
Le Musée Maillol de Paris présente l’exposition :
« ROBERT DOISNEAU – INSTANTS DONNÉS »
Une importante rétrospective, (350 clichés sélectionnés parmi les 450 000 que renferme la collection) conçue par un commissariat collectif associant « Tempora » (organisateur d’expositions belge)
et « l’Atelier Doisneau » conduit par Annette Doisneau et Francine Deroudille (filles du photographe)
et la collaboration du Musée Maillol.
Témoignant de son époque des années 1930 aux années 1980, Robert Doisneau a photographié l’enfance, sa banlieue parisienne, les ateliers d’artistes peintres et sculpteurs rencontrant au passage l’œuvre de Maillol, la mode et le luxe d’après-guerre tout en dressant le constat social d’un monde sans indulgence dont il se sentit toujours solidaire.
« Le parcours se décline autour d’une dizaine de thématiques transversales de l’œuvre de Robert Doisneau. Des titres simples qui reprennent le classement de l’agence, et par la suite de l’Atelier (Enfance, Bistrots, Écrivains etc…). Plusieurs salles et dispositifs qui offrent des focus inédits pour découvrir l’univers créatif complet de l’artiste. Pour Robert Doisneau, la photographie n’est pas qu’un simple reflet du réel : elle est un moyen d’expression destiné à nos sens et à nos émotions . » (Extraits du Dossier de Presse)
Né le 14 avril 1912 à Gentilly (Seine, Val-de-Marne), orphelin de père et mère à l’âge de 8 ans, il sera élevé par sa tante. À 13 ans, après son certificat d’études, il entre à l’École Estienne, (École supérieure des arts et métiers graphiques de Paris), pour y apprendre la gravure lithographique. Il obtient son diplôme de graveur et lithographe.
Il a souvent confié qu’il n’avait pas aimé ses années à l’école Estienne. La pédagogie y était en effet très archaïque dans les années 1920. Cependant, durant ces quatre années d’études et de formation, il apprend à dessiner et à regarder. Autant de compétences précieuses qui influenceront son œil de photographe.
En 1931, Robert Doisneau abandonne sa carrière de lithographe et devient l’assistant d’André Vigneau, photographe moderniste. En 1932, il vend sa première photographie au magazine « Excelsior ».

Autoportrait de Robert Doisneau -© libre de droit licences CCO – Réalisé au Rolleiflex en 1947, « l’appareil dont on avait tous envie », dira le photographe qui finira par en user le vernis noir qui en recouvre la surface à force de manipulations.




- L’ENFANCE :
« Les journées paraissent courtes à l’enfant qui folâtre dans la rue pleine de trouvailles possibles et, parfois, de mystères qui font un peu peur. » Robert Doisneau

Ce thème traverse l’œuvre de Doisneau qui ne cessa de photographier l’enfance, tout attiré qu’il est par l’innocence de ses modèles, leur enthousiasme et bonheur de l’instant partagé ; par ce qu’ils lui rappellent aussi de sa propre enfance, lui qui fut orphelin de mère et de père à l’âge de 8 ans : « Désobéir me paraît une fonction vitale et je dois dire que je ne m’en suis pas privé ».
« L’affiche, « Le saut » (Paris 1936) donne le ton de cette première séquence… Le regard des enfants, des images graphique, dynamiques, une lumière naturelle comme dans toutes les photos en noir et blanc de Doisneau… Une photo rare et quasiment jamais publiée. » (Extrait du Dossier de Presse.)







- ATELIERS D’ARTISTES :
« Il n’y a pas de hasard, il n’a que des rendez-vous »
Pendant les années de guerre (1939 – 1945) Robert Doisneau, réfractaire au Service du Travail Obligatoire, va réaliser, tout au long de l’Occupation, toutes sortes de faux papiers pour la Résistance, grâce à ses talents de graveur-lithographe.
Entre deux commandes et deux travaux clandestins, il capturait quelques scènes de la vie quotidienne sous l’Occupation : files d’attente devant les boutiques, refuges dans le métro durant les alertes, etc. Pendant ces années noires, Doisneau fit une rencontre importante, celle de Paul Barabé dit Baba. Concierge de son immeuble, Barabé brûle la liste des communistes de Montrouge et évite ainsi leur arrestation par la Gestapo. Touché par cet acte de bravoure, Doisneau l’embauche en tant qu’assistant pour faire ses tirages et les livraisons.

Entre fin 1944 et le début 1945, Robert Doisneau prend 48 photos de la reconstitution de l’activité des imprimeurs clandestins, pour illustrer le numéro de mars 1945 de la revue artistique et littéraire le Point de Pierre Betz. Cette édition est consacrée aux imprimeries clandestines de la Résistance qui permirent la diffusion de tracts, affiches et journaux durant la guerre.
Cette rencontre va être déterminante pour Robert Doisneau puisque Pierre Betz va le nommer photographe attitré de la revue. Il y restera jusqu’en 1960.
C’est ainsi qu’il va aller à la rencontre d’artistes dans leurs ateliers. Doisneau photographie le lieu où l’idée devient œuvre. Il applique à l’atelier le même principe que pour tous les métiers : être au plus près de l’outil de travail. Les ateliers constituent un environnement naturel pour Robert Doisneau où il déploie son talent de portraitiste et de metteur en scène.






La photo « Les pains de Picasso » a une histoire : « Picasso aura été l’un des meilleurs modèles qui soient entrés dans ma petite boîte noire… Quand j’arrive chez lui à Vallauris, le matin, après avoir roulé toute la nuit, il est entrain de prendre son petit déjeuner. Sur la nappe, deux petits pains en forme de mains.
‘’ Vous voyez, c’est une idée de boulanger, ils n’ont que quatre doigts. C’est pour cela qu’il les a baptisés des Picasso ‘’.
Comme il paraissait d’excellente humeur, j’ai osé mettre un pain de chaque côté de son assiette. Il a fait le geste que je souhaitais, mettant les bras au ras de la table avec les pains dans leur prolongement… Avec Picasso, c’était bien facile, il suffisait de lui tendre un accessoire, il improvisait immédiatement un pas de deux… Impatient jusqu’à me dire ‘’Qu’attendez-vous ?’’. Précisément, j’attendais qu’il me dise ‘’qu’attendez-vous ?’’ »
Extrait du livre « Robert Doisneau – A l’imparfait de l’objectif – souvenirs et portraits » Editions Babel 1989 »
- AGENCES, PUBLICATIONS, PUBLICITÉS :
Avant d’être engagé par Pierre Betz de la revue artistique et littéraire « Le Point », Robert Doisneau a fait connaissance avec Charles Rado, immigré hongrois qui crée à Paris la première agence de presse photographique, « RAPHO » pour organiser la profession de photographe illustrateur qui est en train de s’inventer. Robert Doisneau le rencontre dès 1939 alors qu’il vient d’être licencié des usines Renault dans lesquelles il était photographe depuis 1934. Il espère pouvoir rejoindre cette agence dans laquelle il dépose un premier reportage. L’Histoire en décide autrement. La déclaration de guerre met un frein brutal au projet, provoque l’exil américain définitif de Charles Rado, et la fermeture de l’agence.
L’agence Rapho redémarre en 1946. Doisneau la rejoint et y reste jusqu’à la fin de sa vie.
Il y côtoie Willy Ronis, Sabine Weiss, Janine Niepce, Jean-Philippe Charbonnier, Édouard Boubat.
Tous représenteront la photographie dite « humaniste ». Robert Doisneau fait également partie du « Groupe des XV » fondé à Paris en 1946. (Ces quinze photographes ont pour objectifs de faire reconnaître la photographie comme moyen d’expression artistique à part entière ainsi que la sauvegarde du patrimoine photographique français. Le groupe est dissous en 1957.)
En 1947, Robert Doisneau remporte le prix Kodak, destiné à récompenser les jeunes talents.
Les reportages s’enchainent, Robert Doisneau travaille beaucoup pour la presse au lendemain de la guerre, comme par exemple « Action » l’hebdomadaire communiste dirigé par Pierre Courtade, « La Vie Ouvrière », organe de presse de la CGT, mais aussi « Regards », « Point de vue – Images du monde », « Réalités », « Match » ou encore le magazine américain « Life ». Ses clichés étaient utilisés pour la presse généraliste ou spécialisée, de toutes tendances. Il choisissait des mannequins dans son entourage et il réalisait les montages en studio.




- LA SALLE DES ÉCRIVAINS ET LES BISTROTS :


«Mademoiselle Anita » (1951), est l’une des photos de la série que Robert Doisneau consacre aux bistrots : « S’il vous plaît, ne changez rien, ne bougez rien, je vous expliquerai après » demande Doisneau à son modèle. « Elle a dû se rendre compte de l’effet produit car, sans même lever les yeux, elle a gardé cette attitude de pudeur obstinée qui lui allait si bien… ».

«Les bouchers mélomanes » (1953). « Je maintiens qu’il est bon de posséder un bistrot familier. Deux, c’est encore mieux », affirmait Doisneau pour cette photo prise dans un bistrot du quartier Mouffetard à Paris.
« Est-ce que ça vous ennuie si je fais une photo de vous ? », demanda Doisneau à la chanteuse. « Non », lui répondit-elle.
« Alors j’ai mis discrètement un peu d’argent dans la soucoupe : ça a dû lui plaire. Et j’ai deux trois photos d’elle. En fait, la meilleure photo d’elle, que j’ai, c’est ce jour-là ».
- GRAVITÉS :



«L’usine Bobin, à Montrouge » (1945). Doisneau a beaucoup photographié les ouvriers de l’industrie d’un monde en pleine mutation. Autant de sites photogéniques au cœur desquels l’objectif du photographe se confronte au réel d’une classe sociale dont il exprimera sans relâche les difficultés.
- BANLIEUES :
- FACE À L’OEUVRE :
Au Louvre, en 1945, la Joconde est présentée sur un chevalet, la foule pouvant circuler devant et autour d’elle, en grande proximité. Doisneau scute alors les expressions des visiteurs…


En 1948, Robert Giraud écrivain et ami de Doisneau, gardien de la galerie Romi, lui signale que le tableau d’un certain Wagner suscite de réactions cocasses… Rendez-vous est pris…
« Bien installé dans un moelleux fauteuil, appareil posé sur un meuble, je voyais au travers de la glace dont les reflets me rendaient invisibles, les passages et les réactions des différents iconolâtres »


- RENCONTRES :


« Les coiffeuses au soleil » : une scène de rue parisienne, comme Doisneau les affectionnait tant.
« On se met à un tel endroit, où ça vous arrange. Donc… c’est… c’est une espèce de faux témoignage… Ah oui… Mais on se sert de matériaux vrais, ça c’est… c’est bien. Ça donne une solidité. Mais on y croit comme ça », exprimera Robert Doisneau sur ce type de cadrage.
- DIALOGUE DOISNEAU/MAILLOL :
Le 29 juin 1964, Robert Doisneau se rend à l’agence Rapho… En traversant le Jardin des Tuileries avec son Leica en bandoulière, il croise des costauds de la Maison Gougeon, transporteurs d’art, et il assiste au déballage de sculptures de Maillol dont l’installation avait été décidée par le ministre de la Culture, André Malraux, et Dina Vierny, dernier modèle de Maillol.
L’occasion est trop belle ! Il oublie sa commande publicitaire et passe la journée à photographier la pose des statues, sous l’œil de Dina Vierny (en bas à gauche sur la photo de droite) qui le gratifie de sa présence…
Un merveilleux cadeau du hasard… ou un rendez-vous ? 🙂

- LE BAISER DE L’HÔTEL DE VILLE :
Doisneau a également été sous contrat avec le groupe américain Conde Nast pour le magazine de mode féminin « Vogue » entre 1949 et 1951.
C’est en 1950, dans le cadre d’une commande d’un reportage sur l’amour à Paris pour le magazine Life, qu’il réalise « Le Baiser de l’Hôtel de Ville ».
Cette photographie ressortira avec grand succès dans les années 1980 et deviendra une image iconique du Paris des années 1950.
A elle seule, cette image en noir et blanc d’un couple d’anonymes s’embrassant devant la Mairie de Paris suffit pour que le nom de Doisneau soit prononcé… Mythique !
« Cette photo m’inquiète un peu : ce succès montre que c’est une chose très, très facile, un effet facile … C’est une photo qui fait l’unanimité. Et quand il y a unanimité, il y a souvent au départ une erreur. » Robert Doisneau


C’est sur cette photo projetée sur un rideau que s’achève la visite de l’exposition :
« Robert Doisneau – Instants volés »
Robert Doisneau qui photographia l’enfance, les gens de labeur, les gens de peu, les gens de rien, Paris, la banlieue, leurs bistrots, les ateliers d’artistes, les écrivains, la mode aussi… Bref, la vie, avait sinon un œil de lynx, la patience du chat.
« Oh là là, Si vous me voyiez faire ! J’ai honte. D’abord honte de rester sur place parce que… J’ai l’air d’hésiter, mais j’hésite… En réalité. Je ne sais pas ce que j’attends… Mais j’attends. J’attends. J’ai l’espoir. Et alors… ».
« Toute ma vie je me suis amusé, je me suis fabriqué mon petit théâtre. » Robert Doisneau
Musée Maillol :
61 rue de Grenelle
75007 PARIS

Kadia et Sylvie vont prendre un peu le large
et vous retrouveront mi septembre !

- Photo : »Francine et Annette » les filles de Robert Doisneau…