TRIO… UN DIRECTEUR HORS NORMES ET DEUX PLASTICIEN.NE.S

Intérieur de la Coupole du Grand Palais.

Quand le Grand Palais, à Paris, ouvre ses portes en juin 2025, après quatre années de fermeture, c’est le Centre Pompidou qui ferme les siennes pour cinq ans de travaux de rénovation.
C’est à ce mouvement de balancier que l’on doit la première manifestation « hors les murs » du Centre Pompidou, l’exposition coproduite par le Centre Pompidou et le GrandPalaisRMN : 

« Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten,
trois figures majeures de l’art du XXème siècle »

(Niki de Saint Phalle (1930-2002) franco-américaine, plasticienne – Jean Tinguely (1925-1991) suisse, plasticien – Pontus Hulten (1924-2006), suédois conservateur de musée ). 2025 marque le centenaire de la naissance de Jean Tinguely.

Niki de Saint Phalle
Jean Tinguely
Pontus Hulten

En mettant en lumière des moments clés de la carrière du couple mythique – Niki de St Phalle et Jean Tinguely – uni par des liens artistiques indéfectibles et une vison de l’art comme acte de rébellion contre les normes établies, l’exposition met en scène les relations des deux artistes plasticien.ne.s et du conservateur de musée qui s’est impliqué pour faire connaître au public leurs œuvres novatrices, et ouvrir les musées à un art ludique et rebelle.

« Au-delà de la célébration de deux artistes majeurs du 20e siècle, portés par la vision d’un homme de musée d’exception, cette exposition interroge leur horizon de pensée selon lequel la revendication d’une autonomie de l’art, la remise en question de l’institution et l’adresse directe au public, deviennent des moteurs de la création. » Commissaire Sophie Duplaix Conservatrice en chef des collections contemporaines Musée National d’Art Moderne – Centre Pompidou.

L’exposition se déploie sur deux niveaux : au premier niveau, c’est l’histoire de la rencontre entre Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten. Au second niveau, nous parcourons l’exposition « Tinguely », Centre Pompidou, Paris, 1988-1989  puis l’exposition « Niki de Saint Phalle », Centre Pompidou, Paris, 1980.
En lien avec cette scénographie, nous allons vous présenter cette conséquente exposition en deux articles : l’histoire de la rencontre puis les expositions de Niki de Saint Phalle et de Jean Tinguely.

UNE HISTOIRE DE RENCONTRE

C’est dans l’impasse Ronsin à Paris, dans le quartier de Montparnasse, que des artistes de tous âges et origines travaillent. C’est là qu’au milieu des années 1950, Jean Tinguely fait la connaissance de Niki de Saint Phalle avec qui il se met en couple à partir de 1960 et qu’il partage son atelier.
La destruction de l’impasse amène le couple à déménager.

« De Niki de Saint Phalle, nous connaissons les Tirs et les Nanas. De Jean Tinguely, Les machines en mouvement, Le Transport ou L’Enfer. En revanche, ce que nous connaissons moins de ce couple mythique c’est l’amitié qui l’unissait au conservateur de musée suédois Pontus Hulten ».
Pour combler cette absence, l’exposition revient sur les coulisses de la création artistique. « Une œuvre n’est pas uniquement quelque chose d’achevé accroché à un mur,  il y a tout un processus de création derrière, qu’il est important de révéler au public ». Un aspect souvent occulté par l’attention portée aux chefs-d’œuvre et moins à leur dessous. La preuve : aucun des visiteurs interrogés ne connaissait Pontus Hulten, encore moins son implication dans le travail de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. »

Sophie Duplaix. 

Depuis la Suède, son pays d’origine, Pontus Hulten (1924-2006) défend une vision anarchiste de l’art et du musée qu’il conçoit comme des lieux de grande liberté et d’amusement. 
Initialement à la tête du musée d’art moderne de Stockholm, Pontus Hulten fut le premier directeur du Centre Georges-Pompidou de 1977 à 1981.
En 1954, à l’occasion de l’un de ses fréquents séjours à Paris, Pontus Hulten rencontre Jean Tinguely, alors que celui-ci présente sa première exposition personnelle dans une galerie. 
D’emblée, les deux hommes partagent une même attitude vis à vis de l’art et de la vie, attitude qui a pu être qualifiée « d’anarchisme joyeux » : il s’agissait notamment d’offrir à l’individu une place dans la société, sous le signe d’une autonomie de pensée et d’action.
Très vite, Niki de Saint Phalle, en couple avec Jean Tinguely, complète ce duo artistique. 
Il se dessine alors un début de collaboration et d’amitié qui ne s’arrêteront plus.
Pontus Hulten sera le défenseur des deux artistes, toujours à leur écoute, les laissant exprimer leurs idées, leurs désirs, leurs envies et les faisant bénéficier de sa culture encyclopédique.
En tant que professionnel de l’art, il leur offre des lieux pour exposer et des opportunités d’acquisition et de production d’œuvres.

Les quatre œuvres dans lesquelles Pontus Hulten a joué un rôle majeur :

L’exposition présente quatre œuvres majeures pour lesquelles Pontus Hulten a joué son rôle de défenseur et de facilitateur pour Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely.

  • « Hon – en katedral » ( « Elle – en cathédrale ») 1966 – une œuvre intéractive, une gigantesque sculpture de femme qui occupe une salle entière du Musée de Stockholm. Niki de Saint Phalle fait une sculpture de femme monumentale de 28 mètres de longueur, couchée sur le dos. 
    Elle est réalisée avec son mari Jean Tinguely et l’artiste suédois Per Olof Ultvedt. 
Projet d’affiche pour « HON – en katedral »
Les artistes au travail pour l’exposition au Musée de Stockholm
Vue de l’expo de Stockholm en 1966...
Vue de l’exposition au Grand Palais en 2025.

  • Le Paradis fantastique 1966 – 1967

Un ensemble de sculptures monumentales imaginé par Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely en 1967 pour le toit du Pavillon français de l’exposition universelle de Montréal.  C’est le deuxième projet d’envergure réalisé par Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely.
Le couple se lance dans la construction de sculptures par groupes de deux destinés à parodier une joute amoureuse cruelle entre le masculin et le féminin.
Chaque duo est réalisé par les deux artistes et trois sculptures sont faites uniquement par Niki de Saint Phalle.
Après ce projet qui a impliqué pour Niki de Saint Phalle l’usage de matériaux toxiques, sa santé va se dégrader, en accentuant ses problèmes pulmonaires.
Cet ensemble de sculptures monumentales risquait la destruction à l’issue de sa présentation. Les artistes font appel à Pontus Hulten qui va réunir le financement nécessaire pour rapatrier l’œuvre en Europe à la condition que l’œuvre soit donnée à son musée de Stockholm. 

« Le Paradis Fantastique ».
Dessins préparatoires pour « Le Paradis fantastique ».
Maquette de « Le Paradis fantastique »
« Le Paradis fantastique »….
… à Stockholm….
Détails….
  • Le Cyclop, Milly-la-Forêt, 1969-1974

A la fin des années 1960, Jean Tinguely imagine, avec Niki de Saint Phalle et l’artiste suisse Bernhard Luginbühl, réaliser en secret une tête monumentale, « un monstre », au cœur de la forêt, dans l’Essonne. 
L’élaboration de ce projet dure 25 ans. Tinguely en orchestre la construction et invite plusieurs amis artistes à présenter une œuvre au sein de cette sculpture gigantesque. Victime de vandalisme, Le Cyclop est donné à l’État français en 1987.
Après la mort de Jean Tinguely en 1991, et selon ses instructions, Niki de Saint Phalle poursuit l’achèvement de la sculpture avec l’aide de Pontus Hulten.
Le Cyclop a ouvert au public à Milly-la -Forêt, dans l’Essonne en 1994.

« Le Cyclop »
Étude pour « Le Cyclop »
Étude pour « Le Cyclop » 1968.
  • « Le Crocrodrome de Zig & Puce » Centre Pompidou. Paris 1977.

En 1977, Pontus Hulten invite Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle, Bernhard Luginbühl, avec d’autres collaborateurs, à réaliser une œuvre collective d’envergure pour le Forum du Centre Pompidou.
« Le Crocrodrome de Zig & Puce » se présente comme un monstre d’une trentaine de mètres de longueur. La mâchoire est imaginée par Niki de Saint Phalle, les intestins par Bernhard Luginbühl et le dos par Jean Tinguely. Son ventre est un train fantôme et le tout est traversé par un circuit de boules métalliques. L’installation est construite devant le public et détruite également en présence du public après 7 mois d’activité.
Pontus Hulten, alors Directeur du Centre Pompidou, a permis au public de s’approprier une œuvre par le jeu.

Affiche « Le Crocrodrome »
Dessin d’étude pour « le Crocrodrome »
  • Les Lettres-dessins à Pontus

Cette correspondance révèle le haut degré d’intimité et de confiance qui a existé entre Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten. Dans une même lettre, on trouve des propos sur une œuvre, une exposition, des requêtes pressantes quand les artistes ont besoin d’aide… Avec toujours beaucoup d’humour et de simplicité. L’écriture part dans tous les sens, celle de Jean Tinguely s’agrégeant à celle de Niki de Saint Phalle ou l’inverse, le tout agrémenté de dessins, croquis, collages.
Ces échanges montrent à quel point l’art et la vie sont, pour les trois protagonistes, intrinsèquement liés.

Le Grand Palais se trouve 3 avenue du Général Eisenhower 75008 Paris
L’exposition est visible jusqu’au 4 Janvier 2026.

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