
Affiche de l’exposition.
MODIGLIANI et ZADKINE : UNE AMITIÉ INTERROMPUE
Jusqu’au 30 mars le musée Zadkine à Paris présente une exposition exceptionnelle pour renouer les liens distendus par la guerre puis rompus, irrémédiablement, par la mort, entre deux artistes majeurs : Ossip Zadkine et Amédéo Modigliani.
Cette exposition est la première à s’intéresser à une amitié artistique et créative jamais explorée jusqu’alors : celle qui unit le sculpteur Ossip Zadkine au peintre Amedeo Modigliani, deux précurseurs de l’avant-garde du début du XXe siècle.
L’exposition mélange judicieusement 90 œuvres des deux artistes montrant leurs points de convergence et leurs différences. Elle nous plonge dans le Montparnasse des années 1920 avec Soutine, Max Jacob (L’Art d’Être Curieux du 15/09/2024) et Chana Orloff (L’Art d’Être Curieux 10/12/2023).




Amedeo Modigliani (1884, Italie – 1920, Paris) se forme très jeune à la peinture en Italie où il suit les cours de l’Académie des Beaux-Arts. En 1906, il décide de venir Paris alors capitale européenne des avant-gardes artistiques. Il s’installe à Montmartre, dans un atelier rue Caulaincourt puis, au gré de ses infortunes financières, il trouvera divers hébergements. Il va fréquenter le musée d’ethnographie du Trocadéro où il découvre les « arts primitifs » en particulier l’ « art nègre ». Il rencontre Brancusi en 1909 et s’inspire de ses œuvres.
Ossip Zadkine (1888, Biélorussie – 1967, Paris) de 1907 à 1909, il s’installe à Londres pour étudier l’anglais. Parallèlement, il prends des cours de sculpture sur bois, puis il étudie la sculpture classique au British Muséum.
En 1909, il arrive à Paris pour étudier aux Beaux-Arts. Il travaille à la cité d’artistes « La Ruche » où il rencontre, entre autres artistes, Brancusi, Picasso, Survage… Et, quelque années plus tard, Amadeo Modigliani.
« Les deux artistes se rencontrent à Montparnasse, en 1913. À cette époque, Modigliani s’adonne pleinement à la sculpture, depuis sa rencontre avec Brancusi en 1909. La parenté de leur quête artistique ne peut que les rapprocher. Si leurs influences se croisent, chacun va forger son propre univers : Modigliani avec ses portraits aux expressivités fulgurantes, Zadkine avec une maîtrise subtile des matériaux. » Extrait du Dossier de Presse.
S’ensuivront deux années d’une amitié féconde. Dans ses mémoires, Zadkine décrit son ami comme « Un authentique bourgeon montparnassien qui n’a pas duré longtemps ».
- Modigliani / Zadkine : des débuts à Paris sous le signe de la sculpture
L’exposition débute en présentant côte-à-côte une sélection d’œuvres de Modigliani et Zadkine réalisées entre leurs arrivées respectives à Paris et les débuts de la Première Guerre mondiale. Tous deux veulent rompre avec l’esthétique académique et se tournent vers de nouveaux modèles, puisés dans l’Égypte ancienne, les arts khmers ou africains.
Modigliani cherche un type de visage idéal, à l’ovale accusé et aux yeux en amande dont Zadkine se souviendra encore dans les années 1920, lorsqu’il sculptera à son tour une magnifique série de têtes idéales.

Au rythme du parcours des salles d’exposition, des portraits de femmes par Modigliani et en regard, des sculptures de Zadkine.

À droite: Modigliani: « Tête de femme »

À droite: Zadkine « Tête de femme »
Le parallèle est frappant, surtout dans le traitement de ces orbites mystérieusement vides ou pleines, sans pupilles, comme des fenêtres ouvertes sur l’infini !
D’Amedeo Modigliani, des études de têtes au crayon noir gras, pour de futures sculptures:

(entre 1911 et 1913)

- La rupture amicale est consommée, amplifiée par l’impact de la guerre
La Première Guerre mondiale va bouleverser les liens d’amitiés et éloigner les deux amis.
Trop fragile pour s’engager, Modigliani est réformé en 1914.
Parallèlement, Zadkine s’engage dans la Légion Étrangère : affecté à l’ambulance russe en 1915 comme brancardier, il est gazé en 1916, puis définitivement réformé en octobre 1917.
De son côté, Modigliani renonce définitivement à la sculpture, deux raisons sont invoquées : les matériaux qui affectent sa santé et ses sculptures qui ne se vendent pas.
Il va alors ne faire que de la peinture et céder à ce que Zadkine appellera plus tard dans ses mémoires « la dame spéculation« .
Ses portraits montrent plusieurs traits hérités de sa période sculpturale : style sévère, visage ovale sur un long cou, larges orbites en amande, des yeux sans pupille, nez droit, bouche pincée :




La représentation des femmes par Ossip Zadkine :



L’exposition nous donne aussi à voir et à regarder un magnifique ensemble de « portraits d’amitié » dessinés par Modigliani, qui était célèbre pour les portraits qu’il croquait rapidement, à la terrasse des cafés, en échange d’un verre ou d’un café, ou simplement en gage d’amitié, de reconnaissance et de fraternité.




Ossip Zadkine ne s’est jamais séparé du portrait que son ami avait fait de lui.
Comme dans une réciprocité, des amis ont, de leur côté, dessiné ou sculpté leurs portraits :

- « Un temple pour l’humanité«
C’est dans l’atelier d’Ossip Zadkine que se termine l’exposition avec des sculptures réalisées pour certaines au retour de la guerre et, pour d’autres, après la mort de son ami en 1920.
Comme Amedeo Modigliani, Ossip Zadkine a passé beaucoup de temps au musée d’Ethnographie où il a découvert l’art africain.

« … Dans l’agencement de l’atelier, conçu comme un « temple pour l’humanité », trois têtes sculptées en 1918 et 1919. Elles occupent une place centrale. Ces têtes aux visages allongés et aux traits simplifiés rappellent fortement les caryatides sculptées par Modigliani avant 1914, notamment celles présentées lors du Salon d’automne de 1912. Ce motif de la cariatide, inlassablement dessiné par Modigliani est également repris à maintes reprises par Zadkine et donne lieu à certains chefs-d’œuvre du sculpteur, dont la réputation avant-guerre tient largement à ses grands bois sculptés, avatars modernes des divinités antiques. » Extrait du Dossier de Presse.




En arrière plan : « La Cariatide » de Modigliani.

- Zadkine et le mythe Modigliani
Modigliani décède le 24 janvier 1920, emporté par une méningite tuberculeuse, et sa compagne Jeanne Hebuterne se suicide deux jours après. Ce sera un traumatisme pour la communauté d’artistes installés à Montparnasse.
Peu après, la légende s’empare de cet artiste au destin tragique. Ceux qui l’ont connu et admiré de son vivant, livrent tour à tour leurs témoignages.
Zadkine ne fait pas exception : dès 1930, le sculpteur évoque son ami dans un numéro spécial dédié à Modigliani. Dans ses souvenirs, publiés un an après sa mort en 1967, Zadkine brosse un éloquent portrait, haut en couleurs, de « Modi » et apporte ainsi sa pierre à l’édification de la légende du « prince de Montparnasse ».
Également dans l’exposition, des documents, films et photographies qui témoignent de l’ampleur du « mythe Modigliani » et montrent la part active prise par Zadkine dans l’édification de la légende.

Le Musée Zadkine se trouve au 100 bis rue d’Assas.
Paris 75006 Paris
