FERNAND LÉGER, LA VIE À BRAS LE CORPS

Fernand Léger devant son profil en fil de fer réalisé par Calder.
Photo de Walter Limot 1934

Table rase du passé…

Au musée Soulages, à Rodez, vous pourrez retrouver – ou découvrir – le peintre et cinéaste Fernand Léger jusqu’au 6 novembre 2022.
86 oeuvres sont présentées autour de trois thématiques chères à l’artiste: la ville, le travail et les loisirs.
Cette exposition présente également un film réalisé par le peintre en 1924: « Le ballet mécanique » ainsi qu’un entretien inédit de Pierre Soulages à propos de Léger, réalisé en 2020.
Pierre Soulages a bien connu Fernand Léger avec qui il partagea une galerie et participa à un hommage à Léonard de Vinci en 1952 en réalisant des décors pour un spectacle, et cette interview est très émouvante, surtout quand on réalise que Pierre Soulages avait 101 ans alors!

« Ballet Mécanique » Film de F.Léger. 1924
Entretien de Maurice Frechuret avec Pierre Soulages. 2020

Né en Normandie en 1881, Fernand Léger arrive à Paris dans l’effervescence des années 1900 et se trouve fasciné par la métamorphose des villes et la mécanisation de la société.
De là, il s’attachera tout particulièrement à représenter le monde ouvrier, outil de cette modernité, qu’il admire et à qui il voue même une certaine forme de culte, avec une vision idyllique du monde du travail.

Avec l’avènement du Front Populaire, la société va se transformer radicalement et bousculer l’organisation du travail, de la vie sociale et culturelle, et les congés payés vont modifier les loisirs. Fernand Léger puisera dans ce bouleversement une nouvelle source d’inspiration.

« L’ouvrier assis » 1950
« Femme (je te demande…) » 1848

Engagé dans la « déconstruction cubiste » en réduisant ses personnages à des formes tubulaires, son approche va lui valoir maints sobriquets et parfois l’incompréhension même de ses modèles: exposant « Les Constructeurs » dans la cantine de l’usine Renault, il recevra un accueil très mitigé des ouvriers…
Pourtant, il reste convaincu de l’émancipation du peuple par l’Art et la Culture et il adhèrera au Parti Communiste où il côtoiera les militant.e.s de base. « Pour parler au peuple, il faut être près de lui » disait-il.
Mais une partie de la presse communiste reste réservée sur son oeuvre, et la CGT refusera le don de la série « Les constructeurs« .
Fernand Léger attribue ce peu de succès aux sujets abordés et non à son style pictural:  » Entre nous, croyez-vous qu’un ouvrier a envie de mettre chez lui un tableau où il se retrouve en train de suer dans une usine? Il préfère un bouquet de fleurs ou un joli paysage »
Dans l’extrait suivant du journal « Le Monde », Pascale Nivelle explicite parfaitement le désamour du Parti Communiste de l’époque:

https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/06/30/les-tresors-perdus-du-parti-communiste-francais_5153371_4497186.html

« Les constructeurs »
extrait de la série, vers 1950
« Les constructeurs » Détail

Cette exposition, d’une vivacité pétillante, va probablement interroger les plus jeunes générations… La représentation du monde ouvrier, nappé d’un militantisme un peu désuet, fait-il écho dans notre société où il n’y a plus réellement d’ouvrier.ère.s, dans le sens de celui/celle qui oeuvre à la réalisation d’un objet, avec une notion de création (comme dans l’Art, tiens?), mais plutôt des exécutant.e.s d’un travail conçu par d’autres?

C’est le défi peut-être que lance cette exposition durant l’été: donner
à voir au grand public une expression artistique engagée et percutante!

« Deux femmes au bouquet » 1921
« Le mécanicien » 1918

PODCAST:
Christophe Hazemann, directeur adjoint du musée Soulages, nous raconte l’exposition Fernand Léger…

Aux alentours…

Quand vous quitterez Fernand Léger et Pierre Soulages, n’oubliez pas de visiter le musée Fenaille à Rodez.

Puis si vos pas – ou vos roues – vous mènent plus au Sud, ne manquez surtout pas le splendide et gratuit musée de Millau et ses passionnantes animations d’été et les temps forts de Narbovia à Narbonne!


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