spoerri, Palette Katharina Duwen (1989)
Série « Tableaux-Pièges »

DES VISAGES OBJETS :

Niki de St Phalle et Martial Raysse « Nissa Bella »
Niki de Saint Phalle Portrait de Jean Tinguely compagnon de vie et de travail de Niki de saint Phalle
« Engrenages, l’homme et ses machines« 

L’ESTHÉTIQUE DU VIDE-POCHE ET DES OUTILS DE L’ATELIER QUI RACONTENT UNE RELATION INTIME AUX OBJETS DU QUOTIDIEN :

Fernand Léger : « Main et ciseaux » (1929)
Fernand Léger : « Les Gants » (vers 1930)
Niki de Saint Phalle: « Gant de travail » (vers 1960-61)
Benjamin Vautier, dit « BEN ».
  • L’ART C’EST LA VIE 

« Transportés par l’imagination, nous atteignons la « Vie », la vie elle-même qui est l’art absolu. »
Yves Klein (1959) 

L’essor des loisirs, l’esprit festif du spectacle (danse, musique, cirque), les sujets sportifs (cyclistes, plongeurs) sont pour Fernand Léger l’occasion de célébrer le dynamisme du monde moderne, la plénitude des classes populaires qui se ressourcent au plus près de la nature, ou encore la souplesse des corps en mouvement des athlètes et acrobates.
Afin de s’adresser à tout le monde, Léger évoque ces nouveaux sujets, pleins de joie de vivre, dans des formats monumentaux qui intègrent l’œil et le corps du spectateur. 
À partir des années 1960, certains artistes du « Nouveau Réalisme » font aussi l’éloge de la société des loisirs et de l’émancipation des corps, à l’image de la série des « Nanas » de Niki de Saint Phalle.
En saisissant la poésie du quotidien, ils gomment les frontières entre l’art et la vie. Ils détruisent ainsi les symboles de l’ancien monde pour en construire un nouveau, placé sous le signe de la liberté.

Niki de Saint Phalle  « Football « (1992 et (1994)  Fernand Léger: Maquette pour le stade de Hanovre (vers 1955)
Oeuvres de Niki de Saint Phalle et Fernand Léger 
Fernand Léger: « cycliste couleur bleue » Niki de Saint Phalle :  » cycliste couleur jaune » 
Fernand Léger : « Les Quatre Cyclistes » (1943-1948)
Fernand Leger : « La Danseuse au chien », étude pour la Grande Parade (1952)
Niki de Saint Phalle:  « Cirque Knie » (1994)

« Mes dessins ne tentent pas d’imiter la vie, ils tentent de créer la vie, de l’inventer. »
 Keith Haring 

Entrée de la dernière salle.

Dès les années 1930, Fernand Léger crée – parallèlement à ses tableaux de chevalet – des œuvres abstraites et décoratives spécialement conçues pour l’architecture. Dans le contexte de la reconstruction d’après-guerre, il répond à des commandes publiques pour accomplir son rêve d’insérer sa peinture dans les paysages urbains ou naturels.
En 1946, sa première réalisation sera la façade en mosaïque de l’église du plateau d’Assy. 

Maquette pour la mosaïque de l’église Notre-Dale-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy (1947).
Fernand Léger : « Les Trois Musiciens » (1930).
Fernand Léger: « La Branche Rockfeller »

Niki de Saint Phalle rejoint les préoccupations de Léger en multipliant dès 1967, les projets de sculptures monumentales et habille le monde de ses figures rondes aux couleurs éclatantes.
Elle imagine sa « Nana Ville » avec le désir de donner le pouvoir aux femmes et de lutter contre la morosité de l’urbanisme moderne. 

Niki de St Phalle : Hommage à Miles Davis.
Niki de St Phalle: « Le jardin des Tarots » 1962.
Niki de Saint Phalle : « Wall Street
Le groupe des « Nouveaux Réalistes« .


Musée du Luxembourg :
19 Rue de Vaugirard, 75006 Paris 

ALLER SANS RETOUR…

« CE QUE J’OUBLIERAI, C’EST MA VIE ENTIÈRE »
Juliette Noureddine

Le musée de l’Homme à Paris présente  jusqu’au 8 juin 2025 l’exposition : « Migration, une odyssée humaine ».

Le Musée de l’Homme s’affirme comme un musée engagé. Alors que la question des migrations humaines est au cœur de débats contemporains, l’exposition « Migrations, une odyssée humaine » propose de prendre du recul sur le phénomène migratoire, à travers un état fiable de la connaissance .

« Comprendre les soubassements des migrations, sortir d’une vision manichéenne et renouer avec la complexité d’un phénomène inhérent au monde vivant sans jugement de valeur : telles sont les ambitions de l’exposition »  Gilles Bloch, président du Muséum 

« Il n’existe pas de vivant sans migrations.
Cette phrase, aussi simple qu’essentielle, a été le point de départ de notre réflexion pour l’exposition « Migrations, une odyssée humaine« . En 2018, le Muséum national d’Histoire naturelle a publié un manifeste affirmant que toutes les espèces migrent, qu’il s’agisse de plantes, d’animaux ou d’humains, pour des raisons variées. Ainsi, depuis toujours, hommes et femmes ont migré, volontairement ou non. À partir de ce constat, nous avons conçu une exposition inédite, centrée sur l’espèce humaine et ses déplacements ».  Aurélie Clemente-Ruiz, directrice du Musée de l’Homme 

Face aux fantasmes et aux interprétations antagonistes de chiffres contestables, l’exposition convoque l’anthropologie, la démographie, l’archéologie, la génétique, la sociologie, le droit, la géographie et l’histoire. Son parcours, déployé dans une scénographie audacieuse et colorée, présente des objets issus des collections du Muséum ou de prêts, des témoignages, des films pédagogiques, des visualisations de données, des documents d’archives et des œuvres d’art.
 L’ensemble fournit des clés de compréhension essentielles pour saisir la complexité des phénomènes migratoires, à l’échelle de la planète et sur le temps long. Elle s’appuie sur les représentations des migrations pour mieux les déconstruire, oppose les faits aux idées reçues, les chiffres aux croyances et le temps long aux vues court-termistes.

Entrée dans l’exposition.

Visiter cette exposition au musée de l’Homme, c’est se retrouver, en l’espace d’un instant, dans un univers qui convoque notre imaginaire par l’image et par le mouvement d’une vidéo qui projette des représentations de déplacements humains à différentes époques, des images d’explorateurs héroïques, de pionniers courageux, d’envahisseurs menaçants, d’exilés désespérés…  

Vidéo projetée dans l’exposition.
Les cows-boys
Page d’histoire
Partir avec une charrette…
L’éxode
Des départs plus joyeux que d’autres….
… Sauvetage…

Ces images imprègnent nos consciences et nos inconscients… Avec ces représentations nous nous engageons dans le parcours de l’exposition, un parcours en trois temps :

  • REPRÉSENTER LES MIGRATIONS :

Le premier espace de l’exposition est consacré aux perceptions, aux représentations et aux idées reçues qui entourent les mouvements migratoires. 
Un premier problème : comment nommer ces femmes et ces hommes qui quittent leurs pays : migrant.es, immigré.es, exilé.es, sans-papiers, réfugié.es, expatrié.es… Le sens de ces mots – ni anodin, ni figé – évolue selon les contextes, les pays, les époques. Certains sont des termes juridiques, d’autres des catégories administratives.

Migrants…
… Réfugiés

Les migrations s’accompagnent souvent de discours qui stigmatisent les nouveaux arrivants.
Depuis le 19° siècle, certaines craintes sont récurrentes : la xénophobie, l’inquiétude de la concurrence économique et l’appréhension d’un changement culturel qui viendrait perturber la société. Contrairement à une idée reçue qui dit que la migration « se passait mieux avant », les discours de haine d’aujourd’hui font écho aux stéréotypes et préjugés d’hier.
Les migrations sont associées à l’idée de menace, d’invasion, de submersion. Il est intéressant de noter que 96 % des humains vivent dans leur pays de naissance, un chiffre stable depuis plusieurs décennies.

Illustrations …..
… Par l’humour !
Scénographie d’une salle de l’exposition.
  • ÉTAT DES LIEUX DES MIGRATIONS :
    La deuxième partie de l’exposition dresse un état des lieux des migrations actuelles. 
Les migrations aujourd’hui.
Les idées reçues…
… et les « Violences Politiques ».
Partir à vélo…..
… Prendre une barque.
Déplacement de population.

« Les causes de départ, les trajectoires et les profils des personnes en migration sont multiples.
Le migrant archétypique : masculin, jeune, pauvre et non diplômé, est loin de représenter une majorité dans les faits.
Aujourd’hui, 48 % des migrants sont des migrantes, et les causes des départs (économiques, politiques, climatiques, familiales, éducatives ou récréatives) sont diverses et souvent imbriquées.
Révélatrice des inégalités sociales, économiques et environnementales qui règnent au sein de la population mondiale, la migration est encouragée pour les uns, dépréciée pour les autres.
L’exposition permet de partager ces différents vécus, incarnés par des témoignages et de nombreuses productions artistiques ».  (Extrait du dossier de presse).

Droit du sol et droit du sang dans le monde.
Mortalité des routes migratoires.

Le passage des frontières.
Le nombre d’individus fuyant leur pays a presque triplé en dix ans. Le passage des frontières est devenu de plus en plus périlleux pour ces personnes. 


Cette œuvre monumentale, créée par l’artiste indienne Reena Kallat à partir de câbles électriques tressés en forme de barbelés, présente une vision alternative de la planète, parcourue de trajectoires entremêlées. © Reena Kallat Studio – Jamie Woodley 
Frontière…
Il marche seul…
La Frontière.
Camp de transit à la frontière.
Frontière barbelée.

Des bagages insoupçonnés : Qu’emmènent-ils avec eux et que laissent-ils par choix … ou obligation ?

Objets de toilette….
… Et vêtements abandonnés.
Scénographie de l’exposition.
  • MIGRATIONS ET ÉVOLUTION 

La dernière partie de l’exposition ouvre une fenêtre sur notre passé lointain, pour rappeler que – dès son émergence il y a 300 000 ans – Homo Sapiens n’a cessé de se déplacer, de se disperser sur l’ensemble du globe terrestre. Il suit en cela la dynamique de l’entièreté du vivant, assurant sa pérennité : sans mouvement, il n’y a tout simplement pas de vie !
Partie d’Afrique, l’espèce humaine s’est construite à travers les rencontres, les échanges, les métissages qu’elle a provoqués au cours de ses cheminements.
Dans toutes les directions et à toutes les époques, les humains avancent, laissant sur leur chemin les traces de leurs gènes, de leurs cultures, de leurs idées.

Nous sommes tous les fruits de ces mouvements : nos sociétés, nos langues, nos gènes et même nos traditions culinaires en témoignent.


« Pantone » de Angélica DASS qui vit et travaille en Espagne.

Angelica DASS grandit dans une famille brésilienne aux couleurs de peau très différentes.
S’interrogeant sur cette variété de teintes et sur le racisme dont elle a été victime, elle explore la perception des nuances et la façon de se définir ou de désigner une personne par une seule couleur. Elle associe la teinte des peaux photographiées aux références du nuancier Pantone *, dont elle emplit le fond de l’image : l’infinie variété de nuances de la peau humaine se révèle alors dans une grande mosaïque de visages.

*Le système Pantone est un système de classification et de référencement des couleurs créé par la société Pantone dont le nom vient du préfixe « pan » et du mot anglais « tone » (le ton dans le sens de nuance) = toutes les nuances de couleurs.

Le nuancier « Pantone ».

« Aller sans retour »
Juliette Noureddine écrit cette chanson en 2008,

sans doute inspirée par le souvenir de l’arrivée en France de son grand-père, quittant sa Kabylie natale.

Musée de l’Homme
17 place du Trocadéro et du 11 novembre –
75016 Paris

L’EMPIRE DU BLEU

Geneviève ASSE:
« Le bleu prend
tout ce qui passe »

Geneviève ASSE. (C) Photo Fina Gomez.

Jusqu’au 18 mai, le musée Soulages à Rodez (Aveyron) présente les oeuvres de Geneviève Asse.
Née le 24 janvier 1923 à Vannes, Geneviève Anne Marie Bodin prend le pseudonyme de Geneviève Asse pour son itinéraire d’artiste peintre et de graveuse. Toujours elle chérira la Bretagne, partageant ses activités de peintre dans ses ateliers de l’Ile aux Moines et de l’Ile Saint-Louis (à Paris).
De 1940 à 1942, parisienne, elle se forme auprès du Groupe l’Échelle, avant de se donner corps et âme dans la Résistance auprès de son frère jumeau. Elle s’engage comme ambulancière et participe à la libération du camp de Theresienstadt.
Sa première exposition collective, « Étape » remonte à 1946 à la galerie Visconti, puis elle obtient sa première exposition personnelle en 1954 à la galerie Michel Warren toujours à Paris.
Geneviève Asse exposera ensuite régulièrement au « Salon des Réalités Nouvelles » dont le contenu penche clairement dans l’abstraction géométrique.
Elle décède en 2021, à l’âge de 98 ans.

Geneviève Asse dans son atelier.

Lorsque l’on entre dans la grande salle des expositions temporaires du musée Soulages, on est enveloppé dans une ambiance « poudrée » très étonnante ! L’harmonie entre l’éclairage, la disposition des tableaux et le silence permet d’approcher les oeuvres de Geneviève Asse tout en douceur…
Environ 70 oeuvres, ainsi que des projections vidéo, des carnets et des photos jalonnent un itinéraire non chronologique.
 » Geneviève Asse était contemporaine de Pierre Soulages. Les deux peintres se connaissaient et se respectaient (…) Imprégnés de leurs milieux respectifs (la mer et le ciel de Bretagne pour l’une et les plateaux des Causses et du Rouergue pour l’autre) ils avaient gardé la mémoire de ces espaces fondateurs dans leur approche de la peinture.  » Extrait du Dossier de Presse.

Grands espaces à la limite du monochrome où le bleu vibre comme le noir chez Soulages… Quelques « accrocs » rythment ces espaces, déchirent la toile pour attiser les nuances du bleu.
L’ambiance sereine de l’exposition nous entraîne d’une toile à l’autre, puis nous convainc de revenir pour repartir et revenir encore…

Détail de « Composition diptyque » G.Asse 1971.
Photos de Geneviève Asse.
Salles de l’exposition….
… Geneviève Asse.
G.Asse : « Composition » 1955.
G.Asse: « trois lignes grises » 1989.
G.Asse : « Sans titre » 2007, « Composition »2009, « sans titre » 2007.
« Horizontale bleue » 1972.
« Sans titre » 1961.
vue d’ensemble….
… Exposition Geneviève Asse.
Salle de projection vidéo.
Interview de Geneviève Asse
RENCONTRE AVEC….

Christophe HAZEMANN, co-directeur passionné et passionnant du Musée Soulages :

Christophe Hazemann.. En bleu 🙂

Et si vous souhaitez en savoir encore un peu plus sur le musée Soulages, écoutez le podcast de Julie Cros sur le site « FINTA! » :
« Dans les coulisses du musée Soulages de Rodez : c’est la nouvelle trilogie de Finta! – Finta! le podcast » 

ROBERT JULIA À CÉRET

Robert Julia : Pilar Jacomet
1° gardienne du musée de Céret.

Le Musée d’Art Moderne de Céret (Pyrénées Orientales) fait partie de ces musées où vous vous sentez apaisé.e dès l’entrée… Les choix architecturaux ont fait la part belle à la lumière, propice à la détente et à la « dégustation » des oeuvres !
À l’occasion de votre venue pour une exposition temporaire, ne manquez pas de déambuler dans l’incroyable collection d’art moderne et contemporain… Laissez-vous emporter par l’ambiance feutrée des salles, asseyez-vous dans un fauteuil devant la grande toile de Chagall, mise en valeur dans une salle juste pour elle, et n’oubliez pas l’espace « enfant » où vous vous amuserez comme eux 🙂

Façade du MAM de Céret
Salle Chagall : « Les gens du voyage ».

« Robert Julia, un regard humaniste »

Jusqu’au 5 septembre 2025, vous pourrez faire connaissance avec le photographe Robert JULIA, dont 80 tirages originaux sont présentés au Cabinet d’Arts Graphiques du musée.

Robert Julia (né en 1920 et décédé à Céret en 2003) est un artiste qui a marqué le paysage artistique catalan des années 1950 aux années 2000.
Il adopte la photographie comme expression préférée vers les années 50, après s’être essayé au dessin, et saisit des fragments typiques de la vie catalane (fêtes, paysages …)
À Céret il va capter les portraits de personnages illustres dans leurs moments quotidiens (Picasso, F.Derma, A.Eulry, Marguerite Pasotti…)

C’est l’importante donation d’Élisabeth Julia, son épouse, qui a permis l’accrochage de cette petite exposition, plus de trente ans après une première rétrospective.
On peut également retrouver quelques clichés du photographe à travers les salles d’expositions permanentes.
On peut regretter que les verres des encadrements ne soient pas anti-reflets ce qui nuit à l’appréciation du talent de l’artiste et à la prise de photos!

Robert Julia : Picasso en terrasse du grand café de Céret . 1959.
Le Cabinet Grahique….
… expo Robert Julia.
Robert Julia : « la récolte des cerises au chateau d’Aubiry à Céret »
Robert Julia : « Vaches au lac des Bouillouses »
Robert Julia : Dali et Gala à Céret 27/08/1965…
.... Suite de la journée du 27 Aout 1965 : discours et repas dans les arènes, trajet en train…
Robert Julia : Picasso à Céret, avec Pierre et Miette Brune, Paulo et Maya Picasso. 1953
Vitrine : F.Derma, A.Eulry, , S.Bonnecase, G.Sabatini…
Robert Julia : Jean Capedeville devant l’une de ses oeuvres. 1970

Musée d’Art Moderne de Céret :
8 bd Maréchal Joffre 66400 CERET.
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18 h

Le 8 mars 2025 dans les musées…


La Journée internationale du droit des femmes
(selon l’appellation officielle de l’ONU)
est célébrée le 8 mars.
C’est une journée internationale qui met en avant la lutte pour les droits des femmes et pour la fin des inégalités hommes-femmes dans tous les secteurs :
emplois, salaires, culture, vie familiale, santé, sexualité…


Copenhague 27 août 1910, II° Conférence Internationale des Femmes Socialistes.
La militante Clara Zetkin fait adopter l’instauration d’une journée des femmes :

  • À Montpellier, le musée Fabre propose une visite spéciale le 8 mars à 15h :
    «  Les femmes à l’honneur ».
  • Le musée Bourdelle à Paris, invite le public à venir passer une nuit à l’atelier.

    Artistes, élèves, modèles, praticiennes, les femmes occupent une place cruciale dans la vie et l’œuvre de Bourdelle. 
  • Le Musée des Arts et Métiers à Paris interroge : « Où sont les femmes ? ».
  • À PARIS le très beau musée Maillol expose « Nadia Léger, une femme d’avant-garde ».
« Nadia Léger, une femme d’avant garde »

« Nadia Léger. Une femme d’avant-garde » retrace le parcours largement méconnu de cette femme d’exception, tout à la fois peintre prolifique, éditrice de revue, collaboratrice de son époux Fernand Léger, résistante, bâtisseuse de musées et fervente militante communiste. 

LA SCULPTURE ET LA PEINTURE S’EN MÊLE

Amedeo Modigliani: « Cariatide » .
Affiche de l’exposition.

MODIGLIANI et ZADKINE : UNE AMITIÉ INTERROMPUE

Jusqu’au 30 mars le musée Zadkine à Paris présente une exposition exceptionnelle pour renouer les liens distendus par la guerre puis rompus, irrémédiablement, par la mort, entre deux artistes majeurs : Ossip Zadkine et Amédéo Modigliani.

Cette exposition est la première à s’intéresser à une amitié artistique et créative jamais explorée jusqu’alors : celle qui unit le sculpteur Ossip Zadkine au peintre Amedeo Modigliani, deux précurseurs de l’avant-garde du début du XXe siècle.
L’exposition mélange judicieusement 90 œuvres des deux artistes montrant leurs points de convergence et leurs différences. Elle nous plonge dans le Montparnasse des années 1920 avec Soutine, Max Jacob (L’Art d’Être Curieux du 15/09/2024) et Chana Orloff (L’Art d’Être Curieux 10/12/2023).

Extérieur du musée Zadkine….
.. Et une salle .
Ossip Zadkine
Amadeo Modigliani

Amedeo Modigliani (1884, Italie – 1920, Paris) se forme très jeune à la peinture en Italie où il suit les cours de l’Académie des Beaux-Arts. En 1906, il décide de venir Paris alors capitale européenne des avant-gardes artistiques. Il s’installe à Montmartre, dans un atelier rue Caulaincourt puis, au gré de ses infortunes financières, il trouvera divers hébergements. Il va fréquenter le musée d’ethnographie du Trocadéro où il découvre les « arts primitifs » en particulier l’ « art nègre ». Il rencontre Brancusi en 1909 et s’inspire de ses œuvres.

Ossip Zadkine (1888, Biélorussie – 1967, Paris) de 1907 à 1909, il s’installe à Londres pour étudier l’anglais. Parallèlement, il prends des cours de sculpture sur bois, puis il étudie la sculpture classique au British Muséum.
En 1909, il arrive à Paris pour étudier aux Beaux-Arts. Il travaille à la cité d’artistes « La Ruche » où il rencontre, entre autres artistes, Brancusi, Picasso, Survage… Et, quelque années plus tard, Amadeo Modigliani.

« Les deux artistes se rencontrent à Montparnasse, en 1913. À cette époque, Modigliani s’adonne pleinement à la sculpture, depuis sa rencontre avec Brancusi en 1909. La parenté de leur quête artistique ne peut que les rapprocher. Si leurs influences se croisent, chacun va forger son propre univers : Modigliani avec ses portraits aux expressivités fulgurantes, Zadkine avec une maîtrise subtile des matériaux. » Extrait du Dossier de Presse.
S’ensuivront deux années d’une amitié féconde. Dans ses mémoires, Zadkine décrit son ami comme « Un authentique bourgeon montparnassien qui n’a pas duré longtemps ».

  • Modigliani / Zadkine : des débuts à Paris sous le signe de la sculpture
    L’exposition débute en présentant côte-à-côte une sélection d’œuvres de Modigliani et Zadkine réalisées entre leurs arrivées respectives à Paris et les débuts de la Première Guerre mondiale. Tous deux veulent rompre avec l’esthétique académique et se tournent vers de nouveaux modèles, puisés dans l’Égypte ancienne, les arts khmers ou africains.
    Modigliani cherche un type de visage idéal, à l’ovale accusé et aux yeux en amande dont Zadkine se souviendra encore dans les années 1920, lorsqu’il sculptera à son tour une magnifique série de têtes idéales. 
Une salle de l’exposition.

Au rythme du parcours des salles d’exposition, des portraits de femmes par Modigliani et en regard, des sculptures de Zadkine.

À gauche: Zadkine: « Une tête héroïque »
À droite: Modigliani: « Tête de femme »
À gauche: « Modigliani: « Femme au ruban de velours »
À droite: Zadkine « Tête de femme »

Le parallèle est frappant, surtout dans le traitement de ces orbites mystérieusement vides ou pleines, sans pupilles, comme des fenêtres ouvertes sur l’infini !


D’Amedeo Modigliani, des études de têtes au crayon noir gras, pour de futures sculptures:

Tête de profil avec chignon et boucle d’oreille
(entre 1911 et 1913)
Étude de tête de face avec un collier (1911 – 1914)
  • La rupture amicale est consommée, amplifiée par l’impact de la guerre 

La Première Guerre mondiale va bouleverser les liens d’amitiés et éloigner les deux amis.
Trop fragile pour s’engager, Modigliani est réformé en 1914.
Parallèlement, Zadkine s’engage dans la Légion Étrangère : affecté à l’ambulance russe en 1915 comme brancardier, il est gazé en 1916, puis définitivement réformé en octobre 1917.
De son côté, Modigliani renonce définitivement à la sculpture, deux raisons sont invoquées : les matériaux qui affectent sa santé et ses sculptures qui ne se vendent pas.
Il va alors ne faire que de la peinture et céder à ce que Zadkine appellera plus tard dans ses mémoires « la dame spéculation« .
Ses portraits montrent plusieurs traits hérités de sa période sculpturale : style sévère, visage ovale sur un long cou, larges orbites en amande, des yeux sans pupille, nez droit, bouche pincée : 

1915. Béatrice Hastings présentée à Modigliani par Max Jacob en 1914
« La Bourguignonne » 1918
Tête de femme…
.. Et portrait de femme.

La représentation des femmes par Ossip Zadkine :

Buste de jeune fille aux mains repliées. Bronze poli 1914 – 1917
Musicienne en pierre calcaire 1919 et Maternité en marbre 1919

L’exposition nous donne aussi à voir et à regarder un magnifique ensemble de « portraits d’amitié » dessinés par Modigliani, qui était célèbre pour les portraits qu’il croquait rapidement, à la terrasse des cafés, en échange d’un verre ou d’un café, ou simplement en gage d’amitié, de reconnaissance et de fraternité.

Chaïm Soutine
Brancusi
Max Jacob
Amédéo Modigliani (1884-1920). Portrait de Zadkine (avec cadre).
Ossip Zadkine ne s’est jamais séparé du portrait que son ami avait fait de lui.

Comme dans une réciprocité, des amis ont, de leur côté, dessiné ou sculpté leurs portraits  :

Buste de Modigliani par Chana Orloff et portrait de Zadkine par Marie Vorobieff, dite Marevna.
  • « Un temple pour l’humanité« 
    C’est dans l’atelier d’Ossip Zadkine que se termine l’exposition avec des sculptures réalisées pour certaines au retour de la guerre et, pour d’autres, après la mort de son ami en 1920.
    Comme Amedeo Modigliani, Ossip Zadkine a passé beaucoup de temps au musée d’Ethnographie où il a découvert l’art africain.
Masques Ossip Zadkine 1924 – Bois de buis peint.

« … Dans l’agencement de l’atelier, conçu comme un « temple pour l’humanité », trois têtes sculptées en 1918 et 1919. Elles occupent une place centrale. Ces têtes aux visages allongés et aux traits simplifiés rappellent fortement les caryatides sculptées par Modigliani avant 1914, notamment celles présentées lors du Salon d’automne de 1912. Ce motif de la cariatide, inlassablement dessiné par Modigliani est également repris à maintes reprises par Zadkine et donne lieu à certains chefs-d’œuvre du sculpteur, dont la réputation avant-guerre tient largement à ses grands bois sculptés, avatars modernes des divinités antiques. » Extrait du Dossier de Presse.

Salon d’automne 1912.
Zadkine : Trois têtes d’hommes
Zadkine : « Femme à la cruche »
Détail de « La Femme à la cruche ».
En arrière plan : « La Cariatide » de Modigliani.
Dessins d’Amedeo Modigliani.
Extraits d’une émission de 1963 avec Blaise Cendrars et Ossip Zadkine évoquant leur jeunesse avec Modigliani.
  • Zadkine et le mythe Modigliani
    Modigliani décède le 24 janvier 1920, emporté par une méningite tuberculeuse, et sa compagne Jeanne Hebuterne se suicide deux jours après. Ce sera un traumatisme pour la communauté d’artistes installés à Montparnasse.
    Peu après, la légende s’empare de cet artiste au destin tragique. Ceux qui l’ont connu et admiré de son vivant, livrent tour à tour leurs témoignages. 
    Zadkine ne fait pas exception : dès 1930, le sculpteur évoque son ami dans un numéro spécial dédié à Modigliani. Dans ses souvenirs, publiés un an après sa mort en 1967, Zadkine brosse un éloquent portrait, haut en couleurs, de « Modi » et apporte ainsi sa pierre à l’édification de la légende du « prince de Montparnasse ».
    Également dans l’exposition, des documents, films et photographies qui témoignent de l’ampleur du « mythe Modigliani » et montrent la part active prise par Zadkine dans l’édification de la légende.

Le Musée Zadkine se trouve au 100 bis rue d’Assas.
Paris 75006 Paris

L’OEIL TROMPÉ ?


« Le trompe-l’œil, de 1520 à nos jours ».
Cinq siècles nous séparent… Une exposition d’une très grande richesse et beaucoup d’émotion de découvrir ces artistes et leurs œuvres sur une si longue période …


« L’œil « trompé » croit voir autre chose que ce qui est ! »

Entre jeux d’ombre et de lumière, superpositions, couleurs, laissez-vous surprendre par l’illusion de relief des compositions, approchez-vous pour vérifier la réalité des objets et découvrir un art qui continue de jouer avec nos perceptions.
Pour son 90° anniversaire, le musée Marmottan Monet propose une exposition insolite qui retrace l’évolution de ce genre pictural qu’est le Trompe-l’œil, du XVIe siècle à nos jours, de son âge d’or à sa persistance au fil des époques, de son mépris par la critique au XIXe siècle, démenti par un public séduit prenant plaisir à tomber dans le piège du jeu de l’illusion, jusqu’à sa réappropriation encore trop peu méconnue par les artistes au XXe et au XXIe siècles.
La fin du parcours est dédié à l’art de « tromper l’ennemi » grâce à la section camouflage fondée au début de la Première guerre mondiale jusqu’aux évolutions techniques où la dissimulation devient un véritable enjeu de survie lors des conflits.
Plus de 80 œuvres sont réunies provenant de collections prestigieuses du monde entier, dont certaines sont rarement exposées, voir totalement inédites.

Le musée conserve sept toiles en trompe-l’œil acquises par ses fondateurs :
Jules Marmottan (1829–1883) avocat, maire et collectionneur, son fils Paul Marmottan (1856–1932), historien de l’art, collectionneur, mécène. À sa mort, il lègue sa collection, son hôtel particulier parisien et sa villa boulonnaise à l’Académie des Beaux-Arts qui en fait, respectivement, le musée Marmottan-Monet et la bibliothèque Marmottan. Ses dons à l’Assistance Publique permettent également la création de l’hôpital Marmottan (Centre de soins et d’accompagnement des pratiques addictives).

CECI N’EST PAS UN TROMPE L’OEIL!
Lustre de bronze et de cristal qui éclaire le salon d’exception.
Vue d’une salle…
Clair-obscur

Le terme « Trompe-l’œil » aurait été employé pour la première fois par Louis Léopold Boilly (1761-1845) en légende d’une œuvre exposée au Salon de 1800, à Paris, au Palais du Louvre. Il ne sera adopté par l’Académie Française que trente-cinq ans plus tard.
Bien que le terme apparaisse au XIXe siècle, l’origine du Trompe-l’œil remonte à l’Antiquité : une légende veut qu’un peintre peignit si habilement des raisins que des oiseaux tentèrent de les picorer. Cette légende pose la question même liée à ce type de stratagème : « Peut-on vraiment leurrer un spectateur au moyen d’une peinture, forcément bidimensionnelle, au point de lui faire croire que ce qu’il voit est une réalité tridimensionnelle ? ».

Nicolas de l’Argillière:  » grappes de raisin ». 1677

Dès le XVI siècle, l’art du trompe-l’œil obéit à des règles précises : le tableau doit s’intégrer à l’environnement dans lequel il est présenté, requérant ainsi une mise en scène tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’œuvre. Il exige également que la représentation du sujet soit figurée grandeur nature, dans son intégralité sans être entravée par le cadre.
La signature de l’artiste, quant à elle, doit être dissimulée dans le tableau pour garantir l’illusion.

Au cours des siècles, le trompe-l’œil prend des formes différentes. La virtuosité et l’ingéniosité technique sont les principaux ressorts des recherches des artistes qui y mêlent une pointe de fantaisie voire d’humour assumée. L’exposition offre à voir une multitude de médiums, de la peinture à la sculpture, de l’architecture au dessin, de la photographie aux arts décoratifs dont la céramique, soulignant ainsi la manière dont cet art de la tromperie s’est diffusé dans les arts.

En fonction des époques, le Trompe-l’œil ne s’est pas construit suivant les mêmes codes, ne répond pas aux mêmes règles ni aux mêmes références. Ce genre aux dispositifs variés « est la seule catégorie d’œuvres d’art qui se définisse par référence à l’effet produit sur le spectateur ».

  • L’ÂGE D’OR DU TROMPE-L’ŒIL :
    À partir du début du XVIe siècle, la figuration illusionniste d’objets du quotidien se multiplie et séduit collectionneurs et amateurs. La « Nature-morte aux bouteilles et aux livres » (vers 1520-30) d’un artiste anonyme, constitue un exemple significatif d’une des plus anciennes natures mortes trompe-l’œil connues :

« Le XVIIe siècle voit aux Pays-Bas l’apogée de ces recherches menées par les artistes. Avec des moyens purement techniques et plastiques, la peinture à l’huile, la perspective, les effets de lumière, l’artiste ambitionne de rivaliser avec la réalité.
Cornelis Norbert Gijsbrechts, peintre de la cour de Copenhague conçoit pour les rois des trompe-l’œil dont la virtuosité inégalée élève ainsi le trompe-l’œil, un genre dit mineur, à un niveau de perfection et d’ingéniosité sans précédent. »

« Porte lettres » – Cornelis Norbertus Gijsbrechts Trompe-l’œil 1665
J-F de Le Motte: « Trompel’oeil »
Jean-François de Le Motte : « Nature morte au Trompe- l’œil » 1660.
  • DU XVIIe SIÈCLE AU XVIIIe SIÈCLE, DU TROPHÉE AU « QUODLIBET »
    Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, dans la production des natures mortes illusionnistes, les trophées trouvent une place de choix dans les intérieurs aisés.
    Parmi les portraits en trophées de chasse, gibiers et volatiles sont les plus prisés et sont souvent issues de commandes. Le roi Louis XV sollicite le pinceau de Jean-Baptiste Oudry, peintre du roi, pour immortaliser ses prouesses à la chasse à courre. L’artiste joint aux côtés des animaux un cartellino, petit papier froissé relatant le titre de l’œuvre et la date de la chasse. Au-delà de la mise en valeur de l’activité aristocratique, il s’agit de mettre en avant le nom du propriétaire et la maison où l’œuvre sera exposée
Jean-Baptiste Oudry: « Tête bizarre d’un cerf pris par le Roi dans la forêt de Compiègne le 3 juillet 1741 »

Le quodlibet, qui peut se traduire par « Ce qu’il vous plaît » met en scène un désordre savamment organisé. Il s’agit de quelques planches de sapin sur lesquelles des rubans ou des lanières sont clouées et entre lesquelles des lettres, des dessins, des gravures et des menus objets (bésicles, plumes, sceaux, etc.) sont retenus par des rubans. L’artiste y démontrait sa virtuosité et pouvait aussi apposer sa signature, la date de l’œuvre ou le nom de son commanditaire sur l’un des documents présentés sur ces portes-lettres. Au-delà de la technicité de ces compositions permettant de lire les documents imités, les artistes pouvaient y dissimuler, tel un rébus, certains messages plus ou moins explicites selon son destinataire et que le spectateur se plaît à reconstituer. Ces quolibets, avec le désordre des papiers froissés et déchirés, évoquent souvent une pensée moralisatrice, celle de la vanité du savoir, du temps qui passe et de la précarité des objets et de la vie.

Johann Caspar Füssli : » Quodlibet avec portraits de contemporains et têtes anciennes » vers 1757 –
  • ÉPANOUISSEMENT AU XVIIIe SIÈCLE : PEINTURE ILLUSIONNISTE
    « Au cours du XVIIIe siècle, plusieurs artistes dont Gaspard Gresly, Étienne Moulineuf, Dominique Doncre et Louis Léopold Boilly s’attellent à peindre des éléments ou une composition entière en noir et blanc, en grisaille (…).
    Ces peintres en font des grisailles extrêmement abouties à l’imitation de la gravure. Celle-ci peut être fixée à une planche de sapin brute sur laquelle une feuille gravée est épinglée et rend hommage à des maîtres de l’histoire de l’art comme le peintre hollandais Frans Hals (1580–1666) ou le graveur lorrain Jacques Callot (1592–1635) tandis que d’autres artistes mettent à profit leur maîtrise de cette technique pour faire ressortir les traits de leurs modèles ou copient d’œuvres de maîtres dont le Bénédicité de Chardin ce dont témoigne l’œuvre de Moulineuf ajoutant de manière habile la troisième dimension grâce au verre cassé feint. » Extraits du Dossier de Presse.
Gaspard Gresly :«Trompe l’œil à l’almanach, aux gravures et à la bourse » 1739
Étienne Moulineuf: « Copie du Bénédicité de Jean Siméon Chardin » Cadre avec illusion du verre brisé.
Louis Léopold Boilly :
Trompe-l’œil : une collection de dessins…
Et toujours l’illusion du verre brisé !


« Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Sur un guéridon en acajou de style Empire, quelqu’un semble s’être débarrassé du contenu de ses poches : pièces de monnaie, jeu de cartes, clous, canif, plume… À y regarder de plus près, il s’agit là d’un trompe-l’œil – une saisissante illusion d’optique créée par le pinceau minutieux d’un peintre virtuose, capable d’imiter à la perfection la réalité,
et donc de nous berner ! »

Louis Léopold Boilly
Trompe-l’œil aux pièces de monnaies, sur le plateau d’un guéridon,

Vers 1808 – 1815
Laurent Dabos :
« Trompe-l’œil, dit aussi Traité de paix définitif entre la France et l’Espagne Après 1801 »

Cette œuvre du musée Marmottant Monet, restaurée récemment, offre à voir sous un verre feignant d’être brisé en plusieurs endroits, des documents savamment éparpillés. À ce désordre organisé, Laurent Dabos joint une dimension politique avec la présence des portraits de Bonaparte, alors Premier consul et de Charles IV, roi d’Espagne, symboles de l’alliance entre la France et la monarchie absolue espagnole contre la Grande-Bretagne qui aboutira à la signature du traité d’Amiens le 25 mars 1802.

  • ARCHITECTURE ET TROMPE-L’ŒIL
    « La peinture en trompe-l’œil peut également constituer un élément de décor architecturé, faisant partie intégrante des intérieurs d’une société aristocratique séduite. Le peintre Dominique Doncre, spécialiste du trompe-l’œil et de la grisaille, établi dès 1770, à Arras, où il effectue l’essentiel de sa carrière, est l’un des artistes les plus représentatifs dans ce domaine. Paul Marmottan a écrit et collectionné les œuvres de cet artiste dont nous exposons ici certaines peintures provenant du musée des Beaux-Arts d’Arras dont une issue de la collection de Paul Marmottan. Ainsi, des dessus-de-porte, des devants de cheminées et des médaillons ornèrent de ses scènes d’enfants jouant certains des plus prestigieux hôtels particuliers de la ville d’Arras. »
    Extrait du Dossier de Presse.
Guillaume Dominique Doncre : « Trompe-l’œil » 1785
G.D Doncre : « deux amours lisant »
Anne Vallayer-Coster: « Trompe-l’œil aux putti jouant avec une panthère » ou « Le Printemps » 1776

Anne Vallayer-Coster, première femme admise à l’Académie des Beaux-Arts à l’âge de 26 ans a été peintre à la cour de Marie-Antoinette. Elle est décrite comme ayant une grande maitrise de l’art de l’illusion.
« Si, pour ce bas-relief antique, le spectateur averti se doute que c’est une peinture, il est fort probable qu’il va se laisser prendre au piège du cadre feint ».

  • ARTS DÉCORATIFS : LA CÉRAMIQUE
    Au XVIIIe siècle, la volonté de créer l’illusion s’étend à la production de la céramique en trompe-l’œil au service d’objets utilitaires où il s’agit davantage d’une évocation que d’une réelle duperie. Elle prend son origine à la Renaissance en Italie. Au XVIIIe siècle, des thématiques nouvelles émergent au gré des nouvelles techniques apparaissant, dont la porcelaine dure.
    Soupières en forme de choux, de salades, de courges, assiettes garnies d’olives et autres fruits et légumes ou terrines de forme animalière décorent les tables d’apparat aux côtés de plats aux formes plus conventionnelles, source de confusion pour les convives.
    La tradition du trompe-l’œil dans les arts décoratifs se renouvelle au XXe siècle avec des décors peints à la surface des objets à la manière d’une peinture illusionniste.
    Dès la seconde partie du XVIII° siècle, la Manufacture Hannong de Strasbourg  s’inspire des productions allemandes. Elle fait venir de talentueux artisans qui élaborent des objets qui témoignent des talents de technicité de ces artisans capables de recréer des formes complexes et les couleurs délicates de la matière végétale.
Vitrine d’objets de la Manufacture Hannong de Strasbourg 
Détail : Terrine en forme de laitue. 1750
  • LES TROMPE-L’ŒIL CONTEMPORAINS – LE GROUPE « TROMPE-L’ŒIL/RÉALITÉ« 
    Un intérêt renouvelé pour le genre du trompe-l’œil apparaît chez les artistes et le public après-guerre. En 1960, au Salon Comparaisons, le groupe des « peintres de la réalité », créé par Henri Cadiou, expose des trompe-l’œil. Jacques Poirier et Pierre Ducordeau se rallient à l’artiste pour fonder ensuite le groupe « Trompe-l’œil / Réalité ». En 1993, ils exposent au Grand Palais lors de la manifestation sur « le Triomphe du trompe- l’œil » suscitant l’intérêt de milliers de visiteurs.
    Ces artistes utilisent non sans humour ce genre et en font un support de contestation face à l’art contemporain, comme le peintre Pierre Ducordeau avec son imitation de l’œuvre de l’un des grands maîtres de l’art de son temps comme Lucio Fontana.
    (Lucio Fontana: article du 06/07/2024 dans l’Art d’être Curieux)
Pierre Ducordeau:
« Tableau en déplacement ». 1966
Henri Cadiou :
« La Déchirure »

  • LES TROMPE-L’ŒIL CONTEMPORAINS – LES ILLUSIONNISTES DE LA RÉALITÉ
    L’arte Povera est un mouvement d’avant-garde apparu en Italie dans les années 1960, dont fait partie Michelangelo Pistoletto. Après avoir fait l’expérience de ses autoportraits, il réalise la série des Tableaux-miroirs qui nous invite à converser avec Anselmo, Zorio, Penone, les trois artistes du mouvement Arte Povera. La technique du polissage de l’acier inoxydable permet d’obtenir une surface réfléchissante sans l’épaisseur d’un miroir traditionnel. Grâce à ce médium il souhaite démontrer que le monde de l’image est ainsi scindé en deux : le monde de l’image spéculaire, objective et le monde de l’image reproduite.
Michelangelo Pistoletto:
« Sacrée conversation, Anselmo, Zorio, Penone » 1974 … et une visiteuse
🙂
Daniel Firman
« Jade » . 2015

Martin Battersby (1914 – 1982)
« Trompe-l’œil »
  • TROMPER L’ADVERSAIRE : L’ART DU CAMOUFLAGE
    Un an après le début de la Première Guerre mondiale, en août 1915, la section Camouflage est créée. Des artistes et des décorateurs de théâtres spécialistes œuvrent pour développer des dispositifs stratégiques homologués par les généraux pour protéger les hommes et améliorer la défense et les attaques de tous les corps d’armées. Cette nouvelle arme qu’est le camouflage va au fil des conflits du XXe et du XXIe siècle se perfectionner pour que le soldat ne fasse plus qu’un avec son environnement. Les photographies contemporaines de Daniel Camus et de Lisa Sartorio en proposent une vision mêlant réalisme et esthétisme.
André Villain dit Drévile : « Frise des camoufleurs » . 1916


Lisa Sartorio « série:  » L’écrit de l’histoire »
« La guerre de loin »….
« La guerre de très, très près »

C’est la dernière salle de l’exposition, beaucoup plus éclairée que toutes celles que nous avons parcourues jusqu’alors…
Ici, il n’est plus question de jeu, mais d’enjeu de survie lors des conflits. C’est la réalité qui nous rattrape et qui, là, nous fait violence… Malheureusement !

« La Sagna et Racine scénographes »
Formés à l’architecture, Clémence La Sagna et Achille Racine revendiquent une pratique entre architecture et scénographie. De l’univers des scénographies de théâtre qui les inspirent, ils ont repris le médium principal : la maquette au 1/33 qui leur permet de concevoir des scénographies plongeant les visiteurs dans un univers narratif à l’atmosphère puissante, mais aussi l’envie d’intégrer dans les projets muséographiques des compétences issues de la « scène » comme celle de peintre en décor…
À noter qu’iels ont conçu la scénographie de l’exposition « Max Jacob » à Céret (Pyrénées Orientales)
à retrouver dans « L’Art d’être Curieux » du 15/09/2024

Maquette de la scénographie de l’exposition « Trompe-l’oeil »
Interview de La Sagna et Racine :
Achile Racine et Clémence La Sagna

Le Musée Marmottan Monet se trouve 2, rue Louis Boilly – Paris 16°