« Janine Niépce, regard sur les femmes et le travail »
Dans le cadre de sa saison culturelle (septembre – décembre 2024) consacrée au travail, la Cité de l’Économie Citéco, explore l’évolution de la place des femmes dans le monde du travail à travers le regard de la photographe Janine Niépce.
Chaque exposition nous réserve une part d’inattendu qui va résider sur le choix des œuvres, la scénographie ou tout autre objet… Ici, notre premier regard se pose sur l’architecture et l’histoire du bâtiment qui abrite La Cité de l’Économie « Citeco »
À CITÉCO l’espace de l’exposition est entouré de cloisons en bois, comme dans un écrin, au centre du hall Defrasse, un très vaste espace qui accueille une grande partie de l’exposition permanente.
La magie opère quand on se retrouve devant ces scènes de vies de femmes et que l’on se laisse embarquer pour suivre leurs trajectoires. « … La seconde moitié du XXe siècle a été capitale pour l’intégration des femmes dans la vie active. Cette évolution a eu des répercussions aussi bien dans la sphère publique que dans les foyers. Janine Nièpce, a su documenter avec une rare authenticité les grandes manifestations ainsi que les scènes du quotidien qui ont marqué les transformations de cette époque ». (Extrait du Dossier Presse)
Janine Niépce (1921 – 2007) est une parente éloignée de Nicéphore Niépce (1765 – 1833) l’inventeur du premier procédé photographique ou héliographie. Elle étudie l’histoire de l’art et l’archéologie. En parallèle de ses années à la Sorbonne et pendant l’Occupation nazie, elle prend des cours de photographie par correspondance, s’engage dans la Résistance et développe des films pour les réseaux de renseignements, puis participe à la Libération de Paris en qualité d’agent de liaison. Diplômée en 1944, elle devient en 1946 l’une des premières femmes photo-reporter et elle reste, à ce jour, la seule photographe qui témoigna pendant un demi-siècle de l’évolution des femmes et de leur histoire. Son regard sur le travail des femmes des années 1950 à 1990 ouvre un autre regard sur l’émancipation féminine, elle en documente l’avant, le pendant et l’après, appareil photo « Leica » à la main.
De l’invisibilité du travail domestique dans la sphère privée à la visibilité des femmes au travail dans la sphère publique :
Jusque dans les années 1950 – 1960, la majorité des femmes exerce leurs activités à la maison. On les appelle « femme et/ou mère au foyer ». Elles sont, à la fois, femme de ménage, cuisinière, intendante, soignante, mère attentive, épouse docile et dévouée…
Dans le monde rural, à toutes ces taches s’ajoutent les travaux les champs, les soins aux animaux… Leur travail est « invisibilisé » et non rémunéré. D’ailleurs, dans les travaux des statisticiens, leur travail n’existe pas. Les femmes au foyer sont considérées comme « inactives ».
Qu’elles vivent en ville ou à la campagne, en portant son regard sur ces femmes, Janine Niépce révèle leur statut de travailleuses à part entière, sans oublier celles qui sont dans le commerce.
… Et les ouvrières qui travaillent à l’usine. Le salaire de celles qui travaillent à l’extérieur amène un complément de revenus dans le foyer mais, pour elles, c’est la double journée. Elles doivent s’organiser entre l’usine et le travail domestique. En 2024, cette « double journée » pour les femmes est toujours d’actualité même si les contextes sociétaux ont fait un peu changer les choses.
À la fin des années 1960, la nature du travail des femmes évolue. Les luttes féministes ont accompagné des changements sociaux fondamentaux, telles la légalisation de la contraception avec la Loi Neuwirth en 1967, l’Interruption Volontaire de Grossesse avec la Loi Veil en 1975… Autant d’événements majeurs que Janine Niépce a suivi entre 1965 et 1980.
Suite à ces grandes luttes féministes et à l’évolution des mœurs, de plus grandes possibilités de carrières s’ouvrent pour les femmes.
Janine Niépce immortalise également les femmes qui travaillent dans les métiers du soin, institutrices, sages-femmes, infirmières… Ces professions essentielles à la société, majoritairement occupées par des femmes, et encore mal rémunérées de nos jours.
L’évolution passe aussi par des codes et des comportements masculins que les femmes s’approprient, ce qui commence à les rendre visibles dans l’espace public. C’est un regard nouveau sur les femmes et la photo-reporter s’intéresse à leur vie professionnelle qui, bien que restreinte, ne se limite plus au foyer.
Les femmes se font peu à peu une place sur les chantiers ou au sein de filières scientifiques ou juridiques jusque-là réservées aux hommes.
Janine Niépce a aussi immortalisé des femmes remarquables qui ont joué un rôle important pour soutenir les luttes des femmes pour leurs droits :
L’ordonnance du 21 avril 1944 (Journal Officiel) du Gouvernement provisoire de la République Française installé à Alger, accorde le droit de vote et l’éligibilité aux femmes. Les femmes voteront pour la première fois le 21 avril 1945 pour les élections municipales. « Quand j’ai voté en 1945, je suis vraiment devenue adulte. C’était la première fois, les femmes pouvaient mettre leur bulletin dans les urnes en France. Olympe de Gouges n’était pas morte inutilement, guillotinée, pour avoir réclamé ce droit aux révolutionnaires en 1793. Par tradition, les hommes de ma famille revêtaient leurs habits du dimanche pour remplir ce devoir civique. Ils votaient la tête découverte, le chapeau à la main. J’avais mis ma plus belle robe. Mes tantes ont refusé de me confier leur choix, m’expliquant : « Tu devrais savoir qu’on ne révèle ni son salaire, ni ses opinions politiques, cela peut nuire. ». Réserve qui fait sourire les Américains. Dans les bureaux, des jeunes femmes photographiées et interviewées me laissaient perplexe : prendre des responsabilités politiques leur semblait incompatible avec une vie de travail et leurs obligations familiales. Par ailleurs, en tant que citoyennes, elles auraient aimé inventer avec les hommes de nouvelles façons de penser et d’agir. » (« Janine NIEPCE par elle-même » : postface du livre « France 1947-1992 » préfacé par Marguerite Duras)
Avant de quitter l’exposition, écoutons deux jeunes filles d’un lycée parisien, venues à Citéco avec leur classe et leur professeur:
L’exposition « Janine Niépce, regard sur les femmes et le travail » est installée à CITÉCO – La Cité de l’Économie Place du Général-Catroux, 75017 Jusqu’au 5 janvier 2025
Et pour faire écho à cette très belle exposition, il faut voir aussi le bouleversant film italien « Il reste encore demain » (« C’è ancora domani ») de Paola Cortellesi…
Pour le centenaire du Surréalisme, le Centre Georges Pompidou à Paris propose une très riche exposition sur le mouvement surréaliste. Né en 1924 avec le « Manifeste du Surréalisme » d’André Breton (1896-1966, poète et écrivain français, principal animateur et théoricien du surréalisme) ce mouvement tant pictural/visuel que littéraire et musical, va marquer l’histoire de l’Art, par ce qu’il va bousculer les codes artistiques de l’époque, en projetant le « spectateur » dans l’imaginaire, le rêve et le fantasme… Le mot « surréalisme » fait toujours partie de notre langage pour désigner ce qui n’est pas ordinaire ou qui échappe à la réalité. C’est le poète Guillaume Appollinaire qui attribuera le mot à ce mouvement artistique : « Il ne s’agit pas d’imiter la réalité mais de provoquer le rire en rompant avec les conventions. »
Une fois passée la « porte », l’exposition commence dans un tambour central où sont projetés des documents originaux comme le « Manifeste du Surréalisme » d’A.Breton, prêté par la Bibliothèque Nationale…
Notre déambulation dans l’exposition nous emmènera chronologiquement à travers treize chapitres sur les artistes phares du mouvement et leurs thèmes de prédilection: « Entrée des médiums », « Trajectoire du rêve », « Lautréamont », « Chimères », « Alice », » Monstres politiques », « Le royaume des mères », « Mélusine », « Forêts », « La pierre philosophale », « Hymnes à la nuit », Les larmes d’Éros » et « Cosmos ».
Aborder le Surréalisme, c’est sortir des codes académiques de l’Art et accepter d’être un peu bousculé.e ! Les surréalistes nous envoient des images ou des sons qui reflètent leurs visions du monde, et nous invitent à les partager… Une grande part de leur inspiration viendra des rêves ou des envies de rêves ! Qui ne voudrait pas se retrouver dans un nuage, un champ de fleurs, éventé par une plume ou la palme d’un arbre géant ? Parfois ce sont des cauchemars: la projection du fascisme naissant et de ses absurdités nauséabondes et meurtrières… Si on remarque avec joie quelques tableaux connus de Dali, Miro ou Magritte, l’exposition nous permet de découvrir des oeuvres moins connues de ces artistes et d’autres créateurs et créatrices moins célèbres. L’exposition fait aussi une place importante aux femmes qui ont participé au mouvement surréaliste. On peut aussi re-voir des films un peu oubliés comme « Le chien Andalou » de Luis Bunuel (1929) ou « La maison du Docteur Edwards » d’Alfred Hitchcock (1940).
L’écriture automatique et les « Cadavres exquis »: l’exploration littéraire.
Inspirée de la psychanalyse, et surtout de la poésie d’Arthur Rimbaud et de Lautréamont, l’écriture automatique consiste à écrire si rapidement que la raison et les idées préconçues n’ont pas le temps d’exercer leur contrôle. Le premier texte issu de cette méthode, Les Champs magnétiques de 1919, a été rédigé tour à tour par André Breton et Philippe Soupault:
« Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus. À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisir. Notre bouche est plus sèche que les plages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille. […] Lorsque les grands oiseaux prennent leur vol, ils partent sans un cri et le ciel strié ne résonne plus de leur appel. Ils passent au-dessus des lacs, des marais fertiles… »
Le « cadavre exquis » est un jeu d’écriture toujours actuellement pratiqué dans les ateliers d’écriture ou lors de cours de Français de collèges et lycées. Il s’agit de faire tourner une feuille de papier auprès de plusieurs personnes qui écriront les unes à la suite des autres, sur une consigne donnée : « un sujet », « un verbe », « un adjectif » etc. sans voir ce que la précédente personne a écrit, le papier étant plié avant de le passer à la suivante… Imaginons deux phrases de deux participant.es: – « L’oiseau s’envole lentement vers le ciel immaculé, en piaillant. » – « La chaise tombe avec fracas dans la poubelle, en tournoyant. » En appliquant le principe de ce jeu, on arrive à ces phrases là:
Le nom « Cadavre Exquis » fut inventé par André Breton, Marcel Duhamel, Jacques Prévert et Yves Tanguy quand, lors d’une partie de jeu, cette phrase émergea : « Le cadavre exquis boira le vin nouveau. » Le même système s’applique aussi en dessinant et un grand pan de mur lui est consacré sur l’exposition.
Les monstres politiques .
Ce sixième chapitre de l’exposition souligne l’engagement politique des surréalistes. Mépris de l’autorité, refus de l’ordre établi et des valeurs bourgeoises, éthique de la liberté, éloge du désir et des passions… Loin de se réduire à un mouvement littéraire et artistique, le surréalisme intègre une véritable dimension politique : attente révolutionnaire teintée d’éthique libertaire, espoir de « changer la vie » en édifiant une société plus inventive, libérée des chaînes de la morale et de la tradition. Une ambition qui a conduit ses principaux représentants à se rapprocher des partis politiques et à épouser, provisoirement ou durablement, les idéologies de leur temps troublé.
Aujourd’hui, ce chapitre de l’exposition résonne amèrement!
Didier Ottinger (commissaire de l’exposition) : « Qu’il s’agisse du surréalisme ou de n’importe quel autre sujet, historique ou thématique, toute exposition, particulièrement au Centre Pompidou, n’a selon moi de sens que dès lors qu’elle est capable d’entrer en résonance avec l’art et avec les questionnements de l’époque. Avec le surréalisme, on peut difficilement faire mieux ! Au fil de sa longue histoire (40 ans, rappelons-le), le surréalisme a toujours veillé à marcher sur deux jambes, à concilier le « changer la vie » de Rimbaud et le « transformer le monde » de Marx. Dès sa fondation, le surréalisme a voulu agir dans le champ politique. Il a dénoncé le colonialisme (en 1925 en condamnant la guerre du Rif, en 1931 lors de la grande exposition coloniale parisienne,lors des guerres d’Indochine, d’Algérie…), a combattu les totalitarismes (au moment de la montée des fascismes dans l’Europe des années trente, lors du « coup de Prague » de 1948, de l’insurrection de Budapest en 1956…). Les biennales internationales et la Documenta, qui se transforment en forums ouverts aux questions politiques de l’heure, témoignent de l’actualité d’un mouvement prompt à réagir à toutes les menaces pesant sur la liberté et à toutes les atteintes à la dignité humaine. Quelle actualité encore que celle d’un surréalisme qui, quelques années après sa fondation, essaime de Prague à Tokyo, de Londres au Caire, reliant les points d’une constellation seulement fédérée par un idéal d’émancipation. Actualité encore d’un mouvement qui, plus qu’aucun autre en son temps, s’est largement ouvert aux femmes. Au-delà de ces caractères formels qui auguraient ce qu’est devenu l’«art contemporain», c’est par le modèle qu’il porte que le surréalisme s’affirme comme «remarquablement contemporain ». Héritier du romantisme (allemand en particulier), le surréalisme n’a cessé de contester le culte voué par les sociétés modernes à la technique et au machinisme, de dénoncer l’obsession matérialiste et le consumérisme des sociétés « avancées » (la dernière des expositions surréalistes, « L’écart absolu », en 1965, place un « consommateur grotesque » au centre de ses salles). En 1938, le poète Benjamin Péret rédigeait un texte que lui inspirait la photographie d’une locomotive abandonnée au cœur de la forêt amazonienne. Le titre de son texte, La nature dévore le progrès et le dépasse, résonne singulièrement, comme menace ou comme espoir, aux oreilles de nos contemporains… » (Extrait du dossier de Presse).
Premier acte de leur engagement politique, les surréalistes se rapprochent des jeunes communistes du groupe Clarté avec lesquels il signe en 1925 un manifeste opposé à la guerre coloniale menée par la France au Maroc. Si chacun veille à rendre étanche la frontière entre création poétique et engagement politique, les tensions qui résultent de la montée des fascismes dans l’Europe des années trente incitent nombre d’artistes à reconsidérer cette imperméabilité. Le surréalisme se peuple de monstres qui représentent la montée des totalitarismes. Un an avant l’avènement d’Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne, le mouvement se dote d’une nouvelle revue qui se donne comme emblème une figure bestiale : Le Minotaure.
Il est obligatoire de réserver un créneau horaire d’entrée en prenant votre billet. Le musée est évacué 15mn avant sa fermeture, aussi prévoyez une tranche de deux heures au moins pour savourer toute la richesse de cette exposition.
« We Are Here » Une exploration d’art urbain au Petit Palais, prolongée jusqu’au 19 janvier 2025.
Il est assez inattendu qu’une exposition temporaire partage les salles et les murs de l’exposition permanente d’un musée, et pourtant, ça existe !
Construit pour l’Exposition universelle de 1900, lors de laquelle il accueillit l’exposition rétrospective de l’art français des origines à 1800, le Petit Palais (devenu Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris en 1902, puis musée des Beaux Arts) a organisé certaines des plus importantes expositions françaises.
Pour la première fois, il ouvre ses portes à l’art urbain : « Le Petit Palais est très heureux d’accueillir la première exposition d’art urbain de cette envergure au sein d’une institution publique, accessible à tous et totalement gratuite, dans un souci de partage de la culture avec le plus grand nombre, fidèle aux principes qui animent le mouvement Street art ». Annick Lemoine, directrice du Petit Palais, commissaire générale de l’exposition. « Paris, plus que jamais, incarne ainsi la première ville à reconnaître l’immensité du mouvement Street art en donnant une fois encore le ton au rythme de l’histoire. Une exposition qui propulsera avec audace notre capitale dans une modernité assumée tout en valorisant son histoire passée. Un événement à l’envergure du lieu et de son histoire qui sublimera la pratique des artistes pour offrir plus que des installations inédites mais un véritable dialogue avec l’histoire. Paris s’affirme à nouveau comme le rendez-vous incontournable des plus grands artistes français et internationaux de ce mouvement puissant qui bouscule les codes et bouge les lignes. We Are Here* ! ». Mehdi Ben Cheikh, directeur de la Galerie Itinerrance, commissaire scientifique.
Treize artistes majeurs du mouvement Street Art comme Shepard Fairey, Invader, D*Face, Seth, Cleon Peterson, Hush, Swoon, Vhils, Inti, Add Fuel, Conor Harrington et encore Swoon (l’une des rares femmes street artistes dans cette exposition) sont invité.es à engager un dialogue subtil avec ses collections permanentes et son architecture.
Le titre de l’exposition, « We Are Here« , est utilisé comme slogan dans divers contextes historiques et contemporains, tels que les luttes pour les droits civils. Il évoque des sentiments d’affirmation, de résilience et de revendications et exprime la visibilité et la légitimité acquises par le mouvement street-art. Cependant, il n’est pas toujours évident de décrypter ce que sous-tendent comme sentiments, ressentis et/ou revendications les œuvres exposées. Les explications présentent sous divers supports (cartouches, QR code) permettent au public la rencontre entre le travail et les intentionnalités du (de la) Street Artiste.
Avant d’accéder à la vaste salle des sculptures, une « sculpture street art » se dresse devant nous, comme une borne d’accueil, réalisée par D*FACE dont on retrouvera d’autres réalisations au cours de la déambulation.
La visite commence…
Une fois passée la « borne d’accueil », se trouve un lampadaire majestueux orné d’une fleur de lotus. Comme une réplique, un reflet, un tableau lui fait face qui nous plonge directement dans la démarche du Street art : le pied du lampadaire remplacé par une mitraillette … Une nouvelle manière de s’exprimer et de donner son opinion, de faire passer un message politique fort ou dénoncer la société.
Après cette première rencontre, ce premier dialogue entre deux cultures, la vaste salle des sculptures nous réserve bien d’autres découvertes :
Poursuivant notre déambulation, nous arrivons dans la salle dédiée à la Célébration de la République qui fut un des grands thèmes de la production artistique française, comme le montrent les collections du Petit Palais. « Le drapeau tricolore, la Marianne, ou encore la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » deviennent ainsi matière artistique et source d’inspiration, montrant la virtuosité de ces artistes engagés. En explorant ces codes, les artistes invités – dans la richesse de leurs différences – réinvestissent les valeurs de la République et célèbrent la diversité et la pluralité qui caractérisent la France d’aujourd’hui. Les artistes provoquent ainsi le dialogue et la réflexion sur les enjeux sociaux et politiques contemporains. » (Extrait du dossier de presse)
Après la Célébration de la République, nous arrivons dans une toute petite salle propice au calme de la lecture mais ce n’est pas si simple… Seth, Street artiste n’est pas si naïf. Son univers innocent et poétique maquille les murs du monde entier pour dénoncer la guerre et la misère. En Ukraine, en Palestine ou encore en France, le Street artiste Seth prend l’enfance comme prétexte pour aborder des sujets graves.
Pas de parcours « imposé », on se déplace librement… C’est ce que nous allons faire maintenant en allant à la découverte d’une autre grande salle, appelée « la galerie des grands formats »
Le street art ne se conjuguerait-il qu’au masculin ? Comme dans de (trop) nombreux domaines, l’art de rue est largement dominé par les hommes, et ce depuis le début de son histoire. Parmi les treize artistes majeurs du mouvement Street art, il n’y a qu’une seule femme, Swoon, de son vrai nom Caledonia Dance Curry, née en 1977 à New London dans l’État du Connecticut, est une artiste américaine du mouvement dit de l’Art urbain ou Street Art dont les collages de portraits à figure humaine de taille réelle sont affichés dans les rues de Brooklyn à partir de 1999.
Il reste une dernière salle à découvrir : la Salle Concorde, investie par plus de 60 artistes* du street art des quatre coins du monde, est un vibrant hommage au légendaire premier Salon des Refusés de 1863 organisé au Palais de l’Industrie, en lieu et place du Petit Palais et du Grand Palais et qui bravait les conventions. Pour mémoire, ce salon accueillait les artistes de l’avant-garde exclus des cercles académiques, malgré leur talent et leur audace. Or, rappelons-nous que ce sont les artistes du Salon des Refusés – à l’instar de Manet et de son œuvre emblématique « Le Déjeuner sur l’herbe » – qui ont notamment ouvert les portes au mouvement impressionniste, écrivant une page majeure de l’histoire de l’Art. Aujourd’hui, l’accrochage-hommage de la salle Concorde perpétue cet esprit novateur. Les artistes dont les œuvres couvrent les murs du sol au plafond défient en effet les normes établies et les barrières des institutions officielles. Ils imposent les nouveaux codes artistiques, en perpétuel mouvement, qui se déploient de manière organique et exponentielle sur les murs des villes à travers le monde, repoussant sans cesse les limites de leur pratique.
La Salle Concorde témoigne de la vitalité, de l’originalité et de la diversité de la scène street art. L’accrochage à « touche-touche », typique des Salons artistiques du XIXe, révèle la puissance d’évocation et la virtuosité graphique des œuvres contemporaines de street art… en d’autres termes, leur dimension muséale.
Le musée Maillol de Banuyls ( Pyrénées-Orientales) propose jusqu’au 17 Novembre une exposition très intrigante: les dessins de Mykola Tolmachev. Le tracé est fin et très précis et les thématiques drôles et parfois dérangeantes… À voir absolument pour commencer l’automne en beauté, et pour aussi (re)voir ce si bel endroit et les oeuvres du sculpteur Maillol !
Musée Maillol Vallée de la Roume 66650 Banyuls-sur-Mer
Le Musée d’Art Moderne de Céret (66) propose jusqu’au 1° décembre prochain une rencontre surprenante avec Max Jacob, à travers ses propres oeuvres et celles des amis artistes qui ont croisé son chemin.
» À la fois poète, peintre, critique d’art, romancier et épistolier à l’origine de l’une des plus riches correspondances de son temps, Max Jacob est l’un des premiers soutiens de Pablo Picasso à Paris en 1901. Il est également le témoin de la naissance du cubisme et de ses évolutions auxquelles il participe. (…) À Céret en 1913, l’artiste réalise un exceptionnel ensemble de travaux qui reflètent ses expérimentations artistiques.(…) Forte de plus de 120 oeuvres parmi lesquelles de nombreuses pièces inédites, l’exposition réunit les travaux de Max Jacob et de ses contemporains, de Pablo Picasso à Juan Gris, en passant par Manolo, Jean Metzinger, Marie Laurencin, Jean Cocteau, Marie Vassilieff, Amedeo Modigliani, Alice Halicka, Serge Férat, ou encore la baronne d’Oettingen. À l’occasion des 80 ans de la déportation et de la mort de l’artiste au camp de Drancy, le musée d’art moderne de Céret retrace la vie et l’œuvre de celui qui n’a « jamais poli » son style, entre art et littérature, à travers ses liens avec certains des plus grands artistes de son temps. » ( Extraits du dossier de Presse)
Max Jacob est né en 1876 à Quimper. Il s’installe à Paris vers 1900 où il travaille comme critique d’art, tout en occupant divers emplois. Il va y rencontrer Pablo Picasso qui aura une influence importante sur lui, notamment en l’incitant à se consacrer entièrement à la poésie. Son style littéraire inédit est marqué par la dérision et un humour grinçant… Max Jacob était né juif (converti au christianisme en 1915) et homosexuel. Il sera déporté au camp de Drancy en février 1944 où il meurt le 5 mars 1944.
À travers les différentes salles de cette très riche exposition, le visiteur pourra se familiariser avec cet artiste aux multiples facettes artistiques et aux engagements parfois contradictoires! Il faut prendre le temps d’explorer les écrits, les photos, les dessins… Regarder les films… Écouter les sons diffusés par les petits hauts-parleurs dans certaines salles… Aller puis revenir… S’arrêter et sourire… S’interroger…
Avec l’aimable autorisation de l’auteur, voici des extraits de l’article d’Antoine PERRAUD pour « Médiapart » du 29 Juin dernier:
» À Céret, une exposition Max Jacob comme pour sauver la France d’elle même ». Dans les Pyrénées Orientales, terre de mission de l’extême-droite, le musée d’Art Moderne de Céret propose une magnifique exposition qui tombe à pic, consacrée à l’oeuvre foisonnante et au destin tragique du poète Max Jacob, mort parce que juif et haï comme tel. (…) Par les temps intolérants qui courent, et dans un département où l’extrême-droite s’avère à son aise, s’ouvre une exposition vertigineuse, aussi passionnante que salutaire.(…) Max Jacob fut-il pris à partie par la presse d’extrême-droite pour son homosexualité – l’Action Française chassait avec ferveur les « invertis » ? Il incarnait pour sûr ce que détestait et continue de détester le nationalisme intégral: la dualité et la pluralité des identités. Pendant l’occupation nazie, qui permit aux fascistes français d’exulter dans la haine de l’Autre, Max Jacob est arrêté à la fin février 1944. Conduit par la Gestapo à la prison militaire d’Orléans, il y divertit ses co-détenus en leur chantant des airs d’Opéra-Bouffe. Toutes les tentatives de le sortir des griffes hitléro-pétainistes échouent. Conduit au camp de Drancy, il y meurt le 5 mars – pneumonie et collapsus cardiaque. Il allait être déporté à Auschwitz. Son frère et sa soeur l’y avait précédé. Picasso, suspect et surveillé, n’a rien pu faire. Jean Cocteau et Sacha Guitry, introduit auprès de la puissance occupante, n’ont rien su faire.
Si vous le pouvez, offrez-vous le superbe catalogue de l’exposition, qui reprend tous les axes de la mise en oeuvre de l’expo. (35 euros)
Musée d’Art Moderne de Céret 8 Bd Maréchal Foch 66400 CÉRET
La canicule écrase tout le Sud de France, aussi c’est le moment d’apprécier les beaux musées de la Région Occitanie 🙂
MILLAU: Le MUMIG (Musée de Millau et des Grands Causses) Le musée et le site archéologique de la Graufesenque, vous invite à voyager dans le temps au coeur d’une ville et d’un territoire singuliers, à travers des collections et des vestiges archéologiques exceptionnels. L’entrée du musée est libre et gratuite. L’exposition « AUTOCHTONIE » vous racontera comment les êtres vivants ont entretenu des rapports avec leurs milieux…
RODEZ:
Le musée SOULAGES et le musée FENAILLE vous accueilleront tout l’été … Retrouvez-les déjà dans l’article de ce blog » RODEZ L’INCONTOURNABLE » de début juillet!
LODÈVE:
Ce très intéressant musée propose plusieurs parcours de visite autour de la Préhistoire ou de Paul Dardé et des expositions temporaires toujours très réussies… Cet été: « PSYCHOSES L’expressionnisme dans l’Art et le Cinéma ».
NARBONNE:
Trois sites à ne manquer sous aucun prétexte à Narbonne, réunis sous le sigle « NARBOVIA ». Le Musée, l’Horréum et Amphorallis. Tout au long de ce mois d’Aout les trois lieux foisonnent d’inventivité : animations pour tous âges, ateliers, concerts, expositions, promenades en bateau, cinéma en plein-air… Et la nouvelle exposition : « ESCALE EN MÉDITERRANÉE ROMAINE » : plus de 10 ans de recherches et des pièces exceptionnelles qui dévoilent l’un des plus grands ports de la Méditerranée…
BANYULS-SUR-MER
Le musée MAILLOL, géré par la Fondation Dina Vierny, est installé dans la métairie du sculpteur Aristide Maillol, où ce dernier aimait venir travailler et se reposer. Il s’agit d’une petite ferme isolée à 4 km du centre-ville de Banyuls-sur-Mer, village natal de l’artiste. La vallée entourant le lieu a été classée, sous l’impulsion de Dina Vierny, son modèle et sa muse, afin de préserver le calme et la beauté du lieu. Selon les souhaits de l’artiste, sa dépouille y est déplacée 1964, vingt ans après sa mort, afin de reposer sous son emblématique sculpture : « Méditerranée » (1905). Le musée présente de nombreuses œuvres de Maillol (bronzes, terres cuites, peintures, lithographies, etc.) ainsi que la vie quotidienne du sculpteur dans la Métairie. Des expositions temporaires, consacrées à l’art du XXème et XXIème siècle, y sont organisées chaque année. Cet été: « MYKOLA TOLMACHEV Le désir du dessin »
PERPIGNAN
Le MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE fait partie de nos coups de coeur de cette saison ! Rénové depuis peu, c’est un petit endroit délicieux… En accès libre… Dans ses salles modernes vous apprécierez les incroyables « bijoux » de sa collection, dont une momie égyptienne.
CÉRET
Le MUSÉE D’ART MODERNE est l’un des plus beaux de la Région… Outre la richesse de ses collections permanentes, le musée organise régulièrement des expositions originales. Cet été, et jusqu’en décembre, c’est MAX JACOB que vous découvrirez à travers ses écrits, ses peintures, mais aussi les oeuvres de ses proches comme Picasso.
« MAX JACOB, LE CUBISME FANTASQUE » ouvrira la saison de « L’Art d’être Curieux » début Septembre…
Avec près de 600 œuvres, documents, films d’archives, objets, articles de presse et photographies, l’exposition « OLYMPISME, UNE HISTOIRE DU MONDE 1896-2024 », présentée au Palais de la Porte Dorée à Paris jusqu’au 8 Septembre, fait dialoguer événements historiques, figures sportives et grands témoins de l’histoire. L’exposition plonge le public dans les coulisses de chacune des 33 olympiades, d’Athènes en 1896 à Paris en 2024, incluant celles qui ont été annulées (1916, 1940, 1944). Cent trente ans d’évolutions géopolitiques, politiques, sociales et culturelles depuis la création des Jeux Olympiques modernes, à travers les exploits des plus grands champions et championnes olympiques. « Le parti pris des commissaires est de raconter, « autrement », l’histoire des Jeux Olympiques : celle des luttes pour l’égalité menées par les femmes et les minorités mais aussi des conflits géopolitiques, à l’image de la puissance des dictatures face aux démocraties durant l’entre-deux-guerres, de la guerre froide, des décolonisations, jusqu’à notre monde multipolaire. C’est une histoire à l’échelle humaine qui, au travers de l’engagement de sportives et de sportifs, prend une forme concrète et incarnée. Nous parlons de sport, d’exploits, mais aussi d’engagements et de symboles qui sont restés dans l’histoire. Tous ces combats et, en premier lieu, les luttes pour les libertés fondamentales, la démocratie, l’égalité raciale et de genre, sont au cœur de l’exposition et de son catalogue ». (Extraits du dossier presse)
1896 – 1920 : La renaissance de l’olympisme : Les jeux olympiques modernes
« Pierre de Coubertin (1863 – 1937) est à l’origine de la renaissance des Jeux Olympiques antiques et de la création du Comité International Olympique (CIO), fondé le 23 juin 1984. L’objectif du CIO est de promouvoir l’éducation physique de la jeunesse et un universalisme sportif au service de la paix. Le choix originel de l’amateurisme traduit l’élitisme d’une aristocratie à l’origine du projet et limite la participation des athlètes issus des classes populaires. » (Extrait du dossier de presse)
Les trois éditions qui suivent les premiers Jeux Olympiques Modernes d’Athènes en 1896, (Paris en 1900, St Louis aux États Unis en 1904 et Londres en 1908) sont diluées dans le programme de grandes expositions universelles ou internationales, ce qui va générer quelques confusions dans l’esprit des sportifs qui ne réalisent pas qu’ils participent à une compétition sportive.
1900: Paris Les Jeux Olympiques se déroulent dans le cadre de l’Exposition Universelle. Les organisateurs ont étalé les compétitions sur près de cinq mois, tout en minimisant le statut olympique des compétitions, à tel point que de nombreux athlètes n’ont jamais vraiment su qu’ils avaient réellement participé aux Jeux Olympiques! Ces Jeux permettent toutefois d’assister aux premières compétitions exclusivement féminines (tennis, golf, voile, croquet et sports équestres) en dépit des préventions du baron de Coubertin pour qui les femmes n’avaient pas leur place dans ces Jeux. Dans un texte datant de 1912, nommé «Les femmes aux Jeux olympiques», Pierre de Coubertin affirmait, entre autres déclarations: «impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter: incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine». Il persiste en 1928 : «Quant à la participation des femmes aux Jeux, j’y demeure hostile. C’est contre mon gré qu’elles ont été admises à un nombre grandissant d’épreuves». Puis, en 1935, il aurait ajouté que «le véritable héros olympique est, à mes yeux, l’adulte mâle individuel […]. Aux JO, [le rôle des femmes] devrait surtout [être], comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs». Le 11 juillet 1900, la joueuse de tennis britannique, Charlotte Cooper, devient la première championne olympique. Par contre, l’affiche de promotion des concours d’escrime est trompeuse car la discipline, comme bien d’autres, demeure exclusivement masculine.
Peu à peu, les comités d’organisation successifs posent les jalons d’un projet olympique universaliste qui exclut les femmes puis limite leur participation à certaines épreuves. Une rameuse et nageuse française, Alice Milliat (1888-1957), pionnière du sport féminin de haut niveau, « infatigable militante de l’égalité dans le sport » va lutter contre cette discrimination pour imposer les premières olympiades féminines en 1922. Présidente du club Fémina sport en 1915, elle est présidente et cofondatrice de la Fédération des sociétés féminines et sportives de France en 1919, puis fondatrice et présidente de la Fédération sportive féminine internationale en 1921. Elle milite pour la participation des femmes aux Jeux olympiques. « Devant le refus du CIO, présidé par le baron Pierre de Coubertin, elle décide d’organiser des compétitions féminines, nationales puis internationales ». En 1922, la première édition des Jeux mondiaux féminins a lieu à Paris, deux ans avant les Jeux olympiques de Paris. Quatre éditions auront lieu entre 1922 et 1934, puis ces Jeux olympiques sont passés à la trappe… Oubliés dans l’histoire… Ou presque… Ces premières olympiades n’ont d’ailleurs pas de numéro. « Le sport féminin a sa place dans la vie sociale au même titre que le sport masculin. Il devrait même passer au premier plan des préoccupations du gouvernement ; je n’exagère pas ». En prononçant ces mots en 1917, Alice Milliat était clairement en avance sur son temps. Au début du XXe siècle, elle a activement milité au niveau national et international pour que les femmes exercent tous les sports. Si aujourd’hui, chacune dans leur discipline, des championnes peuvent prétendre participer au JO 2024, c’est en grande partie grâce à Alice Milliat :
En 1928, la participation des femmes atteignait près de 10%. La liste des compétitions où les femmes ont été admises n’a cessé de s’accroître, jusqu’aux Jeux de Rio (au golf, sport réintroduit, et au rugby). Maintenant, «le principe de l’égalité des sexes est inscrit dans la Charte olympique, laquelle impose au CIO d’encourager et de soutenir la promotion des femmes dans le sport à tous les niveaux”», peut-on lire sur le site du Comité International Olympique.
Les jeux deSaint-Louis aux Etats-Unisen 1904: Ces jeux sont le premier exemple manifeste du caractère politique, raciste, esclavagiste de la gouvernance d’un pays, que l’on retrouvera dans bien d’autres Jeux Olympiques, avec les réactions d’athlètes et leurs prises de position au cours du déroulement des jeux. À Saint-Louis, les organisateurs reproduisent la même erreur que pour les Jeux de Paris en associant les Jeux à l’Exposition Universelle qui célèbre le centenaire de l’achat de la Louisiane par les États-Unis. Au cours de cette exposition, sont organisées des « journées anthropologiques » qui visent à démontrer la supériorité de la « race blanche » sur les prétendus « peuples sauvages ». Sans entrainement, pour des épreuves dont ils ignorent les règles, les « Indigènes » exhibés dans le cadre de l’Exposition Universelle établissent de faibles performances. Le jeune Pygmée Mbuti Ota Benga, kidnappé en 1904 au Congo, est l’un d’eux. Il est à nouveau exhibé au zoo de New York aux Jeux intercalaires de 1906 (organisés par la Grèce pour célébrer les 10 ans de la rénovation des Jeux olympiques). Il se suicide en 1916, ayant perdu tout espoir de retour chez lui.
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale provoque l’annulation des jeux de 1916 prévus à Berlin. Le rêve de Pierre de Coubertin d’une compétition capable de dépasser les conflits semble alors s’effondrer.
1920-1945: le temps des nationalismes
Le bilan tragique de la Grande Guerre encourage le CIO à poursuivre son œuvre pacifiste. Les symboles olympiques vont faire leur apparition à ce moment-là. En 1920, à Anvers, l’introduction du drapeau et du serment olympiques symbolise la concorde des nations (néanmoins, tous les vaincus de la guerre en sont exclus). Les jeux d’Amsterdam (1928) voient, pour la première fois, l’allumage de la flamme olympique.
« Les JO et les symboles olympiques le drapeau, le serment, le salut » Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024, avec deux des commissaires de l’exposition, les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:
À Paris en 1924 et Amsterdam en 1928, l’Allemagne sera absente. Les jeux sont le théâtre d’exploits sportifs réalisés par des athlètes de tous horizons, notamment issus des «minorités» ou des empires coloniaux. L’avènement des premières stars médiatiques ébranle le principe de l’amateurisme toujours fermement défendu par le CIO. En 1932, en pleine crise économique, les Jeux de Los Angeles sont marqués par les victoires des athlètes italiens érigés en ambassadeurs du régime fasciste. Quatre ans plus tard, la politisation de l’événement franchit un cap lors des Jeux de Berlin, au service de la propagande nazie. Malgré l’exclusion des athlètes juifs allemands au mépris des valeurs fondamentales de l’olympisme, l’organisation et la modernité affichée des Jeux de Berlin apparaissent comme autant de succès pour Adolf Hitler. La Seconde Guerre mondiale empêche la tenue des éditions de 1940 et 1944. Anvers 1920 : Les Jeux olympiques de 1916 sont annulés en raison de la Première Guerre mondiale et, après l’armistice de 1918, ceux de 1920 sont attribués à la ville flamande le 5 avril 1919 en hommage à la souffrance et à la bravoure des Belges pendant la guerre. Vaincus et considérés comme responsables de la guerre, les Empires centraux et leurs successeurs (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Empire ottoman et Hongrie) ne sont pas invités aux Jeux. La participation atteint tout de même un record de 29 nations et 2 626 athlètes (dont 65 femmes). Six délégations font leurs débuts aux Jeux olympiques : le Brésil, l’Estonie, Monaco, la Nouvelle-Zélande, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie.
« LesJ-O d’Anvers » Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024, avec deux des commissaires de l’exposition, les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:
Paris 1924 : Les athlètes sont hébergés dans le premier village olympique de l’histoire des jeux.
« PARIS 1924 » Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024, avec deux des commissaires de l’exposition, les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:
Il est important de noter que c’est la ville de Berlin qui avait été choisie pour les Jeux Olympiques de 1924. La guerre en a décidé autrement et, malgré l’avis du Président du CIO, le baron de Coubertin, qui voulait faire des Jeux un lieu de la réconciliation franco-allemande, c’est Paris qui a été choisie. En 1928, les Jeux se déroulent à Amsterdam et, comme nous l’avons évoqué, c’est dans cette ville que la flamme olympique sera allumée pour la première fois. En 1931, Berlin se voit attribuer l’organisation des Jeux olympiques de 1936. L’Allemagne est alors gouvernée par la République de Weimar, nom donné par les historiens au régime politique en place depuis 1918. En janvier 1933, changement de régime: Adolf Hitler est nommé chancelier du Reich et il reçoit les pleins pouvoirs en mars de la même année, instaurant une dictature totalitaire, impérialiste, antisémite, raciste…
« Les Jeux olympiques de Berlin, 1936. Qu’en pensait P. de Coubertin ? » Extraits de l’émission « Secrets d’histoire » . France Inter 1er juillet 2024, avec deux des commissaires de l’exposition, les historien.nes Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire:«
1948-1990 Des athlètes au coeur de l’Histoire
(Pas de jeux olympiques en 1940 et 1944 pendant la seconde guerre mondiale). Bien des péripéties et conflits géopolitiques et géostratégiques ont ébranlé l’organisation des 30 Olympiades d’été successives. Et si l’apolitisme fut l’un des principes de base des JO, les conflits (mondiaux à deux reprises), les gouvernements autoritaires ou dictatoriaux, les régimes racistes et d’apartheid de certaines nations, ont fait surgir des mouvements spectaculaires de rejet jusqu’à la fin du XXe siècle, qu’ils viennent du Comité Olympique international et, le plus souvent, des nations elles-mêmes. L’esprit de compétition de l’olympisme sera assez vite envahi par les sentiments nationalistes et idéologiques portés par les États, et chaque Olympiade aura ses figures marquantes. Tout au long du parcours, « Olympisme une histoire du monde » convoque des images mémorables, des archives exceptionnelles et des portraits d’athlètes aux destins incroyables. Après avoir évoqué Jesse Owens qui, lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936, remporte quatre médailles d’or et piétine les thèses racistes du régime nazi, nous allons maintenant parcourir d’autres olympiades et vous présenter quelques unes des figures d’athlètes impliqué.es qui ont marqué certaines olympiades : – Melbourne 1956 : le 4 novembre 1956 les chars soviétiques envahissent Budapest pour mettre fin à l’insurrection hongroise et réprimer dans le sang cette révolte à la fois populaire et nationale. Quelques jours plus tard débutent les Jeux Olympiques d’été à Melbourne en Australie. Le match de water-polo opposant la Hongrie à l’URSS, apparaît alors pour les hongrois comme une revanche par le sport sur la géopolitique. La rencontre va se terminer par une bagarre générale dans une piscine rougie par le sang! – Mexico 1968 : à l’issue du 200 mètres masculin, dans un geste spectaculaire, poing levé ganté de noir, tête baissée, Tommy Smith et John Carlos, médaillés d’or et de bronze, montreront au monde entier leur colère et leur rébellion contre l’injustice raciale des USA.
– Munich 1972 : la politique internationale s’invitera aussi tragiquement à Munich, qui voit ses Jeux ensanglantés par une prise d’otages dramatique dont furent victimes les athlètes israéliens aux mains de ravisseurs de l’Organisation de Libération de la Palestine.
Les années 50 et 60 verront l’arrivée de pays africains issus de la décolonisation. Le CIO servira ainsi de tremplin à ces mouvements de libération nationale. De la chute du mur de Berlin émergeront également des nations sorties de l’orbite soviétique qui viendront grossir les rangs des compétiteurs. Sidney mettra en valeur, pour les Jeux du millénaire, le peuple premier de la terre australienne, les Aborigènes, dont une représentante, Cathy Freeman, gagnera la médaille d’or du 400 mètres.
Barcelone 1992 verra enfin les Jeux de la détente internationale! Comment oublier le triomphe des tours de stade de Derartu Tulu et Elana Meyer à Barcelone en 1992, symboles fort de fraternité ? A l’échelle de la France, on retiendra Laura Flessel et Marie-Josée Pérec.
L’olympisme, heureusement, ne vivra pas que des drames et des tensions. Il offrira de superbes et fréquents moments d’union et de paix entre les peuples, conformément à sa vocation. Rome en 1960, loin du second conflit mondial, réintégrera opportunément les femmes dans les compétitions, disparues depuis les Jeux d’Amsterdam, et introduira les premiers Jeux Paralympiques après plus de soixante ans d’ignorance. En 2024 à Paris les Jeux Olympiques et Paralympiques sont rassemblés sous les mêmes emblèmes. Le modèle olympique devient alors une voie d’affirmation sociale pour les personnes en situation de handicap. Conformément aux termes du chapitre 1 de la Charte olympique.
Une exposition dédiée est organisée au Panthéon jusqu’en septembre: » Histoires paralympiques: de l’intégration sportive à l’inclusion sociale »
QUEL FUTUR POUR LES JEUX ?
L’exposition « Olympisme, une histoire du monde » dépasse le temps présent. Comment penser des Jeux plus démocratiques ? Plus ouverts ? Plus respectueux de l’environnement ? Par exemple, c’est dans le cadre des JO à Londres en 2012 que se posent les premières questions d’éco-responsabilité pour continuer à faire face aux défis environnementaux. L’exposition et son catalogue traitent aussi de la démesure des Jeux que ce soit à Athènes en 2004 après la crise financière ou en 2014 à Sotchi en Russie et abordent aussi la question de la politisation des Jeux Olympiques par des régimes non-démocratiques, de Mexico en 1968 jusqu’à Pékin en 2008. « S’attacher aux Jeux Olympiques et leur histoire, c’est découvrir que les stades sont des arènes où se jouent, sous les yeux du monde entier, le futur de nos sociétés. À travers l’exposition, sa programmation et ses ateliers de médiation, le public est invité à questionner et imaginer le futur des jeux : intégration de nouveaux sports, redéfinition des catégories d’athlètes, nouvelles infrastructures éco-responsables… » (Extrait du dossier de presse) Et, pour clore cet article, l’affiche des Jeux de Paris 2024 qui a été fortement décriée … 🙂
Nous vous invitons à écouter l’émission « DÉBAT DU JOUR » sur RFI ( Radio France Internationale), animée par Adrien DELGRANGE « Sport: Parité n’est pas égalité »:
LE MUSÉE SOULAGES, qui fête ses 10 ans, propose une très étonnante exposition des oeuvres de LUCIO FONTANA ainsi que les DERNIÈRES OEUVRES de PIERRE SOULAGES,
LE MUSÉE FENAILLE nous emmène découvrir des STÈLES ETHIOPIENNES.
Le Musée Soulages: un musée en constante effervescence!
Comme toujours au Musée Soulages, les expositions temporaires sont lumineuses et envoutantes! LUCIO FONTANA est très peu connu du grand public français, et c’est vraiment dommage…. Rodez est la seule ville en France, (hors de Parisen 1987 et 2014), à offrir au public une rétrospective de ce peintre et sculpteur essentiel et d’une immense influence sur ses contemporains. L’exposition propose un voyage dans l’ensemble de l’œuvre de Fontana, avant et après la Seconde Guerre mondiale, en Argentine, où il est né en 1899, et en Italie, où il s’installe définitivement à partir de 1947 : peintures, papiers, sculptures, céramiques et installations lumineuses et spatiales. Le public découvrira, au-delà des « concepts spatiaux » avec les « attentes » et les « trous », une production surprenante et radicale d’un artiste figuratif et informel, un homme classique et futuriste, représentatif du « spatialisme », mouvement créé par plusieurs artistes italiens vers 1948.
« L’exposition Lucio Fontana: « Il y a bien eu un futur – Un Futuro c’è stato » est née d’une conversation en 2020 avec Pierre Soulages : nous avions comparé les œuvres de ces artistes bien différents et pour autant liés par un rapport poignant, étroit, entre le temps et l’espace. Pierre Soulages a rencontré Lucio Fontana dont il admirait la singularité. Aux côtés de Joan Miró, Fernand Léger, Yves Klein, Lucio Fontana est un artiste, plus sculpteur que peintre sans doute, que Soulages voyait bien un jour exposé dans son musée. Un idéaliste. » ( Extrait du dossier de Presse)
« Soulages aimait l’œuvre de Fontana pour de bonnes raisons : d’abord parce qu’il le considérait comme un artiste primordial du XXe siècle, un polyinstrumentiste. Fontana, une figure de l’avant-garde, eut sa bonne étoile française : Paris n’est pas si éloigné de Milan… Ensuite parce que Soulages trouvait chez son aîné – 20 ans de différence d’âge – un intérêt conséquent et suivi pour le temps et l’espace, deux fondements qui le passionnaient. Le fondateur du spatialisme, mouvement échafaudé par plusieurs artistes italiens autour de 1948 et dont Lucio Fontana, le fer de lance, fut le plus pugnace et représentatif, ne pouvait que plaire à Pierre Soulages, qui arrivait à Paris en 1946 et qui exposait pour la première fois au Salon des surindépendants en 1947. » Benoît Decron, directeur du musée Soulages.
Sorti.es de l’exposition Lucio Fontana, vous vous retrouvez immergé.es dans les oeuvres de PIERRE SOULAGES… Une petite exposition de photos du peintre vous accueille et les différentes visites guidées transforment le lieu en une joyeuse ruche où des enfants, des ados, des adultes écoutent et questionnent les guides passionné.es !
Laissez vous emporter …Comme l’aurait voulu le peintre:
Depuis quelques mois, certaines des dernières oeuvres de Pierre Soulages sont exposées au musée:
Bel hommage aussi rendu par la plasticienne Jeanne Vicerial:
Le musée Fenaille, un lieu exceptionnel !
Au coeur d’un ancien hôtel particulier, le musée Fenaille possède la plus importante collection de statues-menhirs d’Europe, chères à Pierre Soulages, exposées en permanence, à côté d’oeuvres du Moyen-Age et de la Renaissance.
L’exposition temporaire « ÉTHIOPIE, LA VALLÉE DES STÈLES » nous fera découvrir les différents sites archéologiques de la vallée du Rift, au sud de l’Éthiopie, où ont été identifiées des milliers de stèles phalliques ou anthropomorphes. Depuis près d’un siècle, plusieurs générations de chercheurs tentent de percer les secrets de ces mystérieux mégalithes. A la faveur d’une nouvelle mission archéologique française dans la région, le musée Fenaille présente pour la première fois une synthèse de ces travaux autour d’une sélection unique de stèles provenant du site de Tuto Fela. À travers sept salles, vous cheminerez auprès des chercheurs qui, depuis des générations, travaillent sur l’histoire et la signification de ces mégalithes. Près d’une dizaine de monolithes provenant du site de Tuto Fela sont présentés pour la première fois en France. Cette sélection est complétée par un large choix de sculptures, objets, photographies et archives de fouilles provenant de collections publiques françaises et allemandes. Cet ensemble restitue le contexte culturel et politique de ces grandes missions archéologiques dans l’Éthiopie impériale comme l’aventure scientifique liée à la découverte de ces milliers de stèles.
La visite de cette très dense exposition se poursuit par la projection dans le grand auditorium du film: « Éthiopie, le mystère des mégalithes » d’Alain Tixier.
Musée SOULAGES : Avenue Victor Hugo – Jardins du Foirail Musée FENAILLE : 14 place Eugène Raynaldy Juillet et Août: tous les jours de 10h à 18h.
Centre d’interprétation, plutôt que musée, la Cité du Vitrail de Troyes, dans l’Aube, mérite d’être le but de votre prochaine escapade, où que vous soyez en France!
Ouverte en décembre 2022, la Cité rend hommage aux arts du vitrail, religieux ET laïcs, à travers un parcours sur quatre niveaux, abordant les techniques artisanales spécifiques et la chronologie historique, ainsi qu’un pôle de recherche, une salle de projection et un lieu d’expositions temporaires.
ÉPOUSTOUFLANT !
C’est bien le mot qui nous vient au sortir de cette visite, tant l’intelligence de la mise en espace et la beauté des oeuvres présentées s’allient pour vous couper le souffle. Dès l’accueil, l’immersion dans le vitrail débute avec une création contemporaine : un lustre monumental installé au centre de l’escalier. Imaginé par Alain Vinum, maître verrier troyen, ce lustre se compose de 24 manchons de verre. Il s’agit de bouteilles en verre soufflées à la bouche par la verrerie de Saint-Just® (Loire) tout spécialement pour cette création. Détournés de leur fonction première, les manchons suspendus, deux par deux sur des filins, sont mis en lumière pour révéler leurs quatre teintes chaudes et opalescentes (2 jaunes, 1 brun et 1 rouge-orangé). (Les établissements liégeois Goosse lustrerie ont procédé à l’installation du lustre, manchon par manchon, en octobre 2022.)
Avant de vous emmener visiter la Cité du Vitrail, écoutons Fanny Portier – chargée de communication et du numérique – nous conter sa création:
Empruntons l’escalier majestueux qui tourne autour du lustre pour nous rendre au 5e niveau. Le parcours de l’exposition permanente propose une visite chrono-thématique présentant plus de 60 verrières et chefs-d’œuvre de l’art du vitrail, à la fois anciens et contemporains.
À ce niveau, nous allons découvrir les grandes étapes de la création d’un vitrail, depuis la commande jusqu’à la pose. On admirera d’abord la reconstitution de l’atelier d’un Maître Verrier (avec une discrète bande son des bruits familiers : verres qui s’entrechoquent, crissements de la découpe, martellements…). Des bornes interactives présentent de courts films sur la fabrication et la rénovation, et on peut également manipuler des outils… Deux fils rouges à cette première étape: la rose de la cathédrale de Sens et le vitrail du millénaire de la cathédrale de Strasbourg.
À partir de là, s’ensuit un parcours chronologique du IVe siècle jusqu’à nos jours.
Au niveau 3, la Galerie des Vitraux, baignée de lumière naturelle, offre au visiteur la diversité de 26 vitraux présentés, dont de très grands formats (jusqu’à 5 mètres de haut), qui transmettent toute la richesse et le foisonnement de cet art qui traverse les siècles en se renouvelant continuellement.
On y trouve quelques oeuvres étonnantes:
« La verrière de la céramique » :
Lors de son édification pour l’exposition universelle de 1878, quatorze baies du palais du Trocadéro furent pourvues de vitraux représentant l’histoire des arts de l’industrie.
« L’ange » de Lalique :
À Reims, Une église dédiée à saint Nicaise est construite au milieu des maisons ouvrières et sa décoration est confiée à des artistes de renommée internationale. René Lalique, reçoit la commande du cycle de vitraux. Il développe une technique novatrice : le verre pressé-moulé. Le verre est coulé dans un moule préalablement sculpté et passé sous une presse qui permet d’imprimer le motif dans l’épaisseur de la matière. La forme et les nuances de couleurs de cet ange agenouillé résultent donc uniquement des différences d’épaisseur du verre. Le contraste entre l’ange et le fond est accentué par un traitement dépoli du verre sur les parties en creux, faisant ressortir la transparence du vêtement ou le moelleux des plumes de l’aile qui retombent sur la jambe.
« La vitesse » de Jacques Simon
Vitrail destiné au pavillon de l’Automobile-club Champagne-Ardenne-Argonne édifié en 1928 à Reims par l’architecte Jacques Rapin, à l’occasion de l’exposition des Meilleures Marques.
« Madonna and child » K. Viley
K. Wiley puise de nouveau son inspiration dans des œuvres traditionnelles occidentales (ici du XIXe siècle) en l’adaptant avec des modèles tout à fait contemporains, noirs et urbains.
En quittant la Galerie des Vitraux, nous rejoignons une petite salle sombre, La Salle du Trésor, où se trouve « La transfiguration du Christ » exposée sous verre et légèrement inclinée.
« Le chef-d’œuvre de la collection de la Cité du Vitrail Représentant la Transfiguration du Christ entouré de deux apôtres, un vitrail troyen daté de la fin du XIIe siècle, disparu depuis le début du XXe siècle, est exposé pour la première fois dans une salle qui lui sera entièrement consacrée. Authentique panneau de vitrail du XIIe siècle, il fut créé pour la cathédrale romane de Troyes ou pour la collégiale Saint-Étienne, fondée par Henri Ier le Libéral, comte de Champagne. Réapparu de façon fortuite lors d’une vente publique, il a été acquis par le Conseil départemental de l’Aube en novembre 2018. Il est actuellement en cours d’étude et vient d’être restauré par la Manufacture Vincent-Petit (Troyes). Sa rareté en fait un véritable trésor pour la Cité du Vitrail et son acquisition traduit la politique patrimoniale et de restauration engagée par le Département. » (Extrait du Dossier de Presse)
Notre parcours se conclut par la Chapelle de l’Hôtel-Dieu-Lecomte où se trouve la Cité du Vitrail. À partir du 22 juin et jusqu’au 5 janvier 2025, s’y tiendra une exposition: « Notre Dame de Paris : la querelle des vitraux (1935-1965) qui évoquera le projet porté par douze maîtres verriers d’orner la nef de Notre-Dame de Paris de vitraux contemporains de cette époque…
Pour vous plonger dans l’univers des vitraux du Moyen-Age, voici un très beau roman historique: « Le passeur de lumière » de Bernard Tirtiaux.
La CITÉ DU VITRAIL 31 QUAI DES COMTES DE CHAMPAGNE À TROYES (Aube) cite.vitrail.fr
Sacrilège ! L’État, les religions & le sacré Archives Nationales à Paris.
« Pourquoi les rois de France poursuivaient-ils le blasphème au même titre que le crime de lèse-majesté? Comment l’État, monarchique ou républicain, compose-t-il avec le pouvoir religieux ? Même laïc, l’État peut-il se passer de toute forme de sacré ? Autant de questions au cœur de l’exposition « Sacrilège ! L’État, les religions et le sacré ». Du Moyen Âge à nos jours, c’est ainsi une grande fresque historique sur le sacrilège que nous sommes invité.es à découvrir, confrontant le texte et l’image. Une occasion unique de s’attarder sur les fondements politiques et religieux du blasphème, mais aussi les effets de la liberté d’expression ainsi que sa remise en cause, à travers un riche parcours dans le temps. Dans une ambiance solennelle – qui n’est pas sans rappeler celle d’un lieu de culte ! – l’exposition déroule son itinéraire chronologique, faisant le récit de ces liens complexes et tumultueux entre le pouvoir et la religion, à travers plus d’une centaine d’œuvres et de documents d’archives inédits, de vêtements d’époque, de films… De Socrate (399 av. J.-C.) au Chevalier de La Barre (1766), de l’attentat de Damiens contre Louis XV (1757) à l’affaire du « Casse-toi, pov’ con ! », les commissaires de l’exposition ont eu à cœur de rendre au sacrilège et au blasphème leur dimension politique. L’exposition « Sacrilège ! » replace ces événements tragiques dans le temps long de l’histoire. « Une histoire aussi longue que celle du religieux et du fait politique, remarquent les commissaires qui reprennent à leur compte la définition très large du sacrilège posée par Émile Durkheim : « Toute atteinte à ce qui est considéré comme sacré par une société à un moment donné, et est donc protégé par des interdits ». (Émile Durkeim (1858 – 1917, sociologue français considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie moderne) Matérialiste, individualiste, laïque, notre époque laisse-t-elle une place au sacré ? Les notions de sacrilège, de blasphème ont-elles encore un sens dans nos esprits modernes ? Par un subtil jeu de miroirs, l’exposition bouscule les frontières entre le spirituel et le temporel, le religieux et le laïc, le sacré et le profane. » (Extraits du dossier de presse)
L’INVENTION D’UN INTERDIT La première partie de l’exposition propose une analyse historique et sociologique de la notion de sacrilège dont le sens varie selon la place que chaque société attribue au sacré. Quel est le point commun entre Socrate, Damiens, le Chevalier de La Barre et Samuel Paty ? Avoir été accusé de « sacrilège » et mis à mort pour cela. De l’Athènes du IVe siècle avant notre ère à la France du XXIe siècle en passant par la monarchie absolue, le sens donné au mot « sacrilège » a évidemment varié : mise en péril de la cohésion de la cité, blasphème contre Dieu, atteinte au roi. « Toute société, même républicaine et laïque, a besoin de sacralité et enfreindre ce que le pouvoir, la société, voire des individus auto-proclamés justiciers considèrent comme sacré est périlleux. » (Propos tenus par les commissaires de l’exposition Amable Sablon du Corail et Jacques de Saint-Victor).
Découpé en trois parties, le parcours s’ouvre par le procès de Socrate, condamné en 399 avant J.-C. à boire la cigüe pour « ne pas reconnaître les dieux que reconnaît la cité ».
« À partir du XIIIe siècle, les rois de France intensifient la répression contre les blasphémateurs, notamment Louis IX (Saint Louis, r. 1226-1270). Car lutter contre le sacrilège, c’est rappeler que le souverain tient son pouvoir de Dieu! Offenser Dieu, c’est offenser le roi ; offenser le roi, c’est rejeter l’ordre politique voulu par Dieu… Un glissement s’opère ainsi, de l’offense faite à Dieu à la lèse-majesté royale, et du spirituel au temporel. Le pouvoir royal peut ainsi prendre son autonomie par rapport à l’Église et au pape. Peut alors se développer une véritable « religion royale ». (Extrait dossier de presse) » L’État récupèrera la notion de sacré pour étendre son pouvoir en réprimant la contestation par le crime de “lèse-majesté”. C’est ainsi que Philippe le Bel multipliera les procès politiques, aussi spectaculaires qu’arbitraires, contre ses adversaires dont le fameux procès des Templiers entre 1307 et 1314, représenté par la pièce maîtresse de ce procès : un rouleau de 53 mètres sur lequel sont consignés les interrogatoires de 138 templiers par l’inquisiteur du royaume de France.
« Cet usage politique de la notion de sacré se poursuit tout au long du Moyen-âge et de la Renaissance, et prend une tournure particulière lorsque sont commis les premiers régicides : le meurtre d’Henri III puis d’Henri IV au cours des guerres de Religion. La Réforme protestante, à partir de 1517, change la donne : le blasphème ordinaire peut devenir hérétique, remettant en cause le dogme catholique et le pouvoir royal. Après Martin Luther, ce sont les thèses de Jean Calvin qui se diffusent en France et gagnent en une génération une part notable des élites bourgeoises et nobiliaires. Les enjeux changent. En 1534, des affiches violemment anticatholiques sont placardées dans plusieurs villes, et jusque sur la porte de la chambre du roi. La répression royale se durcit alors, sans grand succès. Les guerres de Religion éclatent en 1562 et vont ensanglanter le royaume jusqu’à la fin du siècle. » (Extraits dossier de presse)
Le Chevalier de La Barre sera le dernier condamné à mort pour sacrilège (1er juillet 1766). Le développement de la Réforme protestante s’accompagne de l’essor d’un humanisme favorable à la tolérance religieuse et aux débuts de l’expression d’une pluralité politique remettant en cause la sacralité du pouvoir. Le siècle des Lumières se trouve confronté à ce qui est de plus en plus perçu comme un archaïsme, à l’image de l’exécution du chevalier De La Barre en 1766, coupable de ne pas avoir enlevé son chapeau au passage de Louis XV. Cet événement choque notamment Montesquieu. La Révolution française mettra fin à ce sacré royal, en supprimant les crimes de blasphème et lèse-majesté, et en imposant la constitution civile du clergé aux prêtres catholiques.
LA POLITIQUE ET LE SACRÉ : DE LA LÈSE-MAJESTÉ À L’OFFENSE AU CHEF DE L’ÉTAT « En créant un délit vague, non défini, vous livrez les citoyens à l’arbitraire du parquet et du juge. Est-ce là ce que vous oserez appeler une loi de liberté, une loi républicaine ? » Georges Clemenceau, à propos du délit d’offense au président de la République, 21 juillet 1881
La deuxième partie de l’exposition s’attache à montrer de quelle manière le pouvoir fabrique du sacré pour se perpétuer et légitimer son action. Le sacrilège devient dès lors un crime essentiellement politique.
La « religion royale », ébranlée par la Réforme et les guerres de Religion (1562-1598), est éradiquée par la Révolution française. Mais celle-ci lui cherche des substituts : on poursuit les coupables de« lèse-nation » ou ceux qui « blasphèment la Constitution ». Pour avoir, le 5 janvier 1757, attaqué au couteau Louis XV (qui ne sera que légèrement blessé), Robert-François Damiens, un marginal dont les motivations et les intentions restent obscures, mais à qui on attribue le fait d’être janséniste est ainsi condamné à être écartelé. Il sera exécuté le 28 mars de la même année sur la place de Grève à Paris. « Les sentiments de religion dont nous sommes pénétrés et les mouvements de notre cœur nous portaient à la clémence, mais nos peuples, à qui notre vie n’appartient pas moins qu’à nous-même, réclament de notre justice les vengeances d’un attentat commis contre des jours que nous ne désirons conserver que pour leur bonheur. » Louis XV Robert-François Damiens sera la dernière personne, en France, à subir ce supplice réservé au régicide sous l’Ancien Régime. L’exposition rend compte de cet épisode avec différentes pièces inédites, parmi lesquelles la redingote du régicide – restaurée pour l’occasion – et un « sac de procédures » d’époque renfermant les pièces du procès, ainsi qu’un tableau « le Typus religionis », commandé par les jésuites, saisi en 1762 dans l’ancien collège de Billom (Puy-de-Dôme) pour servir de pièce à conviction au procès intenté à la Compagnie de Jésus.
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LA SACRALITÉ DU POUVOIR La Révolution, anticléricale et parfois violemment antichrétienne, se déroule en un temps encore imprégné de religiosité. Plus immédiatement, le nouveau régime doit bâtir un nouveau sacré pour légitimer l’autorité du peuple souverain. Celui-ci se construit d’abord sur la destruction des symboles de l’ancienne monarchie. Les dépouilles des rois de France sont exhumées et profanées à Saint-Denis, quelques mois après l’exécution de Louis XVI (1793). Pourtant, alors que le premier Code pénal de 1791 avait aboli les crimes de sacrilège ou de blasphème, on poursuit ceux qui se rendent coupables de « lèse-nation » (dès le 23 juillet 1789) ou qui « blasphèment la Constitution ». Un martyrologe républicain est constitué, où se côtoient Marat, Le Peletier de Saint-Fargeau et le hussard Bara, tué à 14 ans par les insurgés vendéens. À la religion royale se substituent diverses religions civiques, plus ou moins convaincantes! Ainsi, le 8 juin 1794, « la fête de l’Être suprême » rassemble les foules sur le Champ-de-Mars, à Paris. Les citoyens y observent Robespierre brûler le monstre de l’athéisme, qui, parti en fumée, laisse apparaître une statue de la Sagesse. Celui-ci y déclare : « Français, vous combattez les rois, vous êtes donc dignes d’honorer la Divinité. »
A l’issue des fortes tensions révolutionnaires, Napoléon Bonaparte, alors premier consul, promulgue le Concordat en 1801, dans lequel l’État salarie les représentants des cultes en reconnaissant formellement leur existence. Ce système perdure au cours du XIX ème siècle et s’applique y compris dans les colonies, comme le montrent les fiches de paie d’imams algériens dans les années 1860. L’offense au chef de l’État, un délit archaïque ? Lointaine réminiscence du crime de lèse-majesté, le délit d’offense au président de la République, instauré par l’article 26 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, est contesté avant même son adoption. Le terme d’offense, très vague, laissait en effet la porte ouverte à un usage disproportionné. Pourtant, jusqu’en 1895 seuls quatre procès sont intentés sous ce chef d’accusation, puis, de 1895 à 1940, aucun président n’y a eu recours.
Après le régime de Vichy (1940-1944), très répressif, les poursuites pour offense au chef de l’État redeviennent rarissimes sous la IVe République. Elles sont en revanche extrêmement nombreuses sous la présidence de Charles de Gaulle, dans le contexte de la guerre d’Algérie et des attentats de l’OAS. Plus près de nous, la personne qui, sur le passage de Nicolas Sarkozy, avait brandi en 2010 une pancarte « Casse-toi, pauv’con », sera la dernière à être jugée – et condamnée – pour ce délit de lèse président, avant de voir son recours pris en compte devant la Cour européenne des droits de l’homme. Dans une décision de 2023, les juges de Strasbourg condamnent la France sur le fondement de l’article 10 (droit à la liberté d’expression), signant l’arrêt de mort de cette infraction aux parfums d’ancien régime.
Le droit au blasphème et la liberté d’expression. Si le blasphème n’est pas une notion juridique, le droit de l’exercer est consacré par la loi de 1881. C’est la loi sur la liberté de la presse de 1881, votée sous la IIIe République, qui porte les derniers coups, en abolissant le délit d’outrage à la morale publique et religieuse (elle conserve seulement l’offense au chef de l’État, qui sera elle-même abolie en 2013). Journaux satiriques et caricaturistes s’en donnent alors à cœur joie.
RELIGIONS OUTRAGÉES « La critique de la religion est la condition première de toute critique. » (Karl Marx, « Contribution à la critique de la philosophie du droit, de Hegel », 1843) Renvoyer dos à dos Karl Marx (« la critique de la religion est la condition première de toute critique ») et Edgar Morin (« la liberté d’expression ne saurait exclure toute prévoyance des malentendus, incompréhensions, conséquences violentes ou criminelles qu’elle peut provoquer ») est un peu court.
« Nous avons voulu faire une exposition à la fois savante et pédagogique, montrer cette manière si particulière que la France a toujours eue, dans sa façon de traiter la question du sacré. Indéniablement, la liberté d’expression, notamment en matière religieuse, est aujourd’hui remise en question et il me semble que nous le montrons », plaide Jacques de Saint-Victor, commissaire de l’exposition. Si la France devient ensuite un des premiers pays à autoriser la critique publique des religions, l’exposition rappelle comment des textes, telle la loi Pleven de 1972, ont par la suite pu être détournés de leur objectifs initiaux par certains groupes de pression pour réintroduire le blasphème. En replaçant le sacrilège dans une perspective contemporaine, l’exposition explore les relations que l’État entretient avec les religions. La IIIème République constitue un tournant décisif pour les rapports entre l’État et le sacré par la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, qui marque la naissance juridique et symbolique de la laïcité à la française. Se déploie en outre un « sacré républicain »: par exemple la fête nationale, les hommages nationaux et l’existence d’un délit d’offense au chef de l’État créé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (puni de 45 000 euros d’amende), et qui fut abrogé en 2013. Cette sacralité républicaine reste cependant controversée, comme l’indique l’exposition. De temps à autre, des manifestations d’intégristes montrent que le sujet reste sensible : ce fut le cas en 1966 contre le film de Jacques Rivette « La Religieuse ». « Depuis 1905 et la loi « portant séparation des Églises et de l’État », la République « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Pour autant, la résurgence du religieux dans le débat public, disons après mai 1968, exerce une pression de plus en plus forte sur la libre critique des dogmes et des cultes. En 1972, la loi Pleven relative à la lutte contre le racisme institue un nouveau délit de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence, commise envers des individus « en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Autorisant les associations à poursuivre en justice des propos de « haine », cette loi permet à certains groupes de pression de tenter de réintroduire le délit de blasphème. À partir des années 1970, on remet ainsi en cause la liberté de critiquer les religions au nom du respect des croyants. En témoigne l’affaire de « La Dernière Tentation du Christ » (1988), le film de Martin Scorsese, qui a donné lieu à des incendies criminels dans plusieurs salles de cinéma. Les attentats islamistes qui se succèdent depuis une vingtaine d’années mettent encore un peu plus sous pression la liberté d’expression. Au point de laisser émerger un nouveau discours faisant l’éloge de la censure, au nom de la paix civile, dans une société de plus en plus composite ? » (Extraits du dossier de presse).
« Un État laïque peut-il vivre indépendamment de toute forme de « sacralité » ? Évidemment non, dans la mesure où le sacré n’est pas synonyme de religieux et représente les valeurs sur lesquelles une communauté repose. Mais est-il encore possible de trouver un « sacré commun » dans la société contemporaine ? À l’heure de l’hypercommunication, les groupes d’activistes multiplient les actions pouvant passer pour sacrilèges aux yeux de l’opinion, afin de la frapper et de faire valoir leur propre système de valeurs – en somme, d’imposer leur propre vision du sacré. » (Extraits du dossier de presse). À partir de 2012, une série d’attentats islamistes frappe la France. Celui perpétré contre le journal « Charlie Hebdo » le 7 janvier 2015, est revendiqué comme une réaction à la publication de caricatures jugées blasphématoires. Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, est assassiné, pour avoir montré les caricatures de « Charlie Hebdo » pendant un cours d’enseignement moral et civique.
ARCHIVES NATIONALES Hôtel de Soubise 60 rue des Francs- Bourgeois, Paris 3° Jusqu’au 1° Juillet Entrée libre.