J-O:PARLONS HISTOIRE!

Dans les coulisses des Olympiades…

Les soubresauts du monde

Palais de la Porte Dorée à Paris.

Avec près de 600 œuvres, documents, films d’archives, objets, articles de presse et photographies, l’exposition « OLYMPISME, UNE HISTOIRE DU MONDE 1896-2024 », présentée au Palais de la Porte Dorée à Paris jusqu’au 8 Septembre, fait dialoguer événements historiques, figures sportives et grands témoins de l’histoire.
L’exposition plonge le public dans les coulisses de chacune des 33 olympiades, d’Athènes en 1896 à Paris en 2024, incluant celles qui ont été annulées (1916, 1940, 1944).
Cent trente ans d’évolutions géopolitiques, politiques, sociales et culturelles depuis la création des Jeux Olympiques modernes, à travers les exploits des plus grands champions et championnes olympiques.
«  Le parti pris des commissaires est de raconter, « autrement », l’histoire des Jeux Olympiques : celle des luttes pour l’égalité menées par les femmes et les minorités mais aussi des conflits géopolitiques, à l’image de la puissance des dictatures face aux démocraties durant l’entre-deux-guerres, de la guerre froide, des décolonisations, jusqu’à notre monde multipolaire. C’est une histoire à l’échelle humaine qui, au travers de l’engagement de sportives et de sportifs, prend une forme concrète et incarnée. Nous parlons de sport, d’exploits, mais aussi d’engagements et de symboles qui sont restés dans l’histoire. Tous ces combats et, en premier lieu, les luttes pour les libertés fondamentales, la démocratie, l’égalité raciale et de genre, sont au cœur de l’exposition et de son catalogue ». (Extraits du dossier presse)

1896 – 1920 : La renaissance de l’olympisme : Les jeux olympiques modernes

« Pierre de Coubertin (1863 – 1937) est à l’origine de la renaissance des Jeux Olympiques antiques et de la création du Comité International Olympique (CIO), fondé le 23 juin 1984. L’objectif du CIO est de promouvoir l’éducation physique de la jeunesse et un universalisme sportif au service de la paix.
Le choix originel de l’amateurisme traduit l’élitisme d’une aristocratie à l’origine du projet et limite la participation des athlètes issus des classes populaires. »
(Extrait du dossier de presse)

Tableau des Olympiades. K.Rachedi.

Les trois éditions qui suivent les premiers Jeux Olympiques Modernes d’Athènes en 1896, (Paris en 1900, St Louis aux États Unis en 1904 et Londres en 1908) sont diluées dans le programme de grandes expositions universelles ou internationales, ce qui va générer quelques confusions dans l’esprit des sportifs qui ne réalisent pas qu’ils participent à une compétition sportive.

1900 : Paris
Les Jeux Olympiques se déroulent dans le cadre de l’Exposition Universelle. Les organisateurs ont étalé les compétitions sur près de cinq mois, tout en minimisant le statut olympique des compétitions, à tel point que de nombreux athlètes n’ont jamais vraiment su qu’ils avaient réellement participé aux Jeux Olympiques!
Ces Jeux permettent toutefois d’assister aux premières compétitions exclusivement féminines (tennis, golf, voile, croquet et sports équestres) en dépit des préventions du baron de Coubertin pour qui les femmes n’avaient pas leur place dans ces Jeux.
Dans un texte datant de 1912, nommé «Les femmes aux Jeux olympiques», Pierre de Coubertin affirmait, entre autres déclarations: «impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter: incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine».
Il persiste en 1928 : «Quant à la participation des femmes aux Jeux, j’y demeure hostile. C’est contre mon gré qu’elles ont été admises à un nombre grandissant d’épreuves». Puis, en 1935, il aurait ajouté que «le véritable héros olympique est, à mes yeux, l’adulte mâle individuel […]. Aux JO, [le rôle des femmes] devrait surtout [être], comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs».
Le 11 juillet 1900, la joueuse de tennis britannique, Charlotte Cooper, devient la première championne olympique. Par contre, l’affiche de promotion des concours d’escrime est trompeuse car la discipline, comme bien d’autres, demeure exclusivement masculine.

Charlotte COOPER première femme médaillée.

Peu à peu, les comités d’organisation successifs posent les jalons d’un projet olympique universaliste qui exclut les femmes puis limite leur participation à certaines épreuves.
Une rameuse et nageuse française, Alice Milliat (1888-1957), pionnière du sport féminin de haut niveau, « infatigable militante de l’égalité dans le sport » va lutter contre cette discrimination pour imposer les premières olympiades féminines en 1922.
Présidente du club Fémina sport en 1915, elle est présidente et cofondatrice de la Fédération des sociétés féminines et sportives de France en 1919, puis fondatrice et présidente de la Fédération sportive féminine internationale en 1921. Elle milite pour la participation des femmes aux Jeux olympiques. « Devant le refus du CIO, présidé par le baron Pierre de Coubertin, elle décide d’organiser des compétitions féminines, nationales puis internationales ».
En 1922, la première édition des Jeux mondiaux féminins a lieu à Paris, deux ans avant les Jeux olympiques de Paris.
Quatre éditions auront lieu entre 1922 et 1934, puis ces Jeux olympiques sont passés à la trappe… Oubliés dans l’histoire… Ou presque… Ces premières olympiades n’ont d’ailleurs pas de numéro.
« Le sport féminin a sa place dans la vie sociale au même titre que le sport masculin. Il devrait même passer au premier plan des préoccupations du gouvernement ; je n’exagère pas ». En prononçant ces mots en 1917, Alice Milliat était clairement en avance sur son temps.
Au début du XXe siècle, elle a activement milité au niveau national et international pour que les femmes exercent tous les sports. Si aujourd’hui, chacune dans leur discipline, des championnes peuvent prétendre participer au JO 2024, c’est en grande partie grâce à Alice Milliat :

Alice MILLLLIAT
Équipe de natation féminine britannique
Football féminin.

En 1928, la participation des femmes atteignait près de 10%. La liste des compétitions où les femmes ont été admises n’a cessé de s’accroître, jusqu’aux Jeux de Rio (au golf, sport réintroduit, et au rugby). Maintenant, «le principe de l’égalité des sexes est inscrit dans la Charte olympique, laquelle impose au CIO d’encourager et de soutenir la promotion des femmes dans le sport à tous les niveaux”», peut-on lire sur le site du Comité International Olympique.

Les jeux de Saint-Louis aux Etats-Unis en 1904:
Ces jeux sont le premier exemple manifeste du caractère politique, raciste, esclavagiste de la gouvernance d’un pays, que l’on retrouvera dans bien d’autres Jeux Olympiques, avec les réactions d’athlètes et leurs prises de position au cours du déroulement des jeux.
À Saint-Louis, les organisateurs reproduisent la même erreur que pour les Jeux de Paris en associant les Jeux à l’Exposition Universelle qui célèbre le centenaire de l’achat de la Louisiane par les États-Unis. Au cours de cette exposition, sont organisées des « journées anthropologiques » qui visent à démontrer la supériorité de la « race blanche » sur les prétendus « peuples sauvages ».
Sans entrainement, pour des épreuves dont ils ignorent les règles, les « Indigènes » exhibés dans le cadre de l’Exposition Universelle établissent de faibles performances. Le jeune Pygmée Mbuti Ota Benga, kidnappé en 1904 au Congo, est l’un d’eux. Il est à nouveau exhibé au zoo de New York aux Jeux intercalaires de 1906 (organisés par la Grèce pour célébrer les 10 ans de la rénovation des Jeux olympiques). Il se suicide en 1916, ayant perdu tout espoir de retour chez lui.

Affiche de l’Exposition Universelle de 1904
Mbuti Ota Benga à l’Exposition Universelle 1904

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale provoque l’annulation des jeux de 1916 prévus à Berlin. Le rêve de Pierre de Coubertin d’une compétition capable de dépasser les conflits semble alors s’effondrer.

1920-1945: le temps des nationalismes


Le bilan tragique de la Grande Guerre encourage le CIO à poursuivre son œuvre pacifiste.
Les symboles olympiques vont faire leur apparition à ce moment-là.
En 1920, à Anvers, l’introduction du drapeau et du serment olympiques symbolise la concorde des nations (néanmoins, tous les vaincus de la guerre en sont exclus).
Les jeux d’Amsterdam (1928) voient, pour la première fois, l’allumage de la flamme olympique.

« Les JO et les symboles olympiques le drapeau, le serment, le salut »
Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024,

avec deux des commissaires de l’exposition,
les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:

À Paris en 1924 et Amsterdam en 1928, l’Allemagne sera absente. Les jeux sont le théâtre d’exploits sportifs réalisés par des athlètes de tous horizons, notamment issus des «minorités» ou des empires coloniaux. L’avènement des premières stars médiatiques ébranle le principe de l’amateurisme toujours fermement défendu par le CIO.
En 1932, en pleine crise économique, les Jeux de Los Angeles sont marqués par les victoires des athlètes italiens érigés en ambassadeurs du régime fasciste.
Quatre ans plus tard, la politisation de l’événement franchit un cap lors des Jeux de Berlin, au service de la propagande nazie. Malgré l’exclusion des athlètes juifs allemands au mépris des valeurs fondamentales de l’olympisme, l’organisation et la modernité affichée des Jeux de Berlin apparaissent comme autant de succès pour Adolf Hitler.
La Seconde Guerre mondiale empêche la tenue des éditions de 1940 et 1944.
Anvers 1920 : Les Jeux olympiques de 1916 sont annulés en raison de la Première Guerre mondiale et, après l’armistice de 1918, ceux de 1920 sont attribués à la ville flamande le 5 avril 1919 en hommage à la souffrance et à la bravoure des Belges pendant la guerre.
Vaincus et considérés comme responsables de la guerre, les Empires centraux et leurs successeurs (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Empire ottoman et Hongrie) ne sont pas invités aux Jeux.
La participation atteint tout de même un record de 29 nations et 2 626 athlètes (dont 65 femmes). Six délégations font leurs débuts aux Jeux olympiques : le Brésil, l’Estonie, Monaco, la Nouvelle-Zélande, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie.

« Les J-O d’Anvers »
Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024,

avec deux des commissaires de l’exposition,
les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:

Paris 1924 :
Les athlètes sont hébergés dans le premier village olympique de l’histoire des jeux.

« PARIS 1924 »
Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024,
avec deux des commissaires de l’exposition,
les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:

Il est important de noter que c’est la ville de Berlin qui avait été choisie pour les Jeux Olympiques de 1924. La guerre en a décidé autrement et, malgré l’avis du Président du CIO, le baron de Coubertin, qui voulait faire des Jeux un lieu de la réconciliation franco-allemande, c’est Paris qui a été choisie.
En 1928, les Jeux se déroulent à Amsterdam et, comme nous l’avons évoqué, c’est dans cette ville que la flamme olympique sera allumée pour la première fois.
En 1931, Berlin se voit attribuer l’organisation des Jeux olympiques de 1936. L’Allemagne est alors gouvernée par la République de Weimar, nom donné par les historiens au régime politique en place depuis 1918. En janvier 1933, changement de régime: Adolf Hitler est nommé chancelier du Reich et il reçoit les pleins pouvoirs en mars de la même année, instaurant une dictature totalitaire, impérialiste, antisémite, raciste…

« Les Jeux olympiques de Berlin, 1936. Qu’en pensait P. de Coubertin ? »
Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024,

avec deux des commissaires de l’exposition,
les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:
« 

1948-1990 Des athlètes au coeur de l’Histoire

(Pas de jeux olympiques en 1940 et 1944 pendant la seconde guerre mondiale).
Bien des péripéties et conflits géopolitiques et géostratégiques ont ébranlé l’organisation des 30 Olympiades d’été successives. Et si l’apolitisme fut l’un des principes de base des JO, les conflits (mondiaux à deux reprises), les gouvernements autoritaires ou dictatoriaux, les régimes racistes et d’apartheid de certaines nations, ont fait surgir des mouvements spectaculaires de rejet jusqu’à la fin du XXe siècle, qu’ils viennent du Comité Olympique international et, le plus souvent, des nations elles-mêmes.
L’esprit de compétition de l’olympisme sera assez vite envahi par les sentiments nationalistes et idéologiques portés par les États, et chaque Olympiade aura ses figures marquantes.
Tout au long du parcours, « Olympisme une histoire du monde » convoque des images mémorables, des archives exceptionnelles et des portraits d’athlètes aux destins incroyables.
Après avoir évoqué Jesse Owens qui, lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936, remporte quatre médailles d’or et piétine les thèses racistes du régime nazi, nous allons maintenant parcourir d’autres olympiades et vous présenter quelques unes des figures d’athlètes impliqué.es qui ont marqué certaines olympiades :
Melbourne 1956 : le 4 novembre 1956 les chars soviétiques envahissent Budapest pour mettre fin à l’insurrection hongroise et réprimer dans le sang cette révolte à la fois populaire et nationale.
Quelques jours plus tard débutent les Jeux Olympiques d’été à Melbourne en Australie.
Le match de water-polo opposant la Hongrie à l’URSS, apparaît alors pour les hongrois comme une revanche par le sport sur la géopolitique. La rencontre va se terminer par une bagarre générale dans une piscine rougie par le sang!
Mexico 1968 : à l’issue du 200 mètres masculin, dans un geste spectaculaire, poing levé ganté de noir, tête baissée, Tommy Smith et John Carlos, médaillés d’or et de bronze, montreront au monde entier leur colère et leur rébellion contre l’injustice raciale des USA.

– Munich 1972 : la politique internationale s’invitera aussi tragiquement à Munich, qui voit ses Jeux ensanglantés par une prise d’otages dramatique dont furent victimes les athlètes israéliens aux mains de ravisseurs de l’Organisation de Libération de la Palestine.

Les années 50 et 60 verront l’arrivée de pays africains issus de la décolonisation. Le CIO servira ainsi de tremplin à ces mouvements de libération nationale. De la chute du mur de Berlin émergeront également des nations sorties de l’orbite soviétique qui viendront grossir les rangs des compétiteurs. Sidney mettra en valeur, pour les Jeux du millénaire, le peuple premier de la terre australienne, les Aborigènes, dont une représentante, Cathy Freeman, gagnera la médaille d’or du 400 mètres.

Afrique, puissance olympique.
Cathy Freeman


Barcelone 1992 verra enfin les Jeux de la détente internationale!
Comment oublier le triomphe des tours de stade de Derartu Tulu et Elana Meyer à Barcelone en 1992, symboles fort de fraternité ? A l’échelle de la France, on retiendra Laura Flessel et Marie-Josée Pérec.

M-J Perec et l’épée de L.Flessel
Affiche des J-O de Barcelone 1992


L’olympisme, heureusement, ne vivra pas que des drames et des tensions. Il offrira de superbes et fréquents moments d’union et de paix entre les peuples, conformément à sa vocation.
Rome en 1960, loin du second conflit mondial, réintégrera opportunément les femmes dans les compétitions, disparues depuis les Jeux d’Amsterdam, et introduira les premiers Jeux Paralympiques après plus de soixante ans d’ignorance.
En 2024 à Paris les Jeux Olympiques et Paralympiques sont rassemblés sous les mêmes emblèmes. Le modèle olympique devient alors une voie d’affirmation sociale pour les personnes en situation de handicap. Conformément aux termes du chapitre 1 de la Charte olympique.

Une exposition dédiée est organisée au Panthéon jusqu’en septembre:  » Histoires paralympiques: de l’intégration sportive à l’inclusion sociale »

Jeux Paralympique de Sidney 2000.

Jeux Paralympiques Bruxelles 1966.


QUEL FUTUR POUR LES JEUX ?


L’exposition « Olympisme, une histoire du monde » dépasse le temps présent.
Comment penser des Jeux plus démocratiques ? Plus ouverts ? Plus respectueux de l’environnement ? Par exemple, c’est dans le cadre des JO à Londres en 2012 que se posent les premières questions d’éco-responsabilité pour continuer à faire face aux défis environnementaux.
L’exposition et son catalogue traitent aussi de la démesure des Jeux que ce soit à Athènes en 2004 après la crise financière ou en 2014 à Sotchi en Russie et abordent aussi la question de la politisation des Jeux Olympiques par des régimes non-démocratiques, de Mexico en 1968 jusqu’à Pékin en 2008. « S’attacher aux Jeux Olympiques et leur histoire, c’est découvrir que les stades sont des arènes où se jouent, sous les yeux du monde entier, le futur de nos sociétés.
À travers l’exposition, sa programmation et ses ateliers de médiation, le public est invité à questionner et imaginer le futur des jeux : intégration de nouveaux sports, redéfinition des catégories d’athlètes, nouvelles infrastructures éco-responsables… »
(Extrait du dossier de presse)
Et, pour clore cet article, l’affiche des Jeux de Paris 2024 qui a été fortement décriée … 🙂

Affiche J-O Paris 2024

Nous vous invitons à écouter l’émission « DÉBAT DU JOUR » sur RFI ( Radio France Internationale),
animée par Adrien DELGRANGE

« Sport: Parité n’est pas égalité »:

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/d%C3%A9bat-du-jour/20240716-sport-parit%C3%A9-n-est-pas-%C3%A9galit%C3%A

293 Avenue Daumesnil 75012 PARIS

RODEZ… L’ INCONTOURNABLE!

Vue aérienne de RODEZ. (c) Ville de Rodez.

CET ÉTÉ – ET JUSQU’À L’AUTOMNE – À RODEZ :

  • LE MUSÉE SOULAGES, qui fête ses 10 ans, propose une très étonnante exposition des oeuvres de LUCIO FONTANA ainsi que les DERNIÈRES OEUVRES de PIERRE SOULAGES,
  • LE MUSÉE FENAILLE nous emmène découvrir des STÈLES ETHIOPIENNES.

Le Musée Soulages: un musée en constante effervescence!

Lucio Fontana: « Structure au néon » Milan 1951 (c) Fondazione Lucio Fontana


Comme toujours au Musée Soulages, les expositions temporaires sont lumineuses et envoutantes!
LUCIO FONTANA est très peu connu du grand public français, et c’est vraiment dommage….
Rodez est la seule ville en France, (hors de Paris en 1987 et 2014), à offrir au public une rétrospective de ce peintre et sculpteur essentiel et d’une immense influence sur ses contemporains.
L’exposition propose un voyage dans l’ensemble de l’œuvre de Fontana, avant et après la Seconde Guerre mondiale, en Argentine, où il est né en 1899, et en Italie, où il s’installe définitivement à partir de 1947 : peintures, papiers, sculptures, céramiques et installations lumineuses et spatiales.
Le public découvrira, au-delà des « concepts spatiaux » avec les « attentes » et les « trous », une production surprenante et radicale d’un artiste figuratif et informel, un homme classique et futuriste, représentatif du « spatialisme », mouvement créé par plusieurs artistes italiens vers 1948.

« L’exposition Lucio Fontana: « Il y a bien eu un futur – Un Futuro c’è stato » est née d’une conversation en 2020 avec Pierre Soulages : nous avions comparé les œuvres de ces artistes bien différents et pour autant liés par un rapport poignant, étroit, entre le temps et l’espace. Pierre Soulages a rencontré Lucio Fontana dont il admirait la singularité. Aux côtés de Joan Miró, Fernand Léger, Yves Klein, Lucio Fontana est un artiste, plus sculpteur que peintre sans doute, que Soulages voyait bien un jour exposé dans son musée. Un idéaliste. » ( Extrait du dossier de Presse)

« Soulages aimait l’œuvre de Fontana pour de bonnes raisons : d’abord parce qu’il le considérait comme un artiste primordial du XXe siècle, un polyinstrumentiste.
Fontana, une figure de l’avant-garde, eut sa bonne étoile française : Paris n’est pas si éloigné de Milan… Ensuite parce que Soulages trouvait chez son aîné – 20 ans de différence d’âge – un intérêt conséquent et suivi pour le temps et l’espace, deux fondements qui le passionnaient. Le fondateur du spatialisme, mouvement échafaudé par plusieurs artistes italiens autour de 1948 et dont Lucio Fontana, le fer de lance, fut le plus pugnace et représentatif, ne pouvait que plaire à Pierre Soulages, qui arrivait à Paris en 1946 et qui exposait pour la première fois au Salon des surindépendants en 1947. »

Benoît Decron, directeur du musée Soulages.

Pierre Soulages et Lucio Fontana

« Concept spatial » 1960
En haut: « Concept spatial » « Le pain » 1950
En bas: « Concept spatial » 1954
« Concept spatial » 1962-1963
« Pilule » (violet bleu) 1967
 » Concept spatial  »
attentes 1966
« Concept spatial »
New-York gratte-ciel 1962

Sorti.es de l’exposition Lucio Fontana, vous vous retrouvez immergé.es dans les oeuvres de PIERRE SOULAGES…
Une petite exposition de photos du peintre vous accueille et les différentes visites guidées transforment le lieu en une joyeuse ruche où des enfants, des ados, des adultes écoutent et questionnent les guides passionné.es !

Pierre Soulages

Laissez vous emporter … Comme l’aurait voulu le peintre:

Depuis quelques mois, certaines des dernières oeuvres de Pierre Soulages sont exposées au musée:

18 Août 2018. Donation Colette Soulages.
4 juillet 2021. Donation Colette Soulages.
17 mars 2019. Donation Colette Soulages.
28 Février 2019. Collection particulière,
en dépôt au musée depuis 2024
« Ce n’est pas noir.. C’est tout autre chose! »
Pierre Soulages

Bel hommage aussi rendu par la plasticienne Jeanne Vicerial:

« Présence 3 Totem ». Jeanne Vicerial. 2021.
Devant deux oeuvres de P.Soulages.

Le musée Fenaille, un lieu exceptionnel !

Entrons au Musée Fenaille…

Au coeur d’un ancien hôtel particulier, le musée Fenaille possède la plus importante collection de statues-menhirs d’Europe, chères à Pierre Soulages, exposées en permanence, à côté d’oeuvres du Moyen-Age et de la Renaissance.


L’exposition temporaire « ÉTHIOPIE, LA VALLÉE DES STÈLES » nous fera découvrir les différents sites archéologiques de la vallée du Rift, au sud de l’Éthiopie, où ont été identifiées des milliers de stèles phalliques ou anthropomorphes.
Depuis près d’un siècle, plusieurs générations de chercheurs tentent de percer les secrets de ces mystérieux mégalithes. A la faveur d’une nouvelle mission archéologique française dans la région, le musée Fenaille présente pour la première fois une synthèse de ces travaux autour d’une sélection unique de stèles provenant du site de Tuto Fela.
À travers sept salles, vous cheminerez auprès des chercheurs qui, depuis des générations, travaillent sur l’histoire et la signification de ces mégalithes.
Près d’une dizaine de monolithes provenant du site de Tuto Fela sont présentés pour la première fois en France. Cette sélection est complétée par un large choix de sculptures, objets, photographies et archives de fouilles provenant de collections publiques françaises et allemandes.
Cet ensemble restitue le contexte culturel et politique de ces grandes missions archéologiques dans l’Éthiopie impériale comme l’aventure scientifique liée à la découverte de ces milliers de stèles.

Carte de l’Éthiopie.
Objets quotidiens d’une Éthiopie fantasmée
Tirages photographiques de la mission Jensen, dans le sud de l’Éthiopie. 1934-1935.
Stèles du site de TUTO FELA.
Ces stèles phalliques ont été taillées dans de l’ingnimbrite ( roche volcanique tendre) . XIII° et XV° siècle.
Détail d’une stèle de Tuto Fela.
Alf Bayrle: relevé d’une stèle de Midjidja. 1936.
Carnet de terrain de R.Joussaume. 1972.
Autres stèles du site de Tuto Fela
Une stèle….
Alignement sous un autre angle.

La visite de cette très dense exposition se poursuit par la projection dans le grand auditorium
du film: « Éthiopie, le mystère des mégalithes » d’Alain Tixier.

Capture d’écran: « Éthiopie, le mystère des mégalithes »
Regardons….
LES STATUES-MENHIRS

Musée SOULAGES : Avenue Victor Hugo – Jardins du Foirail
Musée FENAILLE : 14 place Eugène Raynaldy

Juillet et Août: tous les jours de 10h à 18h.

PASSEURS DE LUMIÈRE

« Madonna and child » Kehinde Wiley . 2016.

LA CITÉ DU VITRAIL À TROYES

Centre d’interprétation, plutôt que musée, la Cité du Vitrail de Troyes, dans l’Aube, mérite d’être le but de votre prochaine escapade, où que vous soyez en France!

Ouverte en décembre 2022, la Cité rend hommage aux arts du vitrail, religieux ET laïcs, à travers un parcours sur quatre niveaux, abordant les techniques artisanales spécifiques et la chronologie historique, ainsi qu’un pôle de recherche, une salle de projection et un lieu d’expositions temporaires.

ÉPOUSTOUFLANT !

C’est bien le mot qui nous vient au sortir de cette visite, tant l’intelligence de la mise en espace et la beauté des oeuvres présentées s’allient pour vous couper le souffle.
Dès l’accueil, l’immersion dans le vitrail débute avec une création contemporaine : un lustre monumental installé au centre de l’escalier.
Imaginé par Alain Vinum, maître verrier troyen, ce lustre se compose de 24 manchons de verre.
Il s’agit de bouteilles en verre soufflées à la bouche par la verrerie de Saint-Just® (Loire) tout spécialement pour cette création. Détournés de leur fonction première, les manchons suspendus, deux par deux sur des filins, sont mis en lumière pour révéler leurs quatre teintes chaudes et opalescentes (2 jaunes, 1 brun et 1 rouge-orangé). (Les établissements liégeois Goosse lustrerie ont procédé à l’installation du lustre, manchon par manchon, en octobre 2022.)

Lustre de A.Vinum
Fanny PORTIER

Avant de vous emmener visiter la Cité du Vitrail, écoutons Fanny Portier – chargée de communication et du numérique – nous conter sa création:


Empruntons l’escalier majestueux qui tourne autour du lustre pour nous rendre au 5e niveau.
Le parcours de l’exposition permanente propose une visite chrono-thématique présentant plus de 60 verrières et chefs-d’œuvre de l’art du vitrail, à la fois anciens et contemporains.

À ce niveau, nous allons découvrir les grandes étapes de la création d’un vitrail, depuis la commande jusqu’à la pose.
On admirera d’abord la reconstitution de l’atelier d’un Maître Verrier (avec une discrète bande son des bruits familiers : verres qui s’entrechoquent, crissements de la découpe, martellements…).
Des bornes interactives présentent de courts films sur la fabrication et la rénovation, et on peut également manipuler des outils…
Deux fils rouges à cette première étape: la rose de la cathédrale de Sens et le vitrail du millénaire de la cathédrale de Strasbourg.

Cathédrale de Strasbourg.
Cathédrale de Sens.
Détail panneau cathédrale de Sens
Panneau « la rose de la cathédrale de Sens » (transept sud de la cathédrale)
L’atelier d’un Maître Verrier
Une borne interactive. (extrait)

À partir de là, s’ensuit un parcours chronologique du IVe siècle jusqu’à nos jours.

Panneau cistérien XIIIe siècle
Saint Gilles. XVIe siècle

Au niveau 3, la Galerie des Vitraux, baignée de lumière naturelle, offre au visiteur la diversité de 26 vitraux présentés, dont de très grands formats (jusqu’à 5 mètres de haut), qui transmettent toute la richesse et le foisonnement de cet art qui traverse les siècles en se renouvelant continuellement.

On y trouve quelques oeuvres étonnantes:

« La verrière de la céramique » :

Lors de son édification pour l’exposition universelle de 1878, quatorze baies du palais du Trocadéro furent pourvues de vitraux représentant l’histoire des arts de l’industrie.

Détail de la verrière de la céramique.

« L’ange » de Lalique :

« l’ange » de René Lalique. 1926.

À Reims, Une église dédiée à saint Nicaise est construite au milieu des maisons ouvrières et sa décoration est confiée à des artistes de renommée internationale. René Lalique, reçoit la commande du cycle de vitraux. Il développe une technique novatrice : le verre pressé-moulé. Le verre est coulé dans un moule préalablement sculpté et passé sous une presse qui permet d’imprimer le motif dans l’épaisseur de la matière. La forme et les nuances de couleurs de cet ange agenouillé résultent donc uniquement des différences d’épaisseur du verre. Le contraste entre l’ange et le fond est accentué par un traitement dépoli du verre sur les parties en creux, faisant ressortir la transparence du vêtement ou le moelleux des plumes de l’aile qui retombent sur la jambe.

« La vitesse » de Jacques Simon

« La vitesse » J.Simon. 1928

Vitrail destiné au pavillon de l’Automobile-club Champagne-Ardenne-Argonne édifié en 1928 à Reims par l’architecte Jacques Rapin, à l’occasion de l’exposition des Meilleures Marques.

« Madonna and child » K. Viley


« Madonna and child » Kehinde Wiley . 2016.

K. Wiley puise de nouveau son inspiration dans des œuvres traditionnelles occidentales (ici du XIXe siècle) en l’adaptant avec des modèles tout à fait contemporains, noirs et urbains.

En quittant la Galerie des Vitraux, nous rejoignons une petite salle sombre, La Salle du Trésor, où se trouve « La transfiguration du Christ » exposée sous verre et légèrement inclinée.

« La transfiguration du Christ »
Vitrail Troyen. Fin du XIIe siècle

« Le chef-d’œuvre de la collection de la Cité du Vitrail
Représentant la Transfiguration du Christ entouré de deux apôtres, un vitrail troyen daté de la fin du XIIe siècle, disparu depuis le début du XXe siècle, est exposé pour la première fois dans une salle qui lui sera entièrement consacrée. Authentique panneau de vitrail du XIIe siècle, il fut créé pour la cathédrale romane de Troyes ou pour la collégiale Saint-Étienne, fondée par Henri Ier le Libéral, comte de Champagne. Réapparu de façon fortuite lors d’une vente publique, il a été acquis par le Conseil départemental de l’Aube en novembre 2018. Il est actuellement en cours d’étude et vient d’être restauré par la Manufacture Vincent-Petit (Troyes). Sa rareté en fait un véritable trésor pour la Cité du Vitrail et son acquisition traduit la politique patrimoniale et de restauration engagée par le Département. »
(Extrait du Dossier de Presse)

Notre parcours se conclut par la Chapelle de l’Hôtel-Dieu-Lecomte où se trouve la Cité du Vitrail. À partir du 22 juin et jusqu’au 5 janvier 2025, s’y tiendra une exposition:
« Notre Dame de Paris : la querelle des vitraux (1935-1965) qui évoquera le projet porté par douze maîtres verriers d’orner la nef de Notre-Dame de Paris de vitraux contemporains de cette époque…

Installation de l’expo. Manufacture Vincent PETIT . Troyes.
Installation…..
.. De l’expo.
Un livre…

Pour vous plonger dans l’univers des vitraux du Moyen-Age, voici un très beau roman historique:
« Le passeur de lumière » de Bernard Tirtiaux.

La CITÉ DU VITRAIL
31 QUAI DES COMTES DE CHAMPAGNE À TROYES (Aube)
cite.vitrail.fr

JEU DE MIROIRS

Sacrilège ! L’État, les religions & le sacré
Archives Nationales à Paris.

« Pourquoi les rois de France poursuivaient-ils le blasphème au même titre que le crime de lèse-majesté? Comment l’État, monarchique ou républicain, compose-t-il avec le pouvoir religieux ?
Même laïc, l’État peut-il se passer de toute forme de sacré ?
Autant de questions au cœur de l’exposition « Sacrilège ! L’État, les religions et le sacré ».
Du Moyen Âge à nos jours, c’est ainsi une grande fresque historique sur le sacrilège que nous sommes invité.es à découvrir, confrontant le texte et l’image. Une occasion unique de s’attarder sur les fondements politiques et religieux du blasphème, mais aussi les effets de la liberté d’expression ainsi que sa remise en cause, à travers un riche parcours dans le temps.
Dans une ambiance solennelle – qui n’est pas sans rappeler celle d’un lieu de culte ! – l’exposition déroule son itinéraire chronologique, faisant le récit de ces liens complexes et tumultueux entre le pouvoir et la religion, à travers plus d’une centaine d’œuvres et de documents d’archives inédits, de vêtements d’époque, de films…
De Socrate (399 av. J.-C.) au Chevalier de La Barre (1766), de l’attentat de Damiens contre Louis XV (1757) à l’affaire du « Casse-toi, pov’ con ! », les commissaires de l’exposition ont eu à cœur de rendre au sacrilège et au blasphème leur dimension politique.
L’exposition « Sacrilège ! » replace ces événements tragiques dans le temps long de l’histoire.
« Une histoire aussi longue que celle du religieux et du fait politique, remarquent les commissaires qui reprennent à leur compte la définition très large du sacrilège posée par Émile Durkheim :
« Toute atteinte à ce qui est considéré comme sacré par une société à un moment donné, et est donc protégé par des interdits ». (Émile Durkeim (1858 – 1917, sociologue français considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie moderne)
Matérialiste, individualiste, laïque, notre époque laisse-t-elle une place au sacré ? Les notions de sacrilège, de blasphème ont-elles encore un sens dans nos esprits modernes ?
Par un subtil jeu de miroirs, l’exposition bouscule les frontières entre le spirituel et le temporel, le religieux et le laïc, le sacré et le profane. » (Extraits du dossier de presse)

Pour la visite, c’est par ici!
Atmosphère….
Repères….
… Historiques.

L’INVENTION D’UN INTERDIT
La première partie de l’exposition propose une analyse historique et sociologique de la notion de sacrilège dont le sens varie selon la place que chaque société attribue au sacré.
Quel est le point commun entre Socrate, Damiens, le Chevalier de La Barre et Samuel Paty ?
Avoir été accusé de « sacrilège » et mis à mort pour cela.
De l’Athènes du IVe siècle avant notre ère à la France du XXIe siècle en passant par la monarchie absolue, le sens donné au mot « sacrilège » a évidemment varié : mise en péril de la cohésion de la cité, blasphème contre Dieu, atteinte au roi.
« Toute société, même républicaine et laïque, a besoin de sacralité et enfreindre ce que le pouvoir, la société, voire des individus auto-proclamés justiciers considèrent comme sacré est périlleux. » (Propos tenus par les commissaires de l’exposition Amable Sablon du Corail et Jacques de Saint-Victor).

Découpé en trois parties, le parcours s’ouvre par le procès de Socrate, condamné en 399 avant J.-C. à boire la cigüe pour « ne pas reconnaître les dieux que reconnaît la cité ».


« À partir du XIIIe siècle, les rois de France intensifient la répression contre les blasphémateurs, notamment Louis IX (Saint Louis, r. 1226-1270).
Car lutter contre le sacrilège, c’est rappeler que le souverain tient son pouvoir de Dieu! Offenser Dieu, c’est offenser le roi ; offenser le roi, c’est rejeter l’ordre politique voulu par Dieu…
Un glissement s’opère ainsi, de l’offense faite à Dieu à la lèse-majesté royale, et du spirituel au temporel. Le pouvoir royal peut ainsi prendre son autonomie par rapport à l’Église et au pape. Peut alors se développer une véritable « religion royale ». (Extrait dossier de presse) »
L’État récupèrera la notion de sacré pour étendre son pouvoir en réprimant la contestation par le crime de “lèse-majesté”. C’est ainsi que Philippe le Bel multipliera les procès politiques, aussi spectaculaires qu’arbitraires, contre ses adversaires dont le fameux procès des Templiers entre 1307 et 1314, représenté par la pièce maîtresse de ce procès : un rouleau de 53 mètres sur lequel sont consignés les interrogatoires de 138 templiers par l’inquisiteur du royaume de France.

Rouleau des interrogatoires du Procès des Templiers.

« Cet usage politique de la notion de sacré se poursuit tout au long du Moyen-âge et de la Renaissance, et prend une tournure particulière lorsque sont commis les premiers régicides : le meurtre d’Henri III puis d’Henri IV au cours des guerres de Religion. 
La Réforme protestante, à partir de 1517, change la donne : le blasphème ordinaire peut devenir hérétique, remettant en cause le dogme catholique et le pouvoir royal. Après Martin Luther, ce sont les thèses de Jean Calvin qui se diffusent en France et gagnent en une génération une part notable des élites bourgeoises et nobiliaires. Les enjeux changent. En 1534, des affiches violemment anticatholiques sont placardées dans plusieurs villes, et jusque sur la porte de la chambre du roi. La répression royale se durcit alors, sans grand succès. Les guerres de Religion éclatent en 1562 et vont ensanglanter le royaume jusqu’à la fin du siècle. » (Extraits dossier de presse)

Livre: le saccage de la Cathédrale de Lyon
Massacre de Tours 1562

Le Chevalier de La Barre sera le dernier condamné à mort pour sacrilège (1er juillet 1766). Le développement de la Réforme protestante s’accompagne de l’essor d’un humanisme favorable à la tolérance religieuse et aux débuts de l’expression d’une pluralité politique remettant en cause la sacralité du pouvoir.
Le siècle des Lumières se trouve confronté à ce qui est de plus en plus perçu comme un archaïsme, à l’image de l’exécution du chevalier De La Barre en 1766, coupable de ne pas avoir enlevé son chapeau au passage de Louis XV. Cet événement choque notamment Montesquieu.
La Révolution française mettra fin à ce sacré royal, en supprimant les crimes de blasphème et lèse-majesté, et en imposant la constitution civile du clergé aux prêtres catholiques.

Le Chevalier de la Barre

LA POLITIQUE ET LE SACRÉ : DE LA LÈSE-MAJESTÉ À L’OFFENSE AU CHEF DE L’ÉTAT
« En créant un délit vague, non défini, vous livrez les citoyens à l’arbitraire du parquet et du juge. Est-ce là ce que vous oserez appeler une loi de liberté, une loi républicaine ? »
Georges Clemenceau, à propos du délit d’offense au président de la République, 21 juillet 1881

La deuxième partie de l’exposition s’attache à montrer de quelle manière le pouvoir fabrique du sacré pour se perpétuer et légitimer son action. Le sacrilège devient dès lors un crime essentiellement politique.

La « religion royale », ébranlée par la Réforme et les guerres de Religion (1562-1598), est éradiquée par la Révolution française.
Mais celle-ci lui cherche des substituts : on poursuit les coupables de« lèse-nation » ou ceux qui
« blasphèment la Constitution ».
Pour avoir, le 5 janvier 1757, attaqué au couteau Louis XV (qui ne sera que légèrement blessé),
Robert-François Damiens, un marginal dont les motivations et les intentions restent obscures, mais à qui on attribue le fait d’être janséniste est ainsi condamné à être écartelé. Il sera exécuté le 28 mars de la même année sur la place de Grève à Paris.
« Les sentiments de religion dont nous sommes pénétrés et les mouvements de notre cœur nous portaient à la clémence, mais nos peuples, à qui notre vie n’appartient pas moins qu’à nous-même, réclament de notre justice les vengeances d’un attentat commis contre des jours que nous ne désirons conserver que pour leur bonheur. » Louis XV 
Robert-François Damiens sera la dernière personne, en France, à subir ce supplice réservé au régicide sous l’Ancien Régime.
L’exposition rend compte de cet épisode avec différentes pièces inédites, parmi lesquelles la redingote du régicide – restaurée pour l’occasion – et un « sac de procédures » d’époque renfermant les pièces du procès, ainsi qu’un tableau « le Typus religionis », commandé par les jésuites, saisi en 1762 dans l’ancien collège de Billom (Puy-de-Dôme) pour servir de pièce à conviction au procès intenté à la Compagnie de Jésus.

Estampe du Typus Religionis
Typus Religionis: Peinture allégorique représentant la Nef de la Foi, gouvernée par les ordres religieux, jésuites en tête.

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LA SACRALITÉ DU POUVOIR
La Révolution, anticléricale et parfois violemment antichrétienne, se déroule en un temps encore imprégné de religiosité. Plus immédiatement, le nouveau régime doit bâtir un nouveau sacré pour légitimer l’autorité du peuple souverain. Celui-ci se construit d’abord sur la destruction des symboles de l’ancienne monarchie. Les dépouilles des rois de France sont exhumées et profanées à Saint-Denis, quelques mois après l’exécution de Louis XVI (1793). Pourtant, alors que le premier Code pénal de 1791 avait aboli les crimes de sacrilège ou de blasphème, on poursuit ceux qui se rendent coupables de « lèse-nation » (dès le 23 juillet 1789) ou qui « blasphèment la Constitution ». Un martyrologe républicain est constitué, où se côtoient Marat, Le Peletier de Saint-Fargeau et le hussard Bara, tué à 14 ans par les insurgés vendéens.
À la religion royale se substituent diverses religions civiques, plus ou moins convaincantes!
Ainsi, le 8 juin 1794, « la fête de l’Être suprême » rassemble les foules sur le Champ-de-Mars, à Paris. Les citoyens y observent Robespierre brûler le monstre de l’athéisme, qui, parti en fumée, laisse apparaître une statue de la Sagesse. Celui-ci y déclare : « Français, vous combattez les rois, vous êtes donc dignes d’honorer la Divinité. »

Retour de Varennes
Almanach 1793
Buste de Bara

A l’issue des fortes tensions révolutionnaires, Napoléon Bonaparte, alors premier consul, promulgue le Concordat en 1801, dans lequel l’État salarie les représentants des cultes en reconnaissant formellement leur existence. Ce système perdure au cours du XIX ème siècle et s’applique y compris dans les colonies, comme le montrent les fiches de paie d’imams algériens dans les années 1860. 
L’offense au chef de l’État, un délit archaïque ? Lointaine réminiscence du crime de lèse-majesté, le délit d’offense au président de la République, instauré par l’article 26 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, est contesté avant même son adoption. Le terme d’offense, très vague, laissait en effet la porte ouverte à un usage disproportionné. Pourtant, jusqu’en 1895 seuls quatre procès sont intentés sous ce chef d’accusation, puis, de 1895 à 1940, aucun président n’y a eu recours.

Après le régime de Vichy (1940-1944), très répressif, les poursuites pour offense au chef de l’État redeviennent rarissimes sous la IVe République. Elles sont en revanche extrêmement nombreuses sous la présidence de Charles de Gaulle, dans le contexte de la guerre d’Algérie et des attentats de l’OAS.
Plus près de nous, la personne qui, sur le passage de Nicolas Sarkozy, avait brandi en 2010 une pancarte « Casse-toi, pauv’con », sera la dernière à être jugée – et condamnée – pour ce délit de lèse président, avant de voir son recours pris en compte devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Dans une décision de 2023, les juges de Strasbourg condamnent la France sur le fondement de l’article 10 (droit à la liberté d’expression), signant l’arrêt de mort de cette infraction aux parfums d’ancien régime.

Le droit au blasphème et la liberté d’expression.
Si le blasphème n’est pas une notion juridique, le droit de l’exercer est consacré par la loi de 1881.
C’est la loi sur la liberté de la presse de 1881, votée sous la IIIe République, qui porte les derniers coups, en abolissant le délit d’outrage à la morale publique et religieuse (elle conserve seulement l’offense au chef de l’État, qui sera elle-même abolie en 2013). Journaux satiriques et caricaturistes s’en donnent alors à cœur joie.

Dessins
« La caricature »
Minute du projet de loi sur le sacrilège amendé.

RELIGIONS OUTRAGÉES
« La critique de la religion est la condition première de toute critique. »
(Karl Marx, « Contribution à la critique de la philosophie du droit, de Hegel », 1843)
Renvoyer dos à dos Karl Marx (« la critique de la religion est la condition première de toute critique ») et Edgar Morin (« la liberté d’expression ne saurait exclure toute prévoyance des malentendus, incompréhensions, conséquences violentes ou criminelles qu’elle peut provoquer ») est un peu court.

« Nous avons voulu faire une exposition à la fois savante et pédagogique, montrer cette manière si particulière que la France a toujours eue, dans sa façon de traiter la question du sacré. Indéniablement, la liberté d’expression, notamment en matière religieuse, est aujourd’hui remise en question et il me semble que nous le montrons », plaide Jacques de Saint-Victor, commissaire de l’exposition.
Si la France devient ensuite un des premiers pays à autoriser la critique publique des religions, l’exposition rappelle comment des textes, telle la loi Pleven de 1972, ont par la suite pu être détournés de leur objectifs initiaux par certains groupes de pression pour réintroduire le blasphème.
En replaçant le sacrilège dans une perspective contemporaine, l’exposition explore les relations que l’État entretient avec les religions.
La IIIème République constitue un tournant décisif pour les rapports entre l’État et le sacré par la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, qui marque la naissance juridique et symbolique de la laïcité à la française.
Se déploie en outre un « sacré républicain »: par exemple la fête nationale, les hommages nationaux et l’existence d’un délit d’offense au chef de l’État créé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (puni de 45 000 euros d’amende), et qui fut abrogé en 2013.
Cette sacralité républicaine reste cependant controversée, comme l’indique l’exposition.
De temps à autre, des manifestations d’intégristes montrent que le sujet reste sensible : ce fut le cas en 1966 contre le film de Jacques Rivette « La Religieuse ».
« Depuis 1905 et la loi « portant séparation des Églises et de l’État », la République « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Pour autant, la résurgence du religieux dans le débat public, disons après mai 1968, exerce une pression de plus en plus forte sur la libre critique des dogmes et des cultes. En 1972, la loi Pleven relative à la lutte contre le racisme institue un nouveau délit de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence, commise envers des individus « en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Autorisant les associations à poursuivre en justice des propos de « haine », cette loi permet à certains groupes de pression de tenter de réintroduire le délit de blasphème.
À partir des années 1970, on remet ainsi en cause la liberté de critiquer les religions au nom du respect des croyants. En témoigne l’affaire de « La Dernière Tentation du Christ » (1988), le film de Martin Scorsese, qui a donné lieu à des incendies criminels dans plusieurs salles de cinéma.
Les attentats islamistes qui se succèdent depuis une vingtaine d’années mettent encore un peu plus sous pression la liberté d’expression. Au point de laisser émerger un nouveau discours faisant l’éloge de la censure, au nom de la paix civile, dans une société de plus en plus composite ? »
(Extraits du dossier de presse).

Autocollant diffusé par le Parti de Gauche lors des visites de N.Sarkozy, reprenant une invective du Président pendant du Salon de l’Agriculture

« Un État laïque peut-il vivre indépendamment de toute forme de « sacralité » ?
Évidemment non, dans la mesure où le sacré n’est pas synonyme de religieux et représente les valeurs sur lesquelles une communauté repose. Mais est-il encore possible de trouver un « sacré commun » dans la société contemporaine ? À l’heure de l’hypercommunication, les groupes d’activistes multiplient les actions pouvant passer pour sacrilèges aux yeux de l’opinion, afin de la frapper et de faire valoir leur propre système de valeurs – en somme, d’imposer leur propre vision du sacré. »
(Extraits du dossier de presse).
À partir de 2012, une série d’attentats islamistes frappe la France. Celui perpétré contre le journal « Charlie Hebdo » le 7 janvier 2015, est revendiqué comme une réaction à la publication de caricatures jugées blasphématoires. Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, est assassiné, pour avoir montré les caricatures de « Charlie Hebdo » pendant un cours d’enseignement moral et civique.

ARCHIVES NATIONALES
Hôtel de Soubise

60 rue des Francs- Bourgeois, Paris 3°
Jusqu’au 1° Juillet Entrée libre.

26 Novembre 1974 – 8 mars 2024

« LA LOI SUR L’IVG 1974 / LE DISCOURS DE SIMONE VEIL »

Jusqu’au 2 septembre 2024 – Archives nationales à PARIS.

Une exposition consacrée au discours de Simone Veil prononcé le 26 novembre 1974 à l’Assemblée Nationale, sur la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse. Une exposition atypique dans la mesure où elle est contenue dans une seule salle, « un format volontairement resserré qui invite le visiteur à découvrir le manuscrit original du discours annoté de la main de Simone Veil et sa version dactylographiée. À travers ces deux ensembles de feuillets et les documents qui les accompagnent, c’est un moment décisif du combat pour la conquête des droits des femmes que les visiteurs peuvent (re)découvrir. » (extrait du dossier de presse).

Pourquoi cette exposition maintenant ? Charlène Fanchon, l’une des commissaires scientifiques de l’exposition, nous donne quelques explications :
« Dans une volonté démocratique, les Archives nationales ont mis en place « Les Remarquables », un cycle d’expositions dont la programmation est choisie par les visiteurs. À l’été 2023, nous avons soumis 13 documents au vote du public. Parmi eux : le contrat de construction de la tour Eiffel ou encore le seul portrait de Jeanne d’Arc réalisé de son vivant figurant en marge d’un registre du Parlement de Paris. C’est le discours de Simone Veil défendant le projet de loi pour l’IVG en 1974 à l’Assemblée nationale qui a recueilli 46% des suffrages des 7525 votants. Ce plébiscite résulte certainement d’une conjonction de facteurs car ce vote est intervenu dans le contexte du recul de ce droit  aux États-Unis et peu de temps après l’engagement pris par le Président de la République d’inscrire le recours à l’IVG dans la Constitution. La mobilisation de la presse et des associations a peut-être contribué à sensibiliser les gens et leur a rappelé le rôle fondateur de Simone Veil à cet égard. Les Archives Nationales ont décidé d’inaugurer l’exposition le 8 mars pour marquer la Journée internationale des droits des femmes. » (Extrait d’une interview dans le magazine « Enlarge your Paris » )

Repères historiques

Pour désigner la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) adoptée le 20 décembre 1974 et promulguée le 17 janvier 1975, on parle couramment de la « loi Veil », car cette loi a pris le nom de celle qui a été chargée de la porter, Simone Veil (1927 – 2017), ministre de la Santé de 1974 à 1979, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing (de 1974 à 1981). 
L’Interruption Volontaire de Grossesse est aussi désignée par ses sigles : IVG, ou par le mot « avortement ». C’est un acte médical qui permet d’interrompre une grossesse dans un temps limité après la fécondation. Ce temps est déterminé par la loi, et a varié au cours des années.
Actuellement , en France, toute femme enceinte, majeure ou mineure, a le droit de choisir d’interrompre sa grossesse dans le respect du délai légal. La demande ne peut être faite que par la femme enceinte : il s’agit d’un choix personnel. L’IVG est remboursée par la Sécurité Sociale.

Simone Veil et V.Giscard d’Estaing

Parler de la loi sur l’IVG c’est revenir sur des décennies de drames, de luttes, de détermination des femmes, c’est parler du contexte de violence auquel Simone Veil a été confrontée, c’est aussi parler de l’après le vote de la loi, des obstacles et des « commandos anti-ivg » et du futur…
Nous allons suivre ce long chemin avec la visite de l’exposition et des documents sonores ajoutés pour illustrer certaines étapes importantes pour aboutir au vote de la loi. En effet, cette loi de 1975 est l’aboutissement d’un compromis qui ne doit pas masquer l’intensité des luttes qui l’ont précédées.
Une salle unique avec des espaces bien définis, des panneaux, des vitrines et un écran :

La salle d’exposition
Les 3 panneaux qui illustrent les différentes étapes.

DÉNONCER LA LOI DE 1920

Comment l’IVG devient un sujet de société :
En 1920, si l’avortement est déjà interdit par l’article 317 du Code pénal, la loi du 31 juillet 1920 renforce sa répression. Elle condamne tout à la fois « la provocation à l’avortement », la révélation de procédés contraceptifs et « la propagande anticonceptionnelle ». Dans le contexte de forte angoisse démographique faisant suite à la Première Guerre mondiale, l’avortement est considéré comme un « péril national ».
À la Libération, en 1945, la lutte contre l’avortement clandestin se poursuit, avec un pic de répression en 1946. Dans les années 1970, environ 400 condamnations par an sont prononcées. Mais l’ampleur du phénomène est bien plus large, puisque certains estiment que plus de 500 000 avortements sont réalisés clandestinement chaque année.
De la mobilisation à la dénonciation :
Le caractère répressif de la loi de 1920 est dénoncé, dès les années 1950, par les partisans d’un accès libre aux contraceptifs modernes (diaphragmes, spermicides puis, plus tard, pilules et stérilets) afin, précisément, de prévenir les avortements clandestins et leurs dangers pour la santé des femmes.
En 1956, dans un contexte de mobilisation et de dénonciation du problème de santé publique que constituent les avortements clandestins, naît le Mouvement français pour le planning familial, d’abord sous le nom de « La Maternité heureuse ».
Après dix ans de mobilisation, la loi du 28 décembre 1967 autorise la vente de contraceptifs, mais reste restrictive sur plusieurs points. Les mineures doivent avoir une autorisation parentale pour obtenir la pilule ou le stérilet ; les pharmaciens tiennent des carnets à souches pour les contraceptifs oraux ; la Sécurité sociale ne rembourse pas les moyens de contraception…
Dans le contexte de l’après 1968, des voix s’élèvent pour une libéralisation de l’avortement.
Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), qui émerge sur la scène publique à partir de 1970, porte la revendication de l’avortement libre et gratuit au nom de la libre disposition de leur corps par les femmes. Les militantes du MLF font connaître leur position dans le manifeste des 343 femmes déclarant avoir avorté, publié par le journal « Le Nouvel Observateur » le 5 avril 1971. Paraphé par des femmes célèbres comme par des militantes anonymes qui ont bravé les interdits légaux et moraux, il fait figure d’événement.
L’année suivante, les « procès de Bobigny » deviennent les procès politiques de l’avortement. (Procès contre une jeune lycéenne ayant avorté et contre sa mère qui l’a aidé. Marie-Claire, cette jeune lycéenne, et sa mère – défendues par l’avocate Gisèle Halimi – seront relaxées.)

Le manifeste des 343, un tournant dans le droit à l’avortement Gisèle Halimi, manifeste des 331 médecins | Franceinfo INA
Affiche du Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC)

LA FABRIQUE DU CONSENSUS:



Promulguée le 17 janvier 1975 sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la loi relative à l’IVG constitue une avancée sociétale majeure en France dans la conquête des droits des femmes.
Simone Veil, alors ministre de la Santé et porteuse de la loi, trouve les mots pour dénoncer l’injustice qui pèse sur les femmes. Simone Veil défendra d’abord une première loi qui libéralise totalement l’accès à la contraception, désormais remboursée par la Sécurité sociale. Elle travaille ensuite à un texte de compromis sur l’interruption de grossesse.

Présentation du discours de Simone Veil sur la loi relative à l’IVG – 1974 par Bibia Pavard, commissaire de l’exposition, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, université Paris-Panthéon-Assas

À l’issue de débats longs et passionnés, le projet de loi sur l’avortement est adopté à 3h40, le 29 novembre 1974 par 284 voix pour et 189 contre. L’opposition de gauche et les députés du centre se sont majoritairement prononcés en faveur du texte. Les députés de la majorité de centre droit, eux, se sont montrés plus réfractaires.
Cependant, la loi Veil est une loi provisoire, elle n’est valable que pour une période de cinq ans, et assortie de contraintes importantes. En effet, le médecin, la sage-femme ou l’auxiliaire médical disposent d’une clause de conscience et peuvent donc refuser de pratiquer l’IVG. Ensuite, les risques et les alternatives à l’avortement doivent être présentés à la femme par le médecin.
Ainsi, avant l’intervention, deux consultations médicales et une consultation psycho-sociale sont obligatoires. Surtout, le coût de l’IVG n’est pas pris en charge par la sécurité sociale, parce que le gouvernement veut favoriser la contraception. Il peut néanmoins être pris en charge sur demande au titre de l’aide médicale.

Simone Veil « le débat pour l’avortement a été difficile » | Archive INA

DE LA DÉPÉNALISATION À LA CONQUÊTE D’UN DROIT :

Marche des femmes………….
… 6 Octobre 1979
Monique Pelletier raconte … la loi sur l’IVG.

Dans la perspective du débat à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de Monique Pelletier (visant à reconduire la loi Veil, relative à l’interruption volontaire de grossesse), une marche nationale des femmes a rassemblé des milliers de personnes pour réclamer l’avortement libre et gratuit, à l’appel du mouvement de libération des femmes (MLF) et du Planning Familial .
Un des ses objectifs principaux est donc la pérennisation de la loi Veil, votée cinq ans auparavant par l’assemblée nationale et le sénat à titre provisoire.
La manifestation du 6 Octobre 1979 fut une mobilisation “historique” : 50. 000 personnes (des femmes très majoritairement) descendirent dans la rue.
La loi Veil sur la légalité de l’avortement (mais non sur sa gratuité) est reconduite, sans limite de temps, par la loi du 1er décembre 1979 publiée au Journal Officiel le 31 décembre 1979. Les dispositions de la loi sur l’interruption de grossesse sont rendues définitives, un premier bilan est établi en 1985.

Depuis l’adoption de loi Veil, des commandos anti-IVG attaquent des centres où il est pratiqué.
Pour cette raison, la « loi Neiertz » du 27 janvier 1993 créé le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Délit qui est étendu au domaine numérique en 2017.
Au fil des ans, la loi sur l’IVG est approfondie. La libéralisation progresse avec la loi Roudy du 31 décembre 1982 qui met en place le remboursement partiel de l’IVG par la Sécurité sociale. Il est couvert à 100% depuis le 31 mars 2013. Les délais sont étendus jusqu’à douze semaines (2001), la notion de détresse est supprimée (2014).

Liste des actions de commandos anti-IVG, élaborée par la Délégation aux Droits des Femmes

En 2022, la Cour Suprême des États Unis réduit la liberté d’avorter :

En 2023, après ce recul du droit aux États-Unis, le président Emmanuel Macron s’engage à inscrire le recours à l’IVG dans la Constitution. Si ce texte était adopté, la France deviendrait le premier pays, en Europe, à inscrire la liberté de recourir à l’IVG dans sa Constitution.
Le 8 mars 2024 la loi est constitutionnalisée:


Ce scellement officiel, devant plusieurs centaines de personnes venues assister à l’événement sous un soleil radieux, vient ponctuer « un long combat pour la liberté, émaillé de larmes, de drames, de destins brisés », a rappelé le Président de la République, saluant la mémoire des « combattantes » Simone Veil, Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, entre autres. Il a également évoqué plusieurs députées et sénatrices de gauche qui ont porté le texte au Parlement, notamment l’insoumise Mathlide Panot et l’écologiste Mélanie Vogel (que le Premier Ministre Gabriel Attal n’avait pas citées au Congrès).

LE DROIT À L’AVORTEMENT
EST DÉSORMAIS INSCRIT DANS LA CONSTITUTION:

« Une marche, pour les femmes, pour leurs droits, pour toujours. » La Présidente de l’Assemblée Nationale, Présidente du Congrès, Yaël Braun-Pivet, a salué, comme l’ensemble de la classe politique, l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution après le vote des députés et des sénateurs réunis en Congrès à Versailles. « En France, c’est à jamais que l’IVG sera un droit, ce vote historique nous honore, a écrit sur X la présidente de l’Assemblée nationale. Par cet acte fort, la France renoue ainsi avec son universalisme, au-delà des clivages partisans. ».

OUI… MAIS…

Vous nous excuserez, Madame La Présidente, mais les associations féministes qui luttent depuis très longtemps ne partagent pas votre enthousiasme, comme nous d’ailleurs.
En effet, La loi constitutionnelle du 8 mars 2024 comporte un article unique, qui modifie l’article 34 de la Constitution pour y inscrire que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
L’accès à l’IVG en France reste une course d’obstacles, au-delà de la constitutionnalisation, des freins subsistent quant à son applicabilité.
Si l’entrée dans la Constitution de la « liberté garantie » des femmes à recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG) est à la fois une victoire symbolique et un progrès pour les droits des femmes, les freins existent encore, dans notre pays, pour accéder à l’avortement :
– La question des délais de recours à l’avortement,
– La double clause de conscience des médecins, instaurée par la loi Veil,
– Les difficultés pour les centres qui pratiquent l’IVG…
Le véritable enjeu, au-delà de la protection renforcée par la constitutionnalisation, est bien l’applicabilité de l’IVG, une intervention à laquelle environ 230 000 femmes ont recours chaque année, un chiffre relativement stable.
Parler de « liberté garantie » et non de « droit »… Où est la garantie? il suffira qu’un gouvernement décide de ne plus rembourser l’acte pour qu’un très grand nombre de femmes ne puissent plus disposer de cette « liberté garantie par l’article 34 de la Constitution » et retournent à la souffrance et aux pratiques dangereuses !
C’est pourquoi les femmes vont continuer le combat pour garantir le droit à l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE :

L’examen de la proposition de résolution européenne visant à garantir le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par la commission des affaires européennes.

23 octobre 1982, une rétrospective sur la lutte des femmes pour obtenir le droit à l’avortement. Archives et banc titres rappellent les grands moments de ce combat.
Images d’archive INA Institut National de l’Audiovisuel :

Article et photos: Kadia RACHEDI

Les Archives Nationales se trouvent à l’Hôtel de Soubise
60 rue des Francs-Bourgeois Paris 3°.

UN ART SANS ENTRAVES

T’ANG HAYWEN. Un peintre chinois à Paris
Musée Guimet, jusqu’au 17 juin 2024

T’ang HAYWEN photographie de Yonfan
© Avec l’aimable autorisation de T’ang Haywen Archives

À travers une sélection d’une centaine d’œuvres majeures, l’exposition présente un panorama des grandes étapes de la carrière du peintre T’ang HAYWEN ainsi que l’essentiel des facettes du travail d’un artiste qui recherchait, selon ses propres mots, « une peinture idéale, unissant le monde visible et le monde de la pensée ». (Extrait de T’ang Haywen archives)

Yannick LINTZ, Présidente du Musée National des Arts Asiatiques-Guimet :

T’ANG HAYMEN naît en Chine, en 1927, dans une famille de commerçants aisés. En 1937 la famille quitte la Chine pour le Vietnam, où elle s’installe à Saigon – future Ho Chi Minh-Ville – dans le quartier chinois de Cholon. Élève au Lycée Français, T’ang Haywen est initié à la calligraphie par son grand-père mais il ne suit pas de cursus artistique classique.
En 1948, à 21 ans, il rejoint Paris afin de poursuivre des études de médecine qu’il abandonne rapidement. Il s’inscrit en lettres à la Sorbonne et aux Langues Orientales.
Logé dans le quartier Montparnasse, il découvre un pays où la création est en pleine effervescence. Parallèlement à ses études, il suit des cours à « l’Académie de la Grande Chaumière » près de Montparnasse. ( « L’Académie de la Grande Chaumière » est un cours libre de dessin et sculpture, fondé en 1904 – et qui existe toujours – très réputé au début du 20° siècle. Le sculpteur Bourdelle, entre autre, y suivront des cours.)
Lettré moderne, insatiable curieux des arts et cultures de l’Occident, il trouve à Paris sa vocation de peintre. Artiste discret, T’ang Haywen s’affirme pourtant progressivement comme une figure majeure de la création contemporaine et de la modernité chinoise. (Extrait du dossier de presse)

La singularité de l’artiste se manifeste doublement:
D’une part, sa signature à l’encre rouge, semblable à un sceau, composée de son nom vietnamien romanisé (T’ang) et de son nom chinois Haywen (Peut-être l’affirmation de sa double culture ?)
Et d’autre part, sur les cartouches, il n’y a pas de titre pour nommer l’œuvre, seulement l’année de la création, le support et la technique utilisée. « Mes peintures ne sont ni figuratives, ni abstraites, et elles n’appartiennent pas non plus à l’école néo-figurative. Cette classification est trop restrictive pour moi. Je recherche un art sans entraves, un art qui naît sans contraintes ». 
Quand vous visiterez l’exposition, vous remarquerez que la grande majorité des œuvres provient de « la Donation de la Direction Nationale d’Intervention Domaniale ».
La D.N.I.D., (Direction Nationale d’Interventions Domaniale) est connue en France sous l’appellation “Les Domaines”. Elle participe de différentes manières à la gestion des biens de l’état : il arrive parfois qu’à la suite d’une affaire judiciaire des biens soient saisis par la justice et ensuite confiés à la DNID qui les met en vente aux enchères.
Dans ce cas précis, T’ang Haywen Archives a été approché par la DNID pour expertiser et authentifier un groupe d’œuvres, de dessins et d’archives présentées comme étant de T’ang Haywen. Une fois cette expertise réalisée et devant l’importance de cette collection, il a été convenu avec Alain Caumeil, Directeur de la DNID, qu’une partie représentative de ce groupe d’œuvres ainsi que tous les dessins et archives devaient être donnés aux collections nationales françaises. A l’initiative de la DNID, Madame Valérie Zaleski, conservatrice au musée Guimet et Philippe Koutouzis, expert de l’œuvre, ont sélectionné des œuvres et recensé les dessins et archives.  (Extrait de T’ang Haywen archives)

Créations de jeunesse:

L’exposition, chronologique, présente dans un premier espace les créations des années 60, ses années d’apprentissage. Formé à la peinture occidentale, ses carnets de dessin révèlent qu’il visite régulièrement les musées parisiens, dont le musée Guimet, et qu’il s’inspire de la ville dans des paysages urbains croqués rapidement au stylo à bille ou des paysages entre couleurs vives et monochromes, aquarelles et gouaches, paysages quelquefois très identifiables, parfois abstraits, qui posent d’emblée et de manière singulière T’ang Haywen à la jonction de deux mondes, occidental et extrême-oriental.
Il y a aussi des pièces inédites tirées de son atelier et exposées pour la première fois comme des cartes de vœux envoyées à ses amis.

Détails….
des oeuvres du grand tableau.
« Pablo Picasso et Françoise Gilot » . Sans date
Sans titres….
1956.
Sans titres….
1955.
Sans titres….
1967.
Carte de vœux, 1955 – 1960, aquarelle, encre et gouache sur papier, MA 13393 © T’ang Haywen Archives © T’ang Haywen / ADAGP, Paris, 2024

Petits formats, faciles à transporter

La période du début des années 1970 (qui voient s’épanouir son format de prédilection: 70 x 100 cm) et jusque vers 1983-1985 est évoquée par des peintures à la gouache ou à l’encre, polychromes ou monochromes.

Sans titre. 1985


Puis viennent les œuvres de la maturité : des diptyques épurés à l’encre de Chine, de minuscules triptyques colorés évoquant, au choix, des paravents chinois ou les Nymphéas de Monet, et de petits formats carrés à la puissance graphique troublante. Le peintre était, en effet, un grand voyageur, préférant les formats modestes facilement transportables.

« Visage-paysage » vers 1970
Sans titre 1983-1984
Triptyque vers 1983
Triptype vers 1983


Des formats plus importants, présentés dans l’exposition, permettent à T’ang Haywen de donner à voir des paysages abstraits à l’encre monochrome.

Portraits :

C’est au cours des années 1950, c’est à dire dès les débuts de son apprentissage, que Tan’g Haywen s’essaie aux portraits, rapidement esquissés à l’encre et au pinceau.

Autoportrait vers 1960

La reconnaissance internationale survient dans les années 1980 avec de nombreuses expositions dans les galeries et les grandes institutions du monde entier, à l’instar du Centre Pompidou en 1989.
Tan’g Haywen décède en 1991.
Le Musée Guimet organisera une grande rétrospective en 2002. 

« T’ang Haywen – Dix œuvres de la collection Leszek Kanczugowski, ami de l’artiste« :

RÉDACTION ET PHOTOS DE KADIA RACHEDI

Le Musée National des Arts Asiatiques – Guimet se trouve à Paris, 6 place d’Iéna 75016.
Émile Guimet est le fondateur du Musée, en 1889, appelé initialement « musée des religions » 🙂

SI ON VOUS DIT « CULTURE »? (épisode 3)

CHAPITRE 4 : SENSIBILISER LES PLUS JEUNES…

ARGUMENTS POUR L’ÉDUCATION CULTURELLE ET ARTISTIQUE
Auteur.e.s: Fédération pour l’Éducation artistique et culturelle de la Jeunesse (BKJ) qui chapeaute et fédère tout un réseau pour l’éducation culturelle en Allemagne.
Reconnaître et développer ses propres points forts
Quand les jeunes participent à des offres en matière d’éducation artistique et culturelle, ils peuvent découvrir et développer des points forts et des compétences en eux dont ils n’étaient peut-être pas encore conscients. Faire l’expérience d’être soi-même capable d’apprendre, d’inventer et d’être actif.ve va les encourager à relever de nouveaux défis. L’éducation artistique et culturelle renforce la confiance dans les possibilités que l’on a soi-même.
Poursuivre ses centres d’intérêt
Les offres en matière d’éducation artistique et culturelle permettent aux enfants et aux jeunes de poursuivre leurs propres questions et intérêts et d’approfondir les sujets qui occupent leur esprit.
Les jeunes font l’expérience que des approches ludiques et des formes d’expression culturelle sont précieuses pour s’approprier des choses et pour communiquer. Les jeunes vivent l’éducation et l’apprentissage comme quelque chose qu’ils.elles conçoivent eux.elles-mêmes et dont ils.elles sont responsables.
Implication et responsabilisation
Les projets culturels permettent aux jeunes de faire l’expérience qu’ils sont pris au sérieux, qu’ils ont voix au chapitre et qu’ils peuvent exercer une influence. L’éducation artistique et culturelle permet aux enfants et aux jeunes de faire l’expérience durable que cela vaut la peine d’être actif.ve et de faire preuve d’engagement.
Aller son chemin, même si c’est un détour
Les pratiques d’éducation artistique et culturelle lancent le défi de faire des expériences et de choisir une approche non conformiste. Les erreurs et les détours en font partie. Les enfants et les jeunes découvrent et apprennent que ce n’est pas toujours le chemin direct qui mène aux résultats les plus intéressants et que le jeu a sa propre valeur.
– Changer de perspective
La culture, l’art, le jeu et les expériences esthétiques offrent la chance d’observer le monde sous un angle différent. C’est ainsi que les enfants et les jeunes apprennent qu’il peut être enrichissant de mettre en cause ses habitudes et de choisir une perspective inhabituelle. Et qu’il peut exister différentes réponses à une question et différentes solutions à un problème. L’éducation artistique et culturelle contribue ainsi à choisir des perspectives différentes et à être en mesure de se former une propre opinion critique.
– Savoir utiliser les formes d’expression culturelle
L’éducation artistique et culturelle permet de découvrir, de tester, d’apprendre et d’approfondir les formes d’expression culturelle. Celles-ci sont en mutation permanente, entre autres en raison de la numérisation et des formes de communication numérique. Dans la pratique de l’éducation artistique et culturelle, les jeunes peuvent faire des expériences dans des espaces analogiques et numériques, les explorer et les combiner.

Développer sa propre identité
La pratique de l’éducation artistique et culturelle offre la possibilité de changer de rôle, d’identité et de position, de les faire évoluer et également de les mettre en cause. De nouvelles perspectives se créent quand on discute de projets de vie différents. Avec les autres, les enfants et les jeunes discutent de manière ludique et artistique d’eux.elles et du monde et développent leur propre attitude. Ils.elles créent quelque chose qui est important à leurs yeux, le partagent avec d’autres et rendent leurs propres positions visibles publiquement.
– Être responsable et faire l’expérience du vivre-ensemble
En élaborant une pièce de théâtre ou de danse, en réalisant une sculpture ou en rédigeant un scénario, les enfants et les jeunes font l’expérience que cela vaut la peine de s’accrocher ensemble à une tâche, même si des conflits surviennent. Ainsi, tout le monde apprend à être responsable de ses actions et au sein du groupe.
Comprendre que la diversité est la normalité
Dans le cadre des offres en matière d’éducation artistique et culturelle, les enfants et les jeunes se montrent personnellement et à d’autres quelle est l’expérience qu’ils.elles ont de leur propre personne et du monde et ce qu’ils.elles en pensent. Ainsi, par le biais d’images et d’histoires, des perspectives et formes d’expression individuelles différentes peuvent être vécues comme étant vivantes et valorisantes. Les préjugés par rapport à autrui peuvent passer à l’arrière-plan ou au contraire être abordés de manière directe dans le travail pédagogique.
– Faire l’expérience de l’art et de la culture
Dans les offres en matière d’éducation artistique et culturelle, les enfants et les jeunes reçoivent beaucoup d’informations sur les histoires et les traditions avec lesquelles ils.elles sont en relation et aussi sur les idées et les visions qu’ont d’autres personnes. Dans la discussion créative et artistique, la question est posée de savoir comment cela est en rapport avec moi et ma vie. L’art et la culture sont perçus comme un enrichissement de sa propre vie, comme quelque chose qui est lié au sens et à la joie de vivre.
– Comprendre le monde
Les enfants et les jeunes ont besoin de la capacité à s’orienter dans un monde complexe et à prendre en main leur propre vie. L’éducation artistique et culturelle permet de percevoir le monde et l’environnement comme étant des expressions de la culture humaine. Grâce à l’éducation artistique et culturelle, il est possible de faire l’expérience que les processus et les situations sont souvent ouverts ou incertains, d’en faire l’essai et de se rendre compte que des décisions et des changements sont possibles, même si cela demande souvent du temps.
– Changer le monde
Dans toutes les phases de la vie, l’éducation artistique et culturelle offre la possibilité de réfléchir de manière critique et créative à la compréhension que l’on a de soi, du patrimoine culturel, de la situation actuelle de la société et des perspectives d’avenir. Les jeunes sont encouragé.e.s à développer des visions et à contribuer aux évolutions de la société dans leur vie quotidienne. »
https://www.bkj.de/fr/fondamentaux/qu-est-ce-que-l-education-culturelle/arguments-education-culturelle/.

Nous retrouvons Anne LAMALLE, responsable Médiation et Communication de NarboVia, à Narbonne:

Anne LAMALLE

THIBAULT est médiateur culturel au Musée Médard de Lunel (34).
Dans ce musée du papier, être inventif est un challenge quotidien pour intéresser le jeune public !

THIBAULT MOREAU
Préparation des ateliers…

L’ accès à la culture, la découverte de l’art et des pratiques artistiques peuvent se faire dès la petite enfance. C’est à partir de ce postulat de départ qu’est né à Marseille le projet éducatif artistique et culturel « Une crèche – Un musée » qui cible tout particulièrement les enfants et les familles les plus éloignées de la culture.

« Une crèche – un musée »

Voilà !
Nos trois épisodes sur l’accès à la Culture sont maintenant terminés.
Nous espérons que ce partage vous aura plu !
Un grand merci à :

Christian Avenel, GaëlLE, Patrick Ruffat, Katia Fersing, Marc Stammegna,
Anne Lamalle, Karim, Thibault Moreau.
Merci également aux auteur.es, sociologues et philosophes dont les écrits et les interviews

ont nourri nos épisodes.

Sylvie MAUGIS et Kadia RACHEDI

SI ON VOUS DIT « CULTURE »? (épisode 2)

Depuis bientôt quatre ans «L’Art d’être Curieux»
vous invite à nous suivre dans des endroits divers et variés.
Au fil des visites, des interviews et des articles,

nous avons rencontré des gens passionnant.es et passionné.es
qui nous ont fait partager leurs projets et leurs interrogations…

Pendant tout ce mois de Mars, nous avons voulu faire émerger leur image de la Culture
Vous avez dit Culture ? On sort les micros !

Musées : une fréquentation en baisse, des inégalités qui persistent

Les cadres sont trois fois plus nombreux que les employé.es et ouvrier.es à avoir visité un musée ou une exposition dans l’année. Si la fréquentation des musées baisse, les inégalités persistent.
La France dispose du musée le plus fréquenté au monde. Le Louvre a ainsi accueilli plus de sept millions de visiteurs en 2022 et remonte la pente après la baisse de la fréquentation enregistrée avec la crise sanitaire. Cette évolution ne doit pas occulter l’essentiel : les Français fréquentent de moins en moins les musées et les expositions. La baisse ne date pas d’hier mais de la fin des années 1990, selon les données du ministère de la Culture.
La fréquentation des musées a augmenté de la fin des années 1970 jusqu’en 1997 : on passe alors de 33 % de personnes ayant visité un musée ou une exposition au moins une fois dans l’année à 40 %.
Elle a chuté depuis à 29 %, un niveau inférieur à celui que l’on constatait il y a cinquante ans.
Il ne s’agit pas d’un phénomène de rejet des sorties à vocation culturelle puisque les monuments historiques, eux, reçoivent toujours autant de public. Leur fréquentation a même augmenté en 2018 par rapport à 2008, de 29 % à 34 %. Il en est de même pour la plupart des sorties pour assister à des spectacles (théâtre, concert, cinéma, etc.).

Les inégalités sociales s’accroissent

Le déclin des visites de musées s’observe dans tous les milieux sociaux, y compris chez les cadres supérieurs. En 1980, 80 % d’entre eux avaient visité au moins un musée ou une exposition dans l’année. En 2018, ils ne sont plus que 62 %.
Chez les employé.es et les ouvrier.es, la baisse date même des années 1970 et elle est beaucoup plus importante. À l’époque, un tiers des personnes issues des catégories populaires avaient visité un musée dans l’année. Désormais, elles ne sont plus que 18 % : presque moitié moins.
Les inégalités s’accroissent entre milieux sociaux. En 1973, le taux de fréquentation des musées et des expositions chez les cadres était deux fois supérieur à celui des catégories populaires (employé.es et ouvrier.es). En 2018, il est 3,4 fois plus élevé.

Selon l’âge

La fréquentation des musées diminue dans toutes les classes d’âge pour se situer autour de 30 % -35 %. De 1973 à 1997, on avait assisté à une hausse de la part des personnes âgées de 15 à 59 ans (40 % à 45 % de visiteurs). Chez les 60 ans et plus, la baisse est plus récente et date de la fin des années 2000. Un quart des personnes de cette tranche d’âge visitent un musée au moins une fois dans l’année en 2018, contre un tiers en 2008.
Ce déclin est d’autant plus marquant que l’élévation du niveau de diplôme et la croissance de l’offre, ainsi que des événements, auraient dû conduire davantage de visiteurs à franchir la porte des musées. Seule la mise en place de grandes expositions médiatisées et les visiteurs étrangers tirent la fréquentation. Il faut dire que les musées français demeurent particulièrement élitistes. En 2018, 9 % des non-diplômés sont allés au musée au moins une fois, contre 52 % des diplômés de l’enseignement supérieur.
Même si les politiques à mettre en œuvre ne sont pas simples et demandent d’importants moyens, force est de constater que les pouvoirs publics et les lieux culturels ne font pas les efforts nécessaires pour élargir leur public.
Extrait de : « Musées : une fréquentation en baisse, des inégalités qui persistent »
Centre d’observation de la société, 21 avril 2023.

CHAPITRE 3:


PENSER… TRAVAILLER… INCITER…

Katia FERSING, Directrice du MUMIG à Millau dans l’Aveyron,
évoque les choix des équipes pour favoriser l’accès des publics :

Katia FERSING
Écomusée de la ganterie au Mumig
Marc STAMMEGNA
sur l’expo César-Chabaud à Uzès

Lors de la très belle exposition  » César-Chabaud » au musée d’Uzès, dans le Gard, nous avons rencontré Marc STAMMEGNA, commissaire de l’exposition et expert chez Sotheby’s et Christie’s (Maisons de ventes aux enchères) à qui nous avons posé la question de l’accès à la Culture:

Le musée d’Uzès.
Bernard LAHIRE, Professeur de Sociologie:
Anne LAMALLE

NARBO VIA à Narbonne, ce sont trois espaces distincts qui partagent l’histoire de l’Antiquité romaine de la ville: le Musée, l’Horréum et Amphoralis.
L’exceptionnelle inventivité des équipes rend ces lieux dynamiques et ludiques… Un pari pourtant pas évident au départ !
Rencontre avec ANNE LAMALLE, Directrice de la Médiation et de la Communication de NarboVia :

NarboVia vue extérieure.
La galerie lapidaire de NarboVia

KARIM

Au musée d’Uzès, KARIM veille sur les oeuvres et sur les gens…
Il a bien voulu nous confier, avec gentillesse et humour, son enthousiasme pour ce tournant dans sa profession d’agent de sécurité:

Dans la prochaine publication, nous clôturerons notre enquête sur l’accès à la Culture
par l’évocation de projets d’avenir…

SI ON VOUS DIT « CULTURE »?

Depuis bientôt quatre ans, «L’Art d’Être Curieux» vous invite à nous suivre
dans des endroits divers et variés…
Au fil des visites, des interviews et des articles,
nous avons rencontré des gens passionnant.es et passionné.es,
qui nous ont fait partager leurs projets et leurs interrogations.
Pendant tout ce mois de Mars, nous avons voulu faire émerger leur image de la Culture…
Vous avez dit Culture ? On sort les micros !

CHAPITRE 1 : UN PEU D’HISTOIRE…

Depuis la fin du XIX° siècle en France, la gratuité des musées fait débat…


En 1896, la revue L’Artiste avait – déjà – consacré un dossier au prix de l’entrée au musée. Les milieux culturels, mais aussi politiques, débattaient ferme, alors, sur le fait de faire payer les visiteurs, tandis que le XIXe siècle, qu’on appellera plus tard « siècle des musées », avait vu éclore quantité de lieux à Paris et aussi en province. Tous furent d’abord gratuits, sans exception.
Du temps de la création du tout premier « Museum », en plein Paris, en 1793, il s’était finalement trouvé une seule voix pour arguer de la nécessité de faire payer l’accès aux collections. Rarement ouvert au public, à l’exception de quelques jours chaque année, et ordinairement réservé aux artistes, cet aïeul du Louvre avait ainsi été voulu gratuit par les révolutionnaires. Le patrimoine appartenait à tous. Et le directeur général de l’Instruction publique, seule voix à proposer de faire contribuer les visiteurs à l’accès à la culture, s’était finalement trouvé bien seul, lorsqu’il avait réclamé, dès 1796, l’acquittement d’un droit d’entrée au nom du financement à la culture. Cent ans plus tard, exactement, le sculpteur Auguste Rodin répondait ceci à la revue L’Artiste sur le prix d’entrée au musée : « Je crois que l’on doit s’en tenir à la création des musées sous la Révolution, qui a été gratuite pour l’éducation de tous. Dans tous les temps, on a eu besoin d’argent, et l’on a maintenu le principe de la gratuité, qui est le meilleur, je crois. » Le sculpteur n’était pas seul à défendre alors la gratuité car la même année, c’est Clémenceau qui s’était fendu d’un manifeste en faveur des musées gratuits, Le Louvre libre. Et c’est dire si le débat agitait largement, en cette fin du XIXe siècle : on en discutait alors à l’Assemblée Nationale!

Le musée du LOUVRE

Depuis 1905, à Paris, un premier musée avait déjà entrepris de faire payer l’entrée : celui des Arts Décoratifs. Cinq autres musées municipaux l’avaient suivi rapidement. La décision d’introduire un portillon à l’entrée du Louvre sera quant à elle tranchée en 1921, qui emboîtait le pas à d’autres grands musées à l’étranger, à l’instar du Victoria and Albert Museum, à Londres, qui avait déjà commencé à faire payer certains jours. L’adage qui clamait « la nation est chez elle au Louvre » avait déjà vécu.
Toutes les décennies suivantes seront marquées par un autre débat : comment amener ceux qui ne vont pas au musée à franchir sa porte ?
Deux décennies avaient passé, que Rodin avait déjà changé d’avis. Au moment de transmettre son œuvre à l’État, contre la promesse d’un lieu qui lui serait dédié et qui deviendra le futur musée Rodin, dans le VIIe arrondissement à Paris, où l’on peut toujours voir ses sculptures jusqu’aux allées du jardin attenant, Auguste Rodin avait finalement dévoilé son testament : l’Hôtel de Biron et toute l’œuvre qui se trouvait à l’intérieur seraient bien légués à l’État… À la condition expresse qu’un musée pérennise sa trace à raison d’1 franc par visiteur. Il y voyait la garantie qu’on sécuriserait ainsi l’indépendance financière du nouveau lieu à sa gloire.
Pour déminer la polémique qui entoure l’augmentation du prix du billet d’entrée au Louvre, à Paris, le musée répond que plus d’un français sur deux qui entre au Louvre ne paye pas!
(Extraits du podcast de France Culture « Info culturelle » . Janvier 2024.)

Les premières Maisons de la Culture

Nous avons rencontré Christian AVENEL, cinéaste, peintre et photographe, qui fut animateur à « l’Unité Enfants » dès la création de la Maison de la Culture du Havre….

Christian Avenel devant les personnages de « Yellow Submarine », réalisés pour la MC du Havre…

Les enfants jouent avec les lettres de l’Alphabet de Sonia Delaunay
réalisées par l’Unité Enfants de la MC du Havre:

Vous pouvez retrouver toutes les créations de Christian Avenel sur son site: www.empreintesdefeu.fr

CHAPITRE 2 : L’ACCÈS À LA CULTURE …

Olivier DONNAT

PAR LA PRATIQUE ARTISTIQUE ?

GaëlLE est Moniteur-rice Éducateur-rice dans un GEM , Groupe d’Entraide Mutuelle, une association portée par et pour des usagers en santé mentale. 
La pratique artistique est l’un de ses outils de travail, au service de l’accompagnement
d’adultes en situation de handicap:

SUNRA à Montpellier (2018)
André Manoukian

André Manoukian est auteur-compositeur et pianiste. Il est également chroniqueur, présentateur d’émissions de radio et de télévision et comédien.

« La culture, c’est la curiosité avant tout. C’est une question de survie. Sans elle, on s’éteint, on devient idiot. C’est dans la zone du cerveau qu’on appelle le ragot que les grands singes sont passés d’animalité à homme, parce que le ragot, ou l’information sur l’autre, nous a permis de créer des groupes de personnes de plus en plus grands, plus puissants et, petit à petit, l’information s’est transformée par l’histoire, le mythe et c’est comme ça qu’on a constitué des sociétés.
La culture fait le lien entre les personnes et c’est ce qui constitue les sociétés humaines.
Que ce soit dans la peinture, la littérature ou ce que vous voulez, la culture est aussi l’apprentissage d’un vocabulaire avec lequel vous allez vous exprimer. Puis le talent, vous en avez deux sortes. Le premier, c’est celui qui sait imiter le geste qu’on lui a appris jusqu’à la perfection. Celui-là, il est foutu ! Comme il arrive à reproduire parfaitement le talent de son maître, il ne va jamais s’inscrire vraiment. Puis vous avez le talent de celui qui n’arrive pas à imiter le maître et qui va l’accepter. Celui-là, il est sauvé. Ce sont ses défauts qui vont lui donner une particularité. J’ai fait un concert à Sarlat dernièrement. J’ai vu les grottes de Lascaux dont les dessins sont d’un stylisme et d’une modernité incroyables. Comment ils faisaient, les gars ? C’était il y a plus de 20 000 ans. Donc la première étape, c’est l’apprentissage d’une technique, le piano par exemple, et la deuxième, c’est l’assimilation de cette technique. Après c’est votre curiosité qui fera vous tourner vers le travail d’autres et qui enrichira votre talent. »

André MANOUKIAN

Pour clore ce premier numéro, nous allons écouter Patrick Ruffat, Président de l’association « Art et Culture » dans les Pyrénées Orientales, qui nous explique le pourquoi de son investissement associatif:

http://artsetculturevinca.fr/

Pieter Bruegel: « Kermesse villageoise »

Dans la prochaine publication, nous écouterons des salarié.es de lieux culturels nous parler de leurs métiers et de leurs passions…

LA MÉMOIRE SUR LE SABLE…

L’année 2024 marque les 85 ans de l’exil républicain espagnol et de la création du camp d’Argelès, dans les Pyrénées Orientales à quelques kms de Perpignan.
En cette année symbolique, la ville d’Argelès-sur-Mer et le Mémorial du camp vous donnent rendez-vous sur la plage Nord pour partager des mémoires du camp au fil d’une exposition de 50 photographies issus de nombreux fonds. Des photographies d’époque du camp, in situ, sur le lieu même où il fut installé en février 1939 : sur le sable, face au Monolithe.

Si vous fuyez les stations de ski déneigées et que vous voulez vous diriger vers la mer, prenez le temps de vous arrêter sur la plage d’Argelès (face au grand Hôtel du Lido)…
Plantées sur le sable, à l’endroit exact de l’emplacement du camp d’Argelès sur Mer, cette exposition inattendue, évoque ce moment terrible, dans le seul bruit du ressac de la mer …
À voir… Absolument!

L’exposition