ROBERT JULIA À CÉRET

Robert Julia : Pilar Jacomet
1° gardienne du musée de Céret.

Le Musée d’Art Moderne de Céret (Pyrénées Orientales) fait partie de ces musées où vous vous sentez apaisé.e dès l’entrée… Les choix architecturaux ont fait la part belle à la lumière, propice à la détente et à la « dégustation » des oeuvres !
À l’occasion de votre venue pour une exposition temporaire, ne manquez pas de déambuler dans l’incroyable collection d’art moderne et contemporain… Laissez-vous emporter par l’ambiance feutrée des salles, asseyez-vous dans un fauteuil devant la grande toile de Chagall, mise en valeur dans une salle juste pour elle, et n’oubliez pas l’espace « enfant » où vous vous amuserez comme eux 🙂

Façade du MAM de Céret
Salle Chagall : « Les gens du voyage ».

« Robert Julia, un regard humaniste »

Jusqu’au 5 septembre 2025, vous pourrez faire connaissance avec le photographe Robert JULIA, dont 80 tirages originaux sont présentés au Cabinet d’Arts Graphiques du musée.

Robert Julia (né en 1920 et décédé à Céret en 2003) est un artiste qui a marqué le paysage artistique catalan des années 1950 aux années 2000.
Il adopte la photographie comme expression préférée vers les années 50, après s’être essayé au dessin, et saisit des fragments typiques de la vie catalane (fêtes, paysages …)
À Céret il va capter les portraits de personnages illustres dans leurs moments quotidiens (Picasso, F.Derma, A.Eulry, Marguerite Pasotti…)

C’est l’importante donation d’Élisabeth Julia, son épouse, qui a permis l’accrochage de cette petite exposition, plus de trente ans après une première rétrospective.
On peut également retrouver quelques clichés du photographe à travers les salles d’expositions permanentes.
On peut regretter que les verres des encadrements ne soient pas anti-reflets ce qui nuit à l’appréciation du talent de l’artiste et à la prise de photos!

Robert Julia : Picasso en terrasse du grand café de Céret . 1959.
Le Cabinet Grahique….
… expo Robert Julia.
Robert Julia : « la récolte des cerises au chateau d’Aubiry à Céret »
Robert Julia : « Vaches au lac des Bouillouses »
Robert Julia : Dali et Gala à Céret 27/08/1965…
.... Suite de la journée du 27 Aout 1965 : discours et repas dans les arènes, trajet en train…
Robert Julia : Picasso à Céret, avec Pierre et Miette Brune, Paulo et Maya Picasso. 1953
Vitrine : F.Derma, A.Eulry, , S.Bonnecase, G.Sabatini…
Robert Julia : Jean Capedeville devant l’une de ses oeuvres. 1970

Musée d’Art Moderne de Céret :
8 bd Maréchal Joffre 66400 CERET.
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18 h

Le 8 mars 2025 dans les musées…


La Journée internationale du droit des femmes
(selon l’appellation officielle de l’ONU)
est célébrée le 8 mars.
C’est une journée internationale qui met en avant la lutte pour les droits des femmes et pour la fin des inégalités hommes-femmes dans tous les secteurs :
emplois, salaires, culture, vie familiale, santé, sexualité…


Copenhague 27 août 1910, II° Conférence Internationale des Femmes Socialistes.
La militante Clara Zetkin fait adopter l’instauration d’une journée des femmes :

  • À Montpellier, le musée Fabre propose une visite spéciale le 8 mars à 15h :
    «  Les femmes à l’honneur ».
  • Le musée Bourdelle à Paris, invite le public à venir passer une nuit à l’atelier.

    Artistes, élèves, modèles, praticiennes, les femmes occupent une place cruciale dans la vie et l’œuvre de Bourdelle. 
  • Le Musée des Arts et Métiers à Paris interroge : « Où sont les femmes ? ».
  • À Banyuls sur Mer le très beau musée Maillol expose « Nadia Léger, une femme d’avant-garde ».
« Nadia Léger, une femme d’avant garde »

« Nadia Léger. Une femme d’avant-garde » retrace le parcours largement méconnu de cette femme d’exception, tout à la fois peintre prolifique, éditrice de revue, collaboratrice de son époux Fernand Léger, résistante, bâtisseuse de musées et fervente militante communiste. 

LA SCULPTURE ET LA PEINTURE S’EN MÊLE

Amedeo Modigliani: « Cariatide » .
Affiche de l’exposition.

MODIGLIANI et ZADKINE : UNE AMITIÉ INTERROMPUE

Jusqu’au 30 mars le musée Zadkine à Paris présente une exposition exceptionnelle pour renouer les liens distendus par la guerre puis rompus, irrémédiablement, par la mort, entre deux artistes majeurs : Ossip Zadkine et Amédéo Modigliani.

Cette exposition est la première à s’intéresser à une amitié artistique et créative jamais explorée jusqu’alors : celle qui unit le sculpteur Ossip Zadkine au peintre Amedeo Modigliani, deux précurseurs de l’avant-garde du début du XXe siècle.
L’exposition mélange judicieusement 90 œuvres des deux artistes montrant leurs points de convergence et leurs différences. Elle nous plonge dans le Montparnasse des années 1920 avec Soutine, Max Jacob (L’Art d’Être Curieux du 15/09/2024) et Chana Orloff (L’Art d’Être Curieux 10/12/2023).

Extérieur du musée Zadkine….
.. Et une salle .
Ossip Zadkine
Amadeo Modigliani

Amedeo Modigliani (1884, Italie – 1920, Paris) se forme très jeune à la peinture en Italie où il suit les cours de l’Académie des Beaux-Arts. En 1906, il décide de venir Paris alors capitale européenne des avant-gardes artistiques. Il s’installe à Montmartre, dans un atelier rue Caulaincourt puis, au gré de ses infortunes financières, il trouvera divers hébergements. Il va fréquenter le musée d’ethnographie du Trocadéro où il découvre les « arts primitifs » en particulier l’ « art nègre ». Il rencontre Brancusi en 1909 et s’inspire de ses œuvres.

Ossip Zadkine (1888, Biélorussie – 1967, Paris) de 1907 à 1909, il s’installe à Londres pour étudier l’anglais. Parallèlement, il prends des cours de sculpture sur bois, puis il étudie la sculpture classique au British Muséum.
En 1909, il arrive à Paris pour étudier aux Beaux-Arts. Il travaille à la cité d’artistes « La Ruche » où il rencontre, entre autres artistes, Brancusi, Picasso, Survage… Et, quelque années plus tard, Amadeo Modigliani.

« Les deux artistes se rencontrent à Montparnasse, en 1913. À cette époque, Modigliani s’adonne pleinement à la sculpture, depuis sa rencontre avec Brancusi en 1909. La parenté de leur quête artistique ne peut que les rapprocher. Si leurs influences se croisent, chacun va forger son propre univers : Modigliani avec ses portraits aux expressivités fulgurantes, Zadkine avec une maîtrise subtile des matériaux. » Extrait du Dossier de Presse.
S’ensuivront deux années d’une amitié féconde. Dans ses mémoires, Zadkine décrit son ami comme « Un authentique bourgeon montparnassien qui n’a pas duré longtemps ».

  • Modigliani / Zadkine : des débuts à Paris sous le signe de la sculpture
    L’exposition débute en présentant côte-à-côte une sélection d’œuvres de Modigliani et Zadkine réalisées entre leurs arrivées respectives à Paris et les débuts de la Première Guerre mondiale. Tous deux veulent rompre avec l’esthétique académique et se tournent vers de nouveaux modèles, puisés dans l’Égypte ancienne, les arts khmers ou africains.
    Modigliani cherche un type de visage idéal, à l’ovale accusé et aux yeux en amande dont Zadkine se souviendra encore dans les années 1920, lorsqu’il sculptera à son tour une magnifique série de têtes idéales. 
Une salle de l’exposition.

Au rythme du parcours des salles d’exposition, des portraits de femmes par Modigliani et en regard, des sculptures de Zadkine.

À gauche: Zadkine: « Une tête héroïque »
À droite: Modigliani: « Tête de femme »
À gauche: « Modigliani: « Femme au ruban de velours »
À droite: Zadkine « Tête de femme »

Le parallèle est frappant, surtout dans le traitement de ces orbites mystérieusement vides ou pleines, sans pupilles, comme des fenêtres ouvertes sur l’infini !


D’Amedeo Modigliani, des études de têtes au crayon noir gras, pour de futures sculptures:

Tête de profil avec chignon et boucle d’oreille
(entre 1911 et 1913)
Étude de tête de face avec un collier (1911 – 1914)
  • La rupture amicale est consommée, amplifiée par l’impact de la guerre 

La Première Guerre mondiale va bouleverser les liens d’amitiés et éloigner les deux amis.
Trop fragile pour s’engager, Modigliani est réformé en 1914.
Parallèlement, Zadkine s’engage dans la Légion Étrangère : affecté à l’ambulance russe en 1915 comme brancardier, il est gazé en 1916, puis définitivement réformé en octobre 1917.
De son côté, Modigliani renonce définitivement à la sculpture, deux raisons sont invoquées : les matériaux qui affectent sa santé et ses sculptures qui ne se vendent pas.
Il va alors ne faire que de la peinture et céder à ce que Zadkine appellera plus tard dans ses mémoires « la dame spéculation« .
Ses portraits montrent plusieurs traits hérités de sa période sculpturale : style sévère, visage ovale sur un long cou, larges orbites en amande, des yeux sans pupille, nez droit, bouche pincée : 

1915. Béatrice Hastings présentée à Modigliani par Max Jacob en 1914
« La Bourguignonne » 1918
Tête de femme…
.. Et portrait de femme.

La représentation des femmes par Ossip Zadkine :

Buste de jeune fille aux mains repliées. Bronze poli 1914 – 1917
Musicienne en pierre calcaire 1919 et Maternité en marbre 1919

L’exposition nous donne aussi à voir et à regarder un magnifique ensemble de « portraits d’amitié » dessinés par Modigliani, qui était célèbre pour les portraits qu’il croquait rapidement, à la terrasse des cafés, en échange d’un verre ou d’un café, ou simplement en gage d’amitié, de reconnaissance et de fraternité.

Chaïm Soutine
Brancusi
Max Jacob
Amédéo Modigliani (1884-1920). Portrait de Zadkine (avec cadre).
Ossip Zadkine ne s’est jamais séparé du portrait que son ami avait fait de lui.

Comme dans une réciprocité, des amis ont, de leur côté, dessiné ou sculpté leurs portraits  :

Buste de Modigliani par Chana Orloff et portrait de Zadkine par Marie Vorobieff, dite Marevna.
  • « Un temple pour l’humanité« 
    C’est dans l’atelier d’Ossip Zadkine que se termine l’exposition avec des sculptures réalisées pour certaines au retour de la guerre et, pour d’autres, après la mort de son ami en 1920.
    Comme Amedeo Modigliani, Ossip Zadkine a passé beaucoup de temps au musée d’Ethnographie où il a découvert l’art africain.
Masques Ossip Zadkine 1924 – Bois de buis peint.

« … Dans l’agencement de l’atelier, conçu comme un « temple pour l’humanité », trois têtes sculptées en 1918 et 1919. Elles occupent une place centrale. Ces têtes aux visages allongés et aux traits simplifiés rappellent fortement les caryatides sculptées par Modigliani avant 1914, notamment celles présentées lors du Salon d’automne de 1912. Ce motif de la cariatide, inlassablement dessiné par Modigliani est également repris à maintes reprises par Zadkine et donne lieu à certains chefs-d’œuvre du sculpteur, dont la réputation avant-guerre tient largement à ses grands bois sculptés, avatars modernes des divinités antiques. » Extrait du Dossier de Presse.

Salon d’automne 1912.
Zadkine : Trois têtes d’hommes
Zadkine : « Femme à la cruche »
Détail de « La Femme à la cruche ».
En arrière plan : « La Cariatide » de Modigliani.
Dessins d’Amedeo Modigliani.
Extraits d’une émission de 1963 avec Blaise Cendrars et Ossip Zadkine évoquant leur jeunesse avec Modigliani.
  • Zadkine et le mythe Modigliani
    Modigliani décède le 24 janvier 1920, emporté par une méningite tuberculeuse, et sa compagne Jeanne Hebuterne se suicide deux jours après. Ce sera un traumatisme pour la communauté d’artistes installés à Montparnasse.
    Peu après, la légende s’empare de cet artiste au destin tragique. Ceux qui l’ont connu et admiré de son vivant, livrent tour à tour leurs témoignages. 
    Zadkine ne fait pas exception : dès 1930, le sculpteur évoque son ami dans un numéro spécial dédié à Modigliani. Dans ses souvenirs, publiés un an après sa mort en 1967, Zadkine brosse un éloquent portrait, haut en couleurs, de « Modi » et apporte ainsi sa pierre à l’édification de la légende du « prince de Montparnasse ».
    Également dans l’exposition, des documents, films et photographies qui témoignent de l’ampleur du « mythe Modigliani » et montrent la part active prise par Zadkine dans l’édification de la légende.

Le Musée Zadkine se trouve au 100 bis rue d’Assas.
Paris 75006 Paris

L’OEIL TROMPÉ ?


« Le trompe-l’œil, de 1520 à nos jours ».
Cinq siècles nous séparent… Une exposition d’une très grande richesse et beaucoup d’émotion de découvrir ces artistes et leurs œuvres sur une si longue période …


« L’œil « trompé » croit voir autre chose que ce qui est ! »

Entre jeux d’ombre et de lumière, superpositions, couleurs, laissez-vous surprendre par l’illusion de relief des compositions, approchez-vous pour vérifier la réalité des objets et découvrir un art qui continue de jouer avec nos perceptions.
Pour son 90° anniversaire, le musée Marmottan Monet propose une exposition insolite qui retrace l’évolution de ce genre pictural qu’est le Trompe-l’œil, du XVIe siècle à nos jours, de son âge d’or à sa persistance au fil des époques, de son mépris par la critique au XIXe siècle, démenti par un public séduit prenant plaisir à tomber dans le piège du jeu de l’illusion, jusqu’à sa réappropriation encore trop peu méconnue par les artistes au XXe et au XXIe siècles.
La fin du parcours est dédié à l’art de « tromper l’ennemi » grâce à la section camouflage fondée au début de la Première guerre mondiale jusqu’aux évolutions techniques où la dissimulation devient un véritable enjeu de survie lors des conflits.
Plus de 80 œuvres sont réunies provenant de collections prestigieuses du monde entier, dont certaines sont rarement exposées, voir totalement inédites.

Le musée conserve sept toiles en trompe-l’œil acquises par ses fondateurs :
Jules Marmottan (1829–1883) avocat, maire et collectionneur, son fils Paul Marmottan (1856–1932), historien de l’art, collectionneur, mécène. À sa mort, il lègue sa collection, son hôtel particulier parisien et sa villa boulonnaise à l’Académie des Beaux-Arts qui en fait, respectivement, le musée Marmottan-Monet et la bibliothèque Marmottan. Ses dons à l’Assistance Publique permettent également la création de l’hôpital Marmottan (Centre de soins et d’accompagnement des pratiques addictives).

CECI N’EST PAS UN TROMPE L’OEIL!
Lustre de bronze et de cristal qui éclaire le salon d’exception.
Vue d’une salle…
Clair-obscur

Le terme « Trompe-l’œil » aurait été employé pour la première fois par Louis Léopold Boilly (1761-1845) en légende d’une œuvre exposée au Salon de 1800, à Paris, au Palais du Louvre. Il ne sera adopté par l’Académie Française que trente-cinq ans plus tard.
Bien que le terme apparaisse au XIXe siècle, l’origine du Trompe-l’œil remonte à l’Antiquité : une légende veut qu’un peintre peignit si habilement des raisins que des oiseaux tentèrent de les picorer. Cette légende pose la question même liée à ce type de stratagème : « Peut-on vraiment leurrer un spectateur au moyen d’une peinture, forcément bidimensionnelle, au point de lui faire croire que ce qu’il voit est une réalité tridimensionnelle ? ».

Nicolas de l’Argillière:  » grappes de raisin ». 1677

Dès le XVI siècle, l’art du trompe-l’œil obéit à des règles précises : le tableau doit s’intégrer à l’environnement dans lequel il est présenté, requérant ainsi une mise en scène tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’œuvre. Il exige également que la représentation du sujet soit figurée grandeur nature, dans son intégralité sans être entravée par le cadre.
La signature de l’artiste, quant à elle, doit être dissimulée dans le tableau pour garantir l’illusion.

Au cours des siècles, le trompe-l’œil prend des formes différentes. La virtuosité et l’ingéniosité technique sont les principaux ressorts des recherches des artistes qui y mêlent une pointe de fantaisie voire d’humour assumée. L’exposition offre à voir une multitude de médiums, de la peinture à la sculpture, de l’architecture au dessin, de la photographie aux arts décoratifs dont la céramique, soulignant ainsi la manière dont cet art de la tromperie s’est diffusé dans les arts.

En fonction des époques, le Trompe-l’œil ne s’est pas construit suivant les mêmes codes, ne répond pas aux mêmes règles ni aux mêmes références. Ce genre aux dispositifs variés « est la seule catégorie d’œuvres d’art qui se définisse par référence à l’effet produit sur le spectateur ».

  • L’ÂGE D’OR DU TROMPE-L’ŒIL :
    À partir du début du XVIe siècle, la figuration illusionniste d’objets du quotidien se multiplie et séduit collectionneurs et amateurs. La « Nature-morte aux bouteilles et aux livres » (vers 1520-30) d’un artiste anonyme, constitue un exemple significatif d’une des plus anciennes natures mortes trompe-l’œil connues :

« Le XVIIe siècle voit aux Pays-Bas l’apogée de ces recherches menées par les artistes. Avec des moyens purement techniques et plastiques, la peinture à l’huile, la perspective, les effets de lumière, l’artiste ambitionne de rivaliser avec la réalité.
Cornelis Norbert Gijsbrechts, peintre de la cour de Copenhague conçoit pour les rois des trompe-l’œil dont la virtuosité inégalée élève ainsi le trompe-l’œil, un genre dit mineur, à un niveau de perfection et d’ingéniosité sans précédent. »

« Porte lettres » – Cornelis Norbertus Gijsbrechts Trompe-l’œil 1665
J-F de Le Motte: « Trompel’oeil »
Jean-François de Le Motte : « Nature morte au Trompe- l’œil » 1660.
  • DU XVIIe SIÈCLE AU XVIIIe SIÈCLE, DU TROPHÉE AU « QUODLIBET »
    Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, dans la production des natures mortes illusionnistes, les trophées trouvent une place de choix dans les intérieurs aisés.
    Parmi les portraits en trophées de chasse, gibiers et volatiles sont les plus prisés et sont souvent issues de commandes. Le roi Louis XV sollicite le pinceau de Jean-Baptiste Oudry, peintre du roi, pour immortaliser ses prouesses à la chasse à courre. L’artiste joint aux côtés des animaux un cartellino, petit papier froissé relatant le titre de l’œuvre et la date de la chasse. Au-delà de la mise en valeur de l’activité aristocratique, il s’agit de mettre en avant le nom du propriétaire et la maison où l’œuvre sera exposée
Jean-Baptiste Oudry: « Tête bizarre d’un cerf pris par le Roi dans la forêt de Compiègne le 3 juillet 1741 »

Le quodlibet, qui peut se traduire par « Ce qu’il vous plaît » met en scène un désordre savamment organisé. Il s’agit de quelques planches de sapin sur lesquelles des rubans ou des lanières sont clouées et entre lesquelles des lettres, des dessins, des gravures et des menus objets (bésicles, plumes, sceaux, etc.) sont retenus par des rubans. L’artiste y démontrait sa virtuosité et pouvait aussi apposer sa signature, la date de l’œuvre ou le nom de son commanditaire sur l’un des documents présentés sur ces portes-lettres. Au-delà de la technicité de ces compositions permettant de lire les documents imités, les artistes pouvaient y dissimuler, tel un rébus, certains messages plus ou moins explicites selon son destinataire et que le spectateur se plaît à reconstituer. Ces quolibets, avec le désordre des papiers froissés et déchirés, évoquent souvent une pensée moralisatrice, celle de la vanité du savoir, du temps qui passe et de la précarité des objets et de la vie.

Johann Caspar Füssli : » Quodlibet avec portraits de contemporains et têtes anciennes » vers 1757 –
  • ÉPANOUISSEMENT AU XVIIIe SIÈCLE : PEINTURE ILLUSIONNISTE
    « Au cours du XVIIIe siècle, plusieurs artistes dont Gaspard Gresly, Étienne Moulineuf, Dominique Doncre et Louis Léopold Boilly s’attellent à peindre des éléments ou une composition entière en noir et blanc, en grisaille (…).
    Ces peintres en font des grisailles extrêmement abouties à l’imitation de la gravure. Celle-ci peut être fixée à une planche de sapin brute sur laquelle une feuille gravée est épinglée et rend hommage à des maîtres de l’histoire de l’art comme le peintre hollandais Frans Hals (1580–1666) ou le graveur lorrain Jacques Callot (1592–1635) tandis que d’autres artistes mettent à profit leur maîtrise de cette technique pour faire ressortir les traits de leurs modèles ou copient d’œuvres de maîtres dont le Bénédicité de Chardin ce dont témoigne l’œuvre de Moulineuf ajoutant de manière habile la troisième dimension grâce au verre cassé feint. » Extraits du Dossier de Presse.
Gaspard Gresly :«Trompe l’œil à l’almanach, aux gravures et à la bourse » 1739
Étienne Moulineuf: « Copie du Bénédicité de Jean Siméon Chardin » Cadre avec illusion du verre brisé.
Louis Léopold Boilly :
Trompe-l’œil : une collection de dessins…
Et toujours l’illusion du verre brisé !


« Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Sur un guéridon en acajou de style Empire, quelqu’un semble s’être débarrassé du contenu de ses poches : pièces de monnaie, jeu de cartes, clous, canif, plume… À y regarder de plus près, il s’agit là d’un trompe-l’œil – une saisissante illusion d’optique créée par le pinceau minutieux d’un peintre virtuose, capable d’imiter à la perfection la réalité,
et donc de nous berner ! »

Louis Léopold Boilly
Trompe-l’œil aux pièces de monnaies, sur le plateau d’un guéridon,

Vers 1808 – 1815
Laurent Dabos :
« Trompe-l’œil, dit aussi Traité de paix définitif entre la France et l’Espagne Après 1801 »

Cette œuvre du musée Marmottant Monet, restaurée récemment, offre à voir sous un verre feignant d’être brisé en plusieurs endroits, des documents savamment éparpillés. À ce désordre organisé, Laurent Dabos joint une dimension politique avec la présence des portraits de Bonaparte, alors Premier consul et de Charles IV, roi d’Espagne, symboles de l’alliance entre la France et la monarchie absolue espagnole contre la Grande-Bretagne qui aboutira à la signature du traité d’Amiens le 25 mars 1802.

  • ARCHITECTURE ET TROMPE-L’ŒIL
    « La peinture en trompe-l’œil peut également constituer un élément de décor architecturé, faisant partie intégrante des intérieurs d’une société aristocratique séduite. Le peintre Dominique Doncre, spécialiste du trompe-l’œil et de la grisaille, établi dès 1770, à Arras, où il effectue l’essentiel de sa carrière, est l’un des artistes les plus représentatifs dans ce domaine. Paul Marmottan a écrit et collectionné les œuvres de cet artiste dont nous exposons ici certaines peintures provenant du musée des Beaux-Arts d’Arras dont une issue de la collection de Paul Marmottan. Ainsi, des dessus-de-porte, des devants de cheminées et des médaillons ornèrent de ses scènes d’enfants jouant certains des plus prestigieux hôtels particuliers de la ville d’Arras. »
    Extrait du Dossier de Presse.
Guillaume Dominique Doncre : « Trompe-l’œil » 1785
G.D Doncre : « deux amours lisant »
Anne Vallayer-Coster: « Trompe-l’œil aux putti jouant avec une panthère » ou « Le Printemps » 1776

Anne Vallayer-Coster, première femme admise à l’Académie des Beaux-Arts à l’âge de 26 ans a été peintre à la cour de Marie-Antoinette. Elle est décrite comme ayant une grande maitrise de l’art de l’illusion.
« Si, pour ce bas-relief antique, le spectateur averti se doute que c’est une peinture, il est fort probable qu’il va se laisser prendre au piège du cadre feint ».

  • ARTS DÉCORATIFS : LA CÉRAMIQUE
    Au XVIIIe siècle, la volonté de créer l’illusion s’étend à la production de la céramique en trompe-l’œil au service d’objets utilitaires où il s’agit davantage d’une évocation que d’une réelle duperie. Elle prend son origine à la Renaissance en Italie. Au XVIIIe siècle, des thématiques nouvelles émergent au gré des nouvelles techniques apparaissant, dont la porcelaine dure.
    Soupières en forme de choux, de salades, de courges, assiettes garnies d’olives et autres fruits et légumes ou terrines de forme animalière décorent les tables d’apparat aux côtés de plats aux formes plus conventionnelles, source de confusion pour les convives.
    La tradition du trompe-l’œil dans les arts décoratifs se renouvelle au XXe siècle avec des décors peints à la surface des objets à la manière d’une peinture illusionniste.
    Dès la seconde partie du XVIII° siècle, la Manufacture Hannong de Strasbourg  s’inspire des productions allemandes. Elle fait venir de talentueux artisans qui élaborent des objets qui témoignent des talents de technicité de ces artisans capables de recréer des formes complexes et les couleurs délicates de la matière végétale.
Vitrine d’objets de la Manufacture Hannong de Strasbourg 
Détail : Terrine en forme de laitue. 1750
  • LES TROMPE-L’ŒIL CONTEMPORAINS – LE GROUPE « TROMPE-L’ŒIL/RÉALITÉ« 
    Un intérêt renouvelé pour le genre du trompe-l’œil apparaît chez les artistes et le public après-guerre. En 1960, au Salon Comparaisons, le groupe des « peintres de la réalité », créé par Henri Cadiou, expose des trompe-l’œil. Jacques Poirier et Pierre Ducordeau se rallient à l’artiste pour fonder ensuite le groupe « Trompe-l’œil / Réalité ». En 1993, ils exposent au Grand Palais lors de la manifestation sur « le Triomphe du trompe- l’œil » suscitant l’intérêt de milliers de visiteurs.
    Ces artistes utilisent non sans humour ce genre et en font un support de contestation face à l’art contemporain, comme le peintre Pierre Ducordeau avec son imitation de l’œuvre de l’un des grands maîtres de l’art de son temps comme Lucio Fontana.
    (Lucio Fontana: article du 06/07/2024 dans l’Art d’être Curieux)
Pierre Ducordeau:
« Tableau en déplacement ». 1966
Henri Cadiou :
« La Déchirure »

  • LES TROMPE-L’ŒIL CONTEMPORAINS – LES ILLUSIONNISTES DE LA RÉALITÉ
    L’arte Povera est un mouvement d’avant-garde apparu en Italie dans les années 1960, dont fait partie Michelangelo Pistoletto. Après avoir fait l’expérience de ses autoportraits, il réalise la série des Tableaux-miroirs qui nous invite à converser avec Anselmo, Zorio, Penone, les trois artistes du mouvement Arte Povera. La technique du polissage de l’acier inoxydable permet d’obtenir une surface réfléchissante sans l’épaisseur d’un miroir traditionnel. Grâce à ce médium il souhaite démontrer que le monde de l’image est ainsi scindé en deux : le monde de l’image spéculaire, objective et le monde de l’image reproduite.
Michelangelo Pistoletto:
« Sacrée conversation, Anselmo, Zorio, Penone » 1974 … et une visiteuse
🙂
Daniel Firman
« Jade » . 2015

Martin Battersby (1914 – 1982)
« Trompe-l’œil »
  • TROMPER L’ADVERSAIRE : L’ART DU CAMOUFLAGE
    Un an après le début de la Première Guerre mondiale, en août 1915, la section Camouflage est créée. Des artistes et des décorateurs de théâtres spécialistes œuvrent pour développer des dispositifs stratégiques homologués par les généraux pour protéger les hommes et améliorer la défense et les attaques de tous les corps d’armées. Cette nouvelle arme qu’est le camouflage va au fil des conflits du XXe et du XXIe siècle se perfectionner pour que le soldat ne fasse plus qu’un avec son environnement. Les photographies contemporaines de Daniel Camus et de Lisa Sartorio en proposent une vision mêlant réalisme et esthétisme.
André Villain dit Drévile : « Frise des camoufleurs » . 1916


Lisa Sartorio « série:  » L’écrit de l’histoire »
« La guerre de loin »….
« La guerre de très, très près »

C’est la dernière salle de l’exposition, beaucoup plus éclairée que toutes celles que nous avons parcourues jusqu’alors…
Ici, il n’est plus question de jeu, mais d’enjeu de survie lors des conflits. C’est la réalité qui nous rattrape et qui, là, nous fait violence… Malheureusement !

« La Sagna et Racine scénographes »
Formés à l’architecture, Clémence La Sagna et Achille Racine revendiquent une pratique entre architecture et scénographie. De l’univers des scénographies de théâtre qui les inspirent, ils ont repris le médium principal : la maquette au 1/33 qui leur permet de concevoir des scénographies plongeant les visiteurs dans un univers narratif à l’atmosphère puissante, mais aussi l’envie d’intégrer dans les projets muséographiques des compétences issues de la « scène » comme celle de peintre en décor…
À noter qu’iels ont conçu la scénographie de l’exposition « Max Jacob » à Céret (Pyrénées Orientales)
à retrouver dans « L’Art d’être Curieux » du 15/09/2024

Maquette de la scénographie de l’exposition « Trompe-l’oeil »
Interview de La Sagna et Racine :
Achile Racine et Clémence La Sagna

Le Musée Marmottan Monet se trouve 2, rue Louis Boilly – Paris 16°

POUR OUVRIR L’ANNÉE 2025…


« MADE IN FRANCE. UNE HISTOIRE DU TEXTILE » jusqu’au 27 janvier 2025.


Les tissus nous vêtissent, nous protègent et nous cachent parfois, décorent nos lieux de vie…
Mais que savons nous d’eux ? Comment sont-ils fabriqués ? À quels prix humains ?
Quels en sont les enjeux écologiques ?

À travers cette exposition très instructive, proposée par le musée des Archives Nationales, nous allons approcher l’histoire du textile en France, cette industrie autrefois florissante, maintenant quasi inexistante face aux « made in » Taiwan, China etc.
 » À l’heure où l’industrie textile est au coeur d’une prise de conscience environnementale et éthique, revenir sur son histoire en France est un moyen de saisir l’immense importance économique et sociale qu’elle a occupée dans notre pays avant qu’elle ne s’effondre à la fin du XX° siècle »
.
(Extrait du Dossier de Presse).


Organisée en quatre « chapitres » : « L’invention de la qualité française – Louis XIV », « Rupture – 1789 », « La révolution industrielle – 1814-1914 » et enfin « La mondialisation », l’exposition survole trois siècles de développement industriel en s’appuyant sur la collection d’échantillons conservés aux Archives Nationales dans les fonds consacrés au commerce et à l’industrie, pour la première fois montrés au public.

Dans les coursives d’accès à l’exposition, un topo est présenté sur les enjeux environnementaux de la fabrication des tissus. Il ressort que la soie serait le tissu le moins polluant en terme de fabrication…
Mais au prix de l’étouffement à haute température de cocons de vers à soie… Quid de la maltraitance animale? 🙁

Panneaux des coursives d’accès.
Une des salles d’exposition.
Métier à tisser

Cette riche exposition se trouve donc dans l’Hôtel de Soubise (60 rue des Francs-Bourgeois dans le 3° arrondissement de Paris), qui abrite Les Archives Nationales, « La mémoire de la France au service des citoyens ». Un lieu étonnant, en accès libre, qui propose régulièrement des expositions dont certaines sont choisies par le public ( « Les Remarquables »).

Ce document vidéo de 53 mn retrace de façon vivante
l’histoire et la vocation de cette mémoire nationale:

Toute l’équipe de « l’Art d’Être Curieux« 


vous souhaite une



ELLE L’A FAIT !

C’était devenu son rêve…

Figure centrale du modernisme brésilien, créatrice d’une œuvre originale et évocatrice puisant dans les imaginaires indigéniste et populaire autant que dans les instances modernisatrices d’un pays en pleine transformation, la peintre TARSILA DO AMARAL (1886-1973) qui a fait de nombreux séjours en France, n’y avait encore jamais été le sujet d’une rétrospective.
50 ans après sa mort, cette exposition réunit près de 150 œuvres et documents, au musée du Luxembourg à Paris, jusqu’au 2 février 2025 : « Tarsila do Amaral. Peindre le Brésil moderne. »
Cette rétrospective sera ensuite présentée au musée Guggenheim de Bilbao, du 28 février au 8 juin 2025.

Tarsila do Amaral

Issue d’une famille de grands propriétaires terriens de la région de São Paulo, Tarsila do Amaral est élevée dans un environnement privilégié. Elle s’initie très jeune aux arts, à la musique et au français avec une préceptrice belge. À 16 ans elle fait son premier voyage avec ses parents, en France et en Espagne. Par la suite, elle visitera un très grand nombre de pays : Brésil, Amérique latine, France, Espagne, Italie, Grèce, Moyen-Orient, Union soviétique…

Carnet de voyage

En 1913, lorsque son époux refuse de soutenir son désir de peindre, elle prend une décision radicale. Déterminée à suivre sa vocation artistique, elle divorce et s’installe à São Paulo, où elle poursuit ses cours de piano, peint et compose des poèmes. Puis, son choix va s’orienter vers la peinture.
En 1917, elle fréquente les cours de Pedro Alexandrino, peintre académique. La même année, elle ouvre le premier atelier d’artistes de Sao Paulo, rue Vitoria. Encore apprentie, elle le met à la disposition de son professeur, qui y dispense des cours collectifs.

En 1920, encouragée par Souza Lima, pianiste et ami de la famille, Tarsila entreprend son premier voyage d’études à Paris où elle loue une chambre rue du Louvre.
Elle fréquente l’académie Julian et y suit les cours réservés aux femmes, se consacrant à l’étude de nu.es qu’elle peut réaliser pour la première fois d’après des modèles vivants.

Elle découvre alors le Cubisme, le Futurisme et Dada dans les salons parisiens :

« Mains sur le piano » 1923
« Composition avec horloge » 1923
« Nature morte avec horloge »
« étude pour la tasse » 1923

« En tant qu’artiste brésilienne à Paris, Tarsila doit composer avec un certain nombre de stéréotypes pour se frayer un chemin dans un système de l’art « eurocentré » et dominé par les hommes.
Si son physique et son style vestimentaire ne passent jamais inaperçus, la critique attend d’elle, comme de sa peinture, une « fraîcheur exotique » et une « délicatesse toute féminine » – comme on le lit dans les chroniques parisiennes de ses premières expositions. Tarsila joue donc de son apparence pour construire son personnage, alors inédit, de femme artiste moderne brésilienne, contournant, dans ses autoportraits, les canons établis.
Telle une « Caipirinha (« campagnarde ») habillée par Poiret » (selon les vers que lui dédie Oswald de Andrade) elle se veut la porte-parole d’un « Brésil profond », tout en étant parfaitement à la page des goûts parisiens, sans négliger ce brin d’excentrisme, censé faire d’elle une véritable artiste d’avant-garde. »
(Extraits du Dossier de Presse)

Autoportrait 1924
« Caipirinha » (Petite Caipira : petite campagnarde) 1923

 « Caipirinha » :
Commencé au printemps 1923, ce tableau est pour Tarsila do Amaral l’une des premières tentatives de s’affranchir des codes de la figuration académique à travers des langages d’avant-garde.
Dans une lettre à ses parents, elle décrit ce tableau comme une façon de « s’autoreprésenter » en jeune fille de la campagne brésilienne (une petite « caipira ») jouant avec les branches du jardin comme elle le faisait, enfant, dans la fazenda (« ferme ») familiale. Cette identification avec la culture populaire des régions rurales, de la part d’une femme très cultivée de la haute bourgeoisie, annonce l’idéalisation d’une appartenance nationale qui dépasse volontairement les clivages culturels et sociaux de la population brésilienne. 

C’est après son retour à São Paulo, en 1922, que Tarsila prend ses distances avec les modèles académiques. En lien avec Anita Malfatti, artiste brésilienne considérée comme la pionnière du mouvement moderniste au Brésil, elle adopte des couleurs plus contrastées et des solutions moins conventionnelles comme dans ce portrait de femme, peint au tout début de l’année 1923 :

« Figure en bleu » 1923

Tarsila do Amaral participe personnellement à ce renouveau moderniste, au sein du « Groupe des Cinq », aux côtés de la peintre Anita Malfatti et des écrivains Paulo Menotti del Picchia, Mário de Andrade et Oswald de Andrade qui deviendra son mari.
En 1923, le couple voyage en Espagne et au Portugal, puis s’installe de nouveau à Paris.
Tarsila et Oswald rencontrent le poète Blaise Cendrars au mois de mai, qui leur ouvre les portes du monde artistique parisien : Constantin Brancusi, Jean Cocteau, Georges Braque, Robert et Sonia Delaunay, Albert Gleizes, Fernand Léger, Pablo Picasso, Léonce Rosenberg…

« JE VEUX ÊTRE LA PEINTRE DE MON PAYS » 
C’est lors de ce second séjour à Paris que Tarsila do Amaral réalise l’importance de réinterpréter l’identité brésilienne en mêlant influences cubistes, contes populaires et engagement politique.
De cette prise de conscience naît « A Negra  » en 1923 et quelques années plus tard  « Abaporu »  en 1928, des créations qui questionnent « la brésilianité » dans un retour au primitif.

« A Negra » 1923

« A Negra »:
Ce tableau est l’une des œuvres la plus marquante de la période « Pau-Brasil », le mouvement théorisé en 1924 par Oswald de Andrade et Tarsila do Amaral et qui prône une réappropriation de l’art brésilien par les brésiliens eux-mêmes : « Retrouver les racines profondes du pays à travers un retour au primitif en cherchant à redécouvrir « un paradis perdu » pour refonder l’identité brésilienne.
Le tableau A Negra soulève des questions sur l’identité, le métissage et les représentations sociales
 ».

C’est Tarsila qui titre cette œuvre « La Négresse » lorsqu’elle l’expose à Paris. Fait-elle référence à la « Négresse blanche » que Brancusi sculpte la même année ?
Pour illustrer la couverture du recueil de poèmes qu’il consacre à son voyage brésilien, Blaise Cendrars choisit ce portrait comme celui d’une icône « primitive » et « moderne » selon les canons parisiens de l’époque.
Tarsila dit que ce portrait est celui d’une nourrice de son enfance. Dans ce sens, « A Negra » renoue avec l’iconographie toute brésilienne de la « mère noire », esthétisant la figure des femmes afro-descendantes dans le rôle de nourrices auquel elles ont été longtemps reléguées.
Mais ce tableau peut, aussi, renvoyer aux stéréotypes racistes et sexistes qui avaient cours dans la société brésilienne – comme dans la société française – dans les années 1920, stéréotypes qui perdurent encore aujourd’hui.

En 1924 Tarsila do Amaral redécouvre l’identité brésilienne. De retour au Brésil, elle plonge dans les souvenirs de son enfance. Paysages pittoresques, églises baroques, nature luxuriante et traditions populaires nourrissent ses créations. Ses toiles sont marquées par des couleurs vives et une audace renouvelée, explorant avec passion le métissage culturel du Brésil.

« Le marché » 1924
« Palmiers » 1925
« Carnaval a Madureira » 1924
Quartier populaire de Rio de Janeiro où se trouve une réplique en bois de la Tour Eiffel.
« La poupée » 1928
« Chemin de fer Central du Brésil  » 1924

En 1928, Tarsila peint pour son mari, Oswald de Andrade, un tableau aussi fascinant qu’intrigant intitulé « Abaporu » (« homme qui mange un autre homme » en tupi-guarani)… Un cadeau de mariage à l’origine d’un tournant artistique et révolutionnaire !
Inspirée par un voyage à Salvador de Bahia, où la population afro-descendante survit difficilement, « Abaporu » est l’une de ses œuvres les plus emblématiques et une réalisation qui symbolise une identité brésilienne nouvelle et affirmée.
Pour Tarsila, cette œuvre présente un personnage avec un pied disproportionné, un cactus géant et un soleil éclatant. Ce tableau est un symbole de la « dévoration » des influences étrangères pour créer un art profondément brésilien, donnant ainsi naissance au mouvement « anthropophagique » (cannibalisme culturel) que Tarsila et son mari ont impulsé. L’anthropophagie fait référence à une pratique autochtone consistant à dévorer l’autre pour en assimiler ses qualités. Métaphoriquement, cela décrit la manière dont les Brésiliens s’approprient et réinventent les cultures étrangères et colonisatrices pour créer une identité brésilienne unique.

« Abaporu » 1928
Étude pour « Abaporu » 1928

Tarsila do Amaral puise également son inspiration dans les récits fantastiques du Brésil.
Dans le bestiaire, elle représente une étrange créature jaune, La « Cuca », inspirée d’une sorcière à tête d’alligator, figure terrifiante des contes pour enfants. « La Cuca est un redoutable croquemitaine et les personnages que Tarsila dit avoir inventés sont en réalité tirés des motifs autochtones que l’artiste étudie dans les musées ethnologiques ».

Bestiaire 1928
Bestiaire 1928
À gauche: « o touro » 1928, Au centre: « Urutu » 1928, à droite: « o sapo » (le crapaud)1928

Dans les années 1930, Tarsila prend aussi position sur les grands enjeux sociaux de son époque. Malgré son succès, l’artiste est frappée de plein fouet par la crise de 1929 et elle est contrainte d’hypothéquer son domaine familial et de travailler.
Elle s’implique dans des mouvements marxistes et dans la Révolution constitutionnaliste contre le régime autoritaire de Getúlio Vargas.
Toujours en quête d’une identité plus affirmée, elle s’intéresse aux idéologies de gauche et se rend en URSS en 1931. Ce voyage, ses nouvelles amitiés et ses convictions politiques – qui lui coûtent la prison l’année suivante – influencent profondément son travail. Elle intègre les préceptes du réalisme social, peignant dans un style renouvelé les thématiques de la ruralité, du milieu industriel, de la classe ouvrière, avec une attention particulière pour les conditions de travail des femmes.
Cette expérience marquante nourrit son art, et donne naissance à des œuvres poignantes comme « Operários » (« Ouvriers »), où elle dénonce les inégalités sociales et les conditions de vie des travailleurs brésiliens.

« Couturières » 1950
« Operarios » 1933

Fin 1929, séparée d’Oswald de Andrade, Tarsila do Amaral subit de plein fouet les conséquences du krach boursier de New York. Ses propriétés sont hypothéquées et elle doit s’habituer à un mode de vie bien plus modeste que celui qu’elle a connu jusqu’alors.
Aux côtés d’Osorio César, jeune médecin et intellectuel de gauche, elle s’intéresse au modèle économique et social promu par le gouvernement soviétique. Un voyage en URSS et ses idées politiques – qui lui coûtent la prison en 1932, sous le gouvernement de Getulio Vargas – marquent le contenu et le style de ses nouvelles peintures qui suivent les préceptes du « réalisme social ».
Les classes populaires, évoquées par les silhouettes anonymes des tableaux des années 1920, deviennent désormais les véritables protagonistes de ses fresques sociales, à mesure que les couleurs vives laissent place à des tons plus sombres.
Alors que, dès 1937, la dictature relègue les artistes femmes à des modèles traditionnels et à des thèmes intimistes, Tarsila continue d’explorer le monde du travail avec un regard critique ou poétique, que ce soit dans un milieu rural, urbain ou industriel, s’intéressant aussi à la condition féminine. 

« Voyage en seconde classe » . Peinture inachevée.

Dans les années 1950, Tarsila do Amaral retourne à ses premières sources d’inspiration.
Elle délaisse la peinture réaliste et sociale et revient aux paysages semi-cubistes, un style hérité de ses rencontres parisiennes et qu’elle garde jusqu’à la fin de sa vie. 
Elle se consacrera alors à des commandes variées, à des projets d’illustration et continuera à exposer ses œuvres tout en capturant les transformations urbaines de son pays.

« Paysage » 1965
« Paysage avec quinze maisons » 1965
« A Metropole » 1958
« Nouveaux paysages »
Tableau année 1960
Tarsila do Amaral peignant. Années 1960

En 1965 – 1966, à la suite d’une chute, une opération de la colonne vertébrale laisse Tarsila paraplégique. Dans la même période, sa fille Dulce meurt du diabète à l’âge de 60 ans.
Tarsila do Amaral s’éteint à São Paulo en 1973, laissant derrière elle un héritage de 270 œuvres. 
Par son travail, elle a non seulement marqué son époque, mais a aussi largement contribué à faire rayonner l’art moderne brésilien sur la scène internationale.

Cecilia Braschi, commissaire de l’exposition.

Le Musée du Luxembourg se trouve 19 rue de Vaugirard
dans le sixième arrondissement de Paris.

FIGURES DU FOU…

DU MOYEN-ÂGE AUX ROMANTIQUES.

Jusqu’au 3 février 2025, le Musée du Louvre à Paris consacre cette fin d’année – damnée ? 🙂 – aux figures du Fou, de la période du Moyen-Âge aux Romantiques.

Hall d’entrée de l’exposition. Musée du Louvre. Paris.

« Au commencement était « l’insensé », pauvre fou dépourvu de sagesse qui se détourne de Dieu. Relégué dans les marges, il sort de la sphère religieuse au cours du Moyen Âge pour s’épanouir dans le monde profane et devenir tour à tour celui qui divertit, met en garde, dénonce, inverse les valeurs, voire renverse l’ordre établi.
Reconnaissable à ses attributs emblématiques – capuchon à oreilles d’âne ou à crête de coq, grelots, clochettes, marotte, costume bariolé -, cette figure évolue au fil des siècles et s’incarne en de multiples avatars : fous de cour, fous d’amour ou bouffons envahissent alors tout l’espace artistique occidental.

(…) Le Fou est partout et s’impose comme une figure fascinante, trouble et subversive dans une époque de ruptures, pas si éloignée de la nôtre. » (extrait du catalogue de l’exposition)

Que signifient ces fous ? Quels rôles jouent-ils dans la société ?
Cette magnifique exposition nous plonge dans un univers à la fois attirant et inquiétant, réunissant dans l’espace du hall Napoléon plus de trois cents œuvres européennes (sculptures, tableaux, tapisseries, enluminures..) prêtées par 90 institutions françaises, européennes et américaines.
Ce parcours dans l’art de l’Europe du Nord met en lumière un Moyen Âge profane, passionnant et bien plus complexe qu’on ne le croit.
L’exposition explore également la disparition du fou lorsque triomphent « la Raison et les Lumières » (par leur engagement contre les oppressions religieuses et politiques, les membres de ce mouvement se voyaient comme une élite avancée œuvrant pour un progrès du monde.) avant un retour à la fin du XVIIIe siècle et pendant le XIXe siècle.
Le fou devient alors la figure à laquelle les artistes s’identifient : « Et si le fou, c’était moi ?»

Le terme « fou » peut désigner quelqu’un qui se comporte de façon « déraisonnable », voire dangereuse pour elle ou les autres…
Cependant, un grain de folie boosterait la créativité et peut-être le bonheur : un rien de bizarrerie et une touche de fantaisie sont des atouts contre la monotonie du quotidien. Les écrivains et les artistes aussi sont un peu fous…

L’image du Fou est toujours inscrite dans notre quotidien, à travers les jeux notamment: le Fou des échecs qui se déplace en diagonale (donc de façon atypique), le Joker des cartes qui permet de détourner les règles, habillé comme les Fous du Moyen-âge. (Ethymologiquement le mot « joker » vient de l’anglais « joke » qui signifie : « blague ».)

Joker.
Le fou, pièce de jeu d’échec.

Il existe aussi des centaines de proverbes ou citations autour du fou… Parmi eux, certains sont savoureux :

  • « Le Fou a un faux-pli dans sa cervelle » (Cervantès dans Don Quichotte)
  • « Le Fou copie l’artiste et l’artiste ressemble au Fou » (André Malraux)
  • « Au Fou et au vent il faut livrer passage » ( Proverbe espagnol)
  • « La différence entre un Fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou » (Salvador Dali)
  • « On finirait par devenir fou, ou par mourir, si on ne pouvait pas pleurer » (Guy de Maupassant)
  • « Ciascuno ha un pazzo nella sua manica » (« Chacun a un Fou dans sa manche » Proverbe italien)
Fou jouant de la cornemuse. Pays-Bas 1510.

L’exposition «  Figures du fou » n’est pas une histoire de la folie, mais un cheminement à travers plusieurs thématiques.  Des cartouches permettent de pénétrer dans l’univers proposé par chacune des thématiques et d’en comprendre les méandres assez complexes qui, parfois, font écho aux questionnements actuels… S’ensuivent des manuscrits, tableaux, sculptures illustrant le propos du thème.

Chaque thématique est annoncée par un travail graphique très soigné, par exemple :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est fou-et-dieu.jpg.
  • « Le Fou et Dieu »:
Le Christ et Pilate
Détail d’une enluminure d’un texte sacré.
Fou avec une cuillère
  • « Les Fous en Ville » :
Les gargouilles de Notre-Dame de Paris.
  • « Le Fou à la Cour » :
Visage de Fou
Jeanne de Castille
  • « Le Fou et l’Amour » :
Aristote et Phyllis (« Le Fou et l’Amour »)
Cartouche destiné aux enfants (« Le Fou et l’Amour ») avec un jeu de cocotte pour trouver des réponses à des devinettes.
  • « Résurgence et modernité du Fou » :
La folle monomane du jeu
  • « Entre Humanisme et Réforme » :
    Nous retrouvons là avec délectation Jérôme Bosch et Brueghel tant le foisonnement des détails nous aspire.
Jérôme Bosch « Satire des noceurs débauchés » dit « La Nef des Fous » vers 1505.
Détail de la Nef des Fous
Jérôme Bosch : « Le concert dans l’oeuf » .
Détail « Le concert dans l’Oeuf »
Pietr Brueghel l’ancien : « Le combat de Carnaval et Carême » 1525-1569 .
« Le prophète » d’après un original de 1480 de Erasmus Grasser
Regardons….
« LE TEMPS DES FOUS »
de Jacques LOEUILLE
(53 mn)

Comme toujours au Musée du Louvre, beaucoup de conférences, visites thématiques, concerts, spectacles, ateliers et animations sont proposés tout au long de la durée de l’exposition
Figures de Fous (programme sur le site du musée)… Entres autres :

  • Pour les enfants, le parcours de l’expo est jalonné de cartouches amusants en liaison avec un jeu de « cocottes » permettant de répondre à des Quiz.
Pictogramme du parcours « enfants »
  • Pour les ados un atelier philo : Hey Bouffon ! (En famille dès 10 ans)
    Le bouffon n’est plus celui qui fait rire, qui amuse, c’est celui dont on se moque, que l’on bouscule, voire que l’on harcèle.
    À partir de l’observation des œuvres de l’exposition, chaque participant est invité à s’interroger sur les représentations de bouffons et sur l’évolution de ce mot devenu insulte.
    Les dimanches 8 décembre et 19 janvier à 10h30.


L’entrée principale du Musée du Louvre se trouve au Carroussel
99 rue de Rivoli 75001 PARIS

Il est indispensable de réserver un créneau horaire pour votre visite (de préférence le matin)
car il y a un monde…
Fou!

UNE QUESTION DE REGARD(S)

« Janine Niépce, regard sur les femmes et le travail »


Dans le cadre de sa saison culturelle (septembre – décembre 2024) consacrée au travail, la Cité de l’Économie Citéco, explore l’évolution de la place des femmes dans le monde du travail à travers le regard de la photographe Janine Niépce.

Chaque exposition nous réserve une part d’inattendu qui va résider sur le choix des œuvres, la scénographie ou tout autre objet…
Ici, notre premier regard se pose sur l’architecture et l’histoire du bâtiment qui abrite La Cité de l’Économie « Citeco » 

« Citéco ». Hôtel Gaillard, Paris, façade.

Hall Defrasse Citéco

À CITÉCO l’espace de l’exposition est entouré de cloisons en bois, comme dans un écrin, au centre du hall Defrasse, un très vaste espace qui accueille une grande partie de l’exposition permanente.

Entrée de l’exposition : « Janine Niépce, regard sur les femmes et le travail »


La magie opère quand on se retrouve devant ces scènes de vies de femmes et que l’on se laisse embarquer pour suivre leurs trajectoires.
« … La seconde moitié du XXe siècle a été capitale pour l’intégration des femmes dans la vie active. Cette évolution a eu des répercussions aussi bien dans la sphère publique que dans les foyers.
Janine Nièpce, a su documenter avec une rare authenticité les grandes manifestations ainsi que les scènes du quotidien qui ont marqué les transformations de cette époque ».
(Extrait du Dossier Presse)

Janine Niépce (1921 – 2007) est une parente éloignée de Nicéphore Niépce (1765 – 1833) l’inventeur du premier procédé photographique ou héliographie.
Elle étudie l’histoire de l’art et l’archéologie. En parallèle de ses années à la Sorbonne et pendant l’Occupation nazie, elle prend des cours de photographie par correspondance, s’engage dans la Résistance et développe des films pour les réseaux de renseignements, puis participe à la Libération de Paris en qualité d’agent de liaison.
Diplômée en 1944, elle devient en 1946 l’une des premières femmes photo-reporter et elle reste, à ce jour, la seule photographe qui témoigna pendant un demi-siècle de l’évolution des femmes et de leur histoire.
Son regard sur le travail des femmes des années 1950 à 1990 ouvre un autre regard sur l’émancipation féminine, elle en documente l’avant, le pendant et l’après, appareil photo « Leica » à la main.

De l’invisibilité du travail domestique dans la sphère privée à la visibilité des femmes au travail dans la sphère publique :

Ingénieure du Gaz de France . 1982

Jusque dans les années 1950 – 1960, la majorité des femmes exerce leurs activités à la maison.
On les appelle « femme et/ou mère au foyer ».  Elles sont, à la fois, femme de ménage, cuisinière, intendante, soignante, mère attentive, épouse docile et dévouée…

Dans le monde rural, à toutes ces taches s’ajoutent les travaux les champs, les soins aux animaux…
Leur travail est « invisibilisé » et non rémunéré. D’ailleurs, dans les travaux des statisticiens, leur travail n’existe pas. Les femmes au foyer sont considérées comme « inactives ».

Qu’elles vivent en ville ou à la campagne, en portant son regard sur ces femmes, Janine Niépce révèle leur statut de travailleuses à part entière, sans oublier celles qui sont dans le commerce.

… Et les ouvrières qui travaillent à l’usine.
Le salaire de celles qui travaillent à l’extérieur amène un complément de revenus dans le foyer mais, pour elles, c’est la double journée. Elles doivent s’organiser entre l’usine et le travail domestique. En 2024, cette « double journée » pour les femmes est toujours d’actualité même si les contextes sociétaux ont fait un peu changer les choses.

Femmes à l’usine.

À la fin des années 1960, la nature du travail des femmes évolue. Les luttes féministes ont accompagné des changements sociaux fondamentaux, telles la légalisation de la contraception avec la Loi Neuwirth en 1967, l’Interruption Volontaire de Grossesse avec la Loi Veil en 1975…
Autant d’événements majeurs que Janine Niépce a suivi entre 1965 et 1980.

Défilé de femmes pour la contraception. Paris 1973
Suite à ces grandes luttes féministes et à l’évolution des mœurs, de plus grandes possibilités de carrières s’ouvrent pour les femmes. 

Janine Niépce immortalise également les femmes qui travaillent dans les métiers du soin, institutrices, sages-femmes, infirmières… Ces professions essentielles à la société, majoritairement occupées par des femmes, et encore mal rémunérées de nos jours.

« Le soin et l’instruction…. »
La maîtresse d’école 1967
Défilé d’infirmières 1988
L’évolution passe aussi par des codes et des comportements masculins que les femmes s’approprient, ce qui commence à les rendre visibles dans l’espace public. C’est un regard nouveau sur les femmes et la photo-reporter s’intéresse à leur vie professionnelle qui, bien que restreinte, ne se limite plus au foyer. 
Les femmes se font peu à peu une place sur les chantiers ou au sein de filières scientifiques ou juridiques jusque-là réservées aux hommes.
Images d’une jeunesse.
Émancipation…

Janine Niépce a aussi immortalisé des femmes remarquables qui ont joué un rôle important pour soutenir les luttes des femmes pour leurs droits :

L’ordonnance du 21 avril 1944 (Journal Officiel) du Gouvernement provisoire de la République Française installé à Alger, accorde le droit de vote et l’éligibilité aux femmes. Les femmes voteront pour la première fois le 21 avril 1945 pour les élections municipales.
« Quand j’ai voté en 1945, je suis vraiment devenue adulte. C’était la première fois, les femmes pouvaient mettre leur bulletin dans les urnes en France. Olympe de Gouges n’était pas morte inutilement, guillotinée, pour avoir réclamé ce droit aux révolutionnaires en 1793. Par tradition, les hommes de ma famille revêtaient leurs habits du dimanche pour remplir ce devoir civique. Ils votaient la tête découverte, le chapeau à la main. J’avais mis ma plus belle robe. Mes tantes ont refusé de me confier leur choix, m’expliquant : « Tu devrais savoir qu’on ne révèle ni son salaire, ni ses opinions politiques, cela peut nuire. ». Réserve qui fait sourire les Américains.
Dans les bureaux, des jeunes femmes photographiées et interviewées me laissaient perplexe : prendre des responsabilités politiques leur semblait incompatible avec une vie de travail et leurs obligations familiales. Par ailleurs, en tant que citoyennes, elles auraient aimé inventer avec les hommes de nouvelles façons de penser et d’agir. »
(« Janine NIEPCE par elle-même » : postface du livre « France 1947-1992 » préfacé par Marguerite Duras)

Avant de quitter l’exposition, écoutons deux jeunes filles d’un lycée parisien, venues à Citéco avec leur classe et leur professeur:

L’exposition « Janine Niépce, regard sur les femmes et le travail » est installée à
CITÉCO – La Cité de l’Économie
Place du Général-Catroux, 75017
Jusqu’au 5 janvier 2025

Et pour faire écho à cette très belle exposition, il faut voir aussi le bouleversant film italien
« Il reste encore demain » (« C’è ancora domani ») de Paola Cortellesi…

LABYRINTHE…

Pour le centenaire du Surréalisme, le Centre Georges Pompidou à Paris propose une très riche exposition sur le mouvement surréaliste.
Né en 1924 avec le « Manifeste du Surréalisme » d’André Breton (1896-1966, poète et écrivain français, principal animateur et théoricien du surréalisme) ce mouvement tant pictural/visuel que littéraire et musical, va marquer l’histoire de l’Art, par ce qu’il va bousculer les codes artistiques de l’époque, en projetant le « spectateur » dans l’imaginaire, le rêve et le fantasme…
Le mot « surréalisme » fait toujours partie de notre langage pour désigner ce qui n’est pas ordinaire ou qui échappe à la réalité. C’est le poète Guillaume Appollinaire qui attribuera le mot à ce mouvement artistique : « Il ne s’agit pas d’imiter la réalité mais de provoquer le rire en rompant avec les conventions. »

Une fois passée la « porte », l’exposition commence dans un tambour central où sont projetés des documents originaux comme le « Manifeste du Surréalisme » d’A.Breton,
prêté par la Bibliothèque Nationale…

« La porte »
Le tambour central…
Extrait d’une projection sur les murs du « tambour central »
Extrait des projections sur les murs du « tambour central »

Notre déambulation dans l’exposition nous emmènera chronologiquement à travers treize chapitres sur les artistes phares du mouvement et leurs thèmes de prédilection: « Entrée des médiums », « Trajectoire du rêve », « Lautréamont », « Chimères », « Alice »,  » Monstres politiques », « Le royaume des mères », « Mélusine », « Forêts », « La pierre philosophale », « Hymnes à la nuit », Les larmes d’Éros » et « Cosmos ».

Aborder le Surréalisme, c’est sortir des codes académiques de l’Art et accepter d’être un peu bousculé.e ! Les surréalistes nous envoient des images ou des sons qui reflètent leurs visions du monde, et nous invitent à les partager…
Une grande part de leur inspiration viendra des rêves ou des envies de rêves !
Qui ne voudrait pas se retrouver dans un nuage, un champ de fleurs, éventé par une plume ou la palme d’un arbre géant ?
Parfois ce sont des cauchemars: la projection du fascisme naissant et de ses absurdités nauséabondes et meurtrières…
Si on remarque avec joie quelques tableaux connus de Dali, Miro ou Magritte, l’exposition nous permet de découvrir des oeuvres moins connues de ces artistes et d’autres créateurs et créatrices moins célèbres. L’exposition fait aussi une place importante aux femmes qui ont participé au mouvement surréaliste.
On peut aussi re-voir des films un peu oubliés comme « Le chien Andalou » de Luis Bunuel (1929) ou « La maison du Docteur Edwards » d’Alfred Hitchcock (1940).

Extrait de : »La maison du Docteur Edwards » Alfred Hitchcock (1940).
Tableau: Grete Stern: « interprétation des rêves ». Et projection du film d’ Alfred Hitchcock
Victor Hugo est considéré par les Surréalistes comme l’un des leurs.
« Taches en forme de paysage » vers 1857
.
Joan Miro: « Femmes encerclées par un vol d’oiseaux » 1941 et « L’étoile matinale » 1940.
A.Giacometti: « table » 1933.
Marcel Jean: « armoire surréaliste ».
Max Ernst : « La femme 100 têtes » 1929.
Série de collages de revues du 19° siècle.
« La femme 100 têtes » de Max Ernst…
… Détails.
S.Dali: « Le téléphone aphrodisiaque » 1938.
René Magritte: « La durée poignardée » 1938.
Matta: « Xpace and the ego » 1945.
Eileen Agar: « Angel of Anarchy » 1936-1940.
Man Ray: « l’écriture automatique » vers 1938

L’écriture automatique et les « Cadavres exquis »: l’exploration littéraire.

  • Inspirée de la psychanalyse, et surtout de la poésie d’Arthur Rimbaud et de Lautréamont, l’écriture automatique consiste à écrire si rapidement que la raison et les idées préconçues n’ont pas le temps d’exercer leur contrôle. Le premier texte issu de cette méthode, Les Champs magnétiques de 1919, a été rédigé tour à tour par André Breton et Philippe Soupault:

« Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus.
À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisir. Notre bouche est plus sèche que les plages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille. […] Lorsque les grands oiseaux prennent leur vol, ils partent sans un cri et le ciel strié ne résonne plus de leur appel. Ils passent au-dessus des lacs, des marais fertiles… »

  • Le « cadavre exquis » est un jeu d’écriture toujours actuellement pratiqué dans les ateliers d’écriture ou lors de cours de Français de collèges et lycées.
    Il s’agit de faire tourner une feuille de papier auprès de plusieurs personnes qui écriront les unes à la suite des autres, sur une consigne donnée : « un sujet », « un verbe », « un adjectif » etc. sans voir ce que la précédente personne a écrit, le papier étant plié avant de le passer à la suivante…
    Imaginons deux phrases de deux participant.es:
    – « L’oiseau s’envole lentement vers le ciel immaculé, en piaillant. »
    – « La chaise tombe avec fracas dans la poubelle, en tournoyant. »
    En appliquant le principe de ce jeu, on arrive à ces phrases là:

Le nom « Cadavre Exquis » fut inventé par André Breton, Marcel Duhamel, Jacques Prévert et Yves Tanguy quand, lors d’une partie de jeu, cette phrase émergea :
« Le cadavre exquis boira le vin nouveau. »
Le même système s’applique aussi en dessinant et un grand pan de mur lui est consacré sur l’exposition.

Cadavre exquis de : A.Breton, M.Duhamel, M.Morise, Y.Tanguy. 1928.

Les monstres politiques .

André Masson: « Portrait charge de Franco ». Vers 1938-1939.

Ce sixième chapitre de l’exposition souligne l’engagement politique des surréalistes.
Mépris de l’autorité, refus de l’ordre établi et des valeurs bourgeoises, éthique de la liberté, éloge du désir et des passions… Loin de se réduire à un mouvement littéraire et artistique, le surréalisme intègre une véritable dimension politique : attente révolutionnaire teintée d’éthique libertaire, espoir de « changer la vie » en édifiant une société plus inventive, libérée des chaînes de la morale et de la tradition. Une ambition qui a conduit ses principaux représentants à se rapprocher des partis politiques et à épouser, provisoirement ou durablement, les idéologies de leur temps troublé.

Aujourd’hui, ce chapitre de l’exposition résonne amèrement!

Didier Ottinger (commissaire de l’exposition) :
« Qu’il s’agisse du surréalisme ou de n’importe quel autre sujet, historique ou thématique, toute exposition, particulièrement au Centre Pompidou, n’a selon moi de sens que dès lors qu’elle est capable d’entrer en résonance avec l’art et avec les questionnements de l’époque.
Avec le surréalisme, on peut difficilement faire mieux !

Au fil de sa longue histoire (40 ans, rappelons-le), le surréalisme a toujours veillé à marcher sur deux jambes, à concilier le « changer la vie » de Rimbaud et le « transformer le monde » de Marx.
Dès sa fondation, le surréalisme a voulu agir dans le champ politique.
Il a dénoncé le colonialisme (en 1925 en condamnant la guerre du Rif, en 1931 lors de la grande exposition coloniale parisienne,lors des guerres d’Indochine, d’Algérie…), a combattu les totalitarismes (au moment de la montée des fascismes dans l’Europe des années trente, lors du « coup de Prague » de 1948, de l’insurrection de Budapest en 1956…). Les biennales internationales et la Documenta,
qui se transforment en forums ouverts aux questions politiques de l’heure, témoignent
de l’actualité d’un mouvement prompt à réagir à toutes les menaces pesant sur la liberté
et à toutes les atteintes à la dignité humaine.

Quelle actualité encore que celle d’un surréalisme qui, quelques années après sa fondation, essaime de Prague à Tokyo, de Londres au Caire, reliant les points d’une constellation seulement fédérée par un idéal d’émancipation. Actualité encore d’un mouvement qui, plus qu’aucun autre en son temps, s’est largement ouvert aux femmes.
Au-delà de ces caractères formels qui auguraient ce qu’est devenu l’«art contemporain», c’est par le modèle qu’il porte que le surréalisme s’affirme comme «remarquablement contemporain ».
Héritier du romantisme (allemand en particulier), le surréalisme n’a cessé de contester le culte voué par les sociétés modernes à la technique et au machinisme, de dénoncer l’obsession matérialiste et le consumérisme des sociétés « avancées » (la dernière des expositions surréalistes, « L’écart absolu », en 1965, place un « consommateur grotesque » au centre de ses salles).

En 1938, le poète Benjamin Péret rédigeait un texte que lui inspirait la photographie d’une locomotive abandonnée au cœur de la forêt amazonienne. Le titre de son texte, La nature dévore le progrès et le dépasse, résonne singulièrement, comme menace ou comme espoir, aux oreilles de nos contemporains… » (Extrait du dossier de Presse).

Premier acte de leur engagement politique, les surréalistes se rapprochent des jeunes communistes du groupe Clarté avec lesquels il signe en 1925 un manifeste opposé à la guerre coloniale menée par la France au Maroc.
Si chacun veille à rendre étanche la frontière entre création poétique et engagement politique, les tensions qui résultent de la montée des fascismes dans l’Europe des années trente incitent nombre d’artistes à reconsidérer cette imperméabilité.
Le surréalisme se peuple de monstres qui représentent la montée des totalitarismes.
Un an avant l’avènement d’Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne, le mouvement se dote d’une nouvelle revue qui se donne comme emblème une figure bestiale : Le Minotaure.

Il est obligatoire de réserver un créneau horaire d’entrée en prenant votre billet.
Le musée est évacué 15mn avant sa fermeture, aussi prévoyez une tranche de deux heures au moins pour savourer toute la richesse de cette exposition.

Sortie de l’exposition « Surréalisme » à 21 heures…

Le Centre Georges Pompidou se trouve:

Place Georges-Pompidou
75004 Paris

Photos: (c) Sylvie Maugis et Kadia Rachedi.

IMPROBABLE RENCONTRE…

« We Are Here »
Une exploration d’art urbain au Petit Palais, prolongée jusqu’au 19 janvier 2025.

Il est assez inattendu qu’une exposition temporaire partage les salles et les murs de l’exposition permanente d’un musée, et pourtant, ça existe !

Construit pour l’Exposition universelle de 1900, lors de laquelle il accueillit l’exposition rétrospective de l’art français des origines à 1800, le Petit Palais (devenu Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris en 1902, puis musée des Beaux Arts) a organisé certaines des plus importantes expositions françaises.

Pour la première fois, il ouvre ses portes à l’art urbain :
« Le Petit Palais est très heureux d’accueillir la première exposition d’art urbain de cette envergure au sein d’une institution publique, accessible à tous et totalement gratuite, dans un souci de partage de la culture avec le plus grand nombre, fidèle aux principes qui animent le mouvement Street art ».
Annick Lemoine, directrice du Petit Palais, commissaire générale de l’exposition.
« Paris, plus que jamais, incarne ainsi la première ville à reconnaître l’immensité du mouvement Street art en donnant une fois encore le ton au rythme de l’histoire. Une exposition qui propulsera avec audace notre capitale dans une modernité assumée tout en valorisant son histoire passée. Un événement à l’envergure du lieu et de son histoire qui sublimera la pratique des artistes pour offrir plus que des installations inédites mais un véritable dialogue avec l’histoire. Paris s’affirme à nouveau comme le rendez-vous incontournable des plus grands artistes français et internationaux de ce mouvement puissant qui bouscule les codes et bouge les lignes. We Are Here* ! ».
Mehdi Ben Cheikh, directeur de la Galerie Itinerrance, commissaire scientifique.

Treize artistes majeurs du mouvement Street Art comme Shepard Fairey, Invader, D*Face, Seth, Cleon Peterson, Hush, Swoon, Vhils, Inti, Add Fuel, Conor Harrington et encore Swoon (l’une des rares femmes street artistes dans cette exposition) sont invité.es à engager un dialogue subtil avec ses collections permanentes et son architecture.

ITW de Mehdi Ben Cheikh Commissaire scientifique de l’exposition.

Le titre de l’exposition, « We Are Here« , est utilisé comme slogan dans divers contextes historiques et contemporains, tels que les luttes pour les droits civils.
Il évoque des sentiments d’affirmation, de résilience et de revendications et exprime la visibilité et la légitimité acquises par le mouvement street-art.
Cependant, il n’est pas toujours évident de décrypter ce que sous-tendent comme sentiments, ressentis et/ou revendications les œuvres exposées. Les explications présentent sous divers supports (cartouches, QR code) permettent au public la rencontre entre le travail et les intentionnalités du (de la) Street Artiste.

Annick Lemoine , Directrice du Petit Palais, dans la salle des sculptures

Avant d’accéder à la vaste salle des sculptures, une « sculpture street art » se dresse devant nous, comme une borne d’accueil, réalisée par D*FACE dont on retrouvera d’autres réalisations au cours de la déambulation.

La borne d’accueil « D*FACE Flutterdies & Splutterdies, 2024
Objets urbains réutilisés – panneaux en acier rouillé, affiches publicitaires, enseignes de magasin et portes de voiture – combinés à des pochoirs, collages en techniques mixtes,
résine imprim
ée et peinture acrylique.

La visite commence…

Une fois passée la « borne d’accueil », se trouve un lampadaire majestueux orné d’une fleur de lotus.
Comme une réplique, un reflet, un tableau lui fait face qui nous plonge directement dans la démarche du Street art : le pied du lampadaire remplacé par une mitraillette … Une nouvelle manière de s’exprimer et de donner son opinion, de faire passer un message politique fort ou dénoncer la société.

Le reflet : Lotus and AR-15 SHEPARD FAIREY (OBEY)

Après cette première rencontre, ce premier dialogue entre deux cultures, la vaste salle des sculptures nous réserve bien d’autres découvertes :

Sculptures et papillons sur les vitres
DFACE DFace Gives You Wings, 2024
Papillons naturalisés, bouchons de spray en plastique, crânes en résine et peinture acrylique,
Détail.
« La pensée » D*FACE
« Les doigts » S.Fairey (OBEY)
« Un visage » S.Fairey (OBEY)
Camille Alaphilippe. « Dame au singe » (vue de face). Grès, bronze, 1908. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

Poursuivant notre déambulation, nous arrivons dans la salle dédiée à la Célébration de la République qui fut un des grands thèmes de la production artistique française, comme le montrent les collections du Petit Palais.
« Le drapeau tricolore, la Marianne, ou encore la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » deviennent ainsi matière artistique et source d’inspiration, montrant la virtuosité de ces artistes engagés.
En explorant ces codes, les artistes invités – dans la richesse de leurs différences – réinvestissent les valeurs de la République et célèbrent la diversité et la pluralité qui caractérisent la France d’aujourd’hui. Les artistes provoquent ainsi le dialogue et la réflexion sur les enjeux sociaux et politiques contemporains. » (Extrait du dossier de presse)

Après la Célébration de la République, nous arrivons dans une toute petite salle propice au calme de la lecture mais ce n’est pas si simple…
Seth, Street artiste n’est pas si naïf. Son univers innocent et poétique maquille les murs du monde entier pour dénoncer la guerre et la misère. En Ukraine, en Palestine ou encore en France, le Street artiste Seth prend l’enfance comme prétexte pour aborder des sujets graves. 

« La Tour de Babel ». Sculpture. Seth 2018
« La Tour de Babel ». Vortex Seth. 2024

Pas de parcours « imposé », on se déplace librement…
C’est ce que nous allons faire maintenant en allant à la découverte d’une autre grande salle, appelée « la galerie des grands formats »

« Thalassa » . Swoon . 2024
Gravure sur linoléum imprimée sur mylar et peinte à la main.

Le street art ne se conjuguerait-il qu’au masculin ? Comme dans de (trop) nombreux domaines, l’art de rue est largement dominé par les hommes, et ce depuis le début de son histoire.
Parmi les treize artistes majeurs du mouvement Street art, il n’y a qu’une seule femme, Swoon, de son vrai nom Caledonia Dance Curry, née en 1977 à New London dans l’État du Connecticut, est une artiste américaine du mouvement dit de l’Art urbain ou Street Art dont les collages de portraits à figure humaine de taille réelle sont affichés dans les rues de Brooklyn à partir de 1999.

Il reste une dernière salle à découvrir : la Salle Concorde, investie par plus de 60 artistes* du street art des quatre coins du monde, est un vibrant hommage au légendaire premier Salon des Refusés de 1863 organisé au Palais de l’Industrie, en lieu et place du Petit Palais et du Grand Palais et qui bravait les conventions. Pour mémoire, ce salon accueillait les artistes de l’avant-garde exclus des cercles académiques, malgré leur talent et leur audace.
Or, rappelons-nous que ce sont les artistes du Salon des Refusés – à l’instar de Manet et de son œuvre emblématique « Le Déjeuner sur l’herbe » – qui ont notamment ouvert les portes au mouvement impressionniste, écrivant une page majeure de l’histoire de l’Art.
Aujourd’hui, l’accrochage-hommage de la salle Concorde perpétue cet esprit novateur.
Les artistes dont les œuvres couvrent les murs du sol au plafond défient en effet les normes établies et les barrières des institutions officielles. Ils imposent les nouveaux codes artistiques, en perpétuel mouvement, qui se déploient de manière organique et exponentielle sur les murs des villes à travers le monde, repoussant sans cesse les limites de leur pratique.

La Salle Concorde témoigne de la vitalité, de l’originalité et de la diversité de la scène street art. L’accrochage à « touche-touche », typique des Salons artistiques du XIXe, révèle la puissance d’évocation et la virtuosité graphique des œuvres contemporaines de street art… en d’autres termes, leur dimension muséale.

*(les 60 artistes) ADD FUEL, ARDIF, BANJER, BANKSY, BOM-K, BTOY, CLEON PETERSON, CODEX URBANUS, CONOR HARRINGTON, CRYPTIK, DFACE, DABRO, DANHOO, DAVID DE LA MANO, DEYA, ELMAC, ELSEED, ETHOS, EVAZESIR, FAILE, FENIX, FERNAND KAYSER, FKDL, FLOG, GERADA, GUYDENNING, HERA, HOROR, HUSH, INTI, INVADER, JANA & JS, JACE, KONGO, KOOM, LECYKLOP, M-CITY, MAT X ZEKKY, MAYE, MIST, MONKEY BIRD, MOSKO, NASTY, NEBAY, NILKO,SHEPARD FAIREY (OBEY), PANTONIO, RNST, ROA, SAINER, SANER, SAX, SETH, SHAKA, SHOOF, ST4, SVEN, SWOON, TINHO, TRISTAN EATON, VHILS, WISSEM EL ABED, XARE,YRAK.

Salle « Concorde »
Salle « Concorde »

Le Petit Palais se trouve Avenue Winston Churchill
75008 PARIS

Côté jardin…

MYKOLA TOLMACHEV…

Mikola Tolmachev: « Combien de temps vivront les papillons ?  » 2023 (Détail)

LE DÉSIR DU DESSIN…

Le musée Maillol de Banuyls ( Pyrénées-Orientales) propose jusqu’au 17 Novembre une exposition très intrigante: les dessins de Mykola Tolmachev.
Le tracé est fin et très précis et les thématiques drôles et parfois dérangeantes…
À voir absolument pour commencer l’automne en beauté, et pour aussi (re)voir ce si bel endroit et les oeuvres du sculpteur Maillol !

« La fleur du mal » 2023
« Poutine » 2023
« Les plaisirs du mariage » 2014.
Trois aquarelles sur papier. 2023

Musée Maillol
Vallée de la Roume 
66650 Banyuls-sur-Mer